La classe de 2013 des astronautes de la NASA, avec quelques-uns des meilleurs candidats pour les missions lunaires © NASA
La classe de 2013 des astronautes de la NASA, avec quelques-uns des meilleurs candidats pour les missions lunaires © NASA

Qui seront les premiers astronautes depuis 50 ans à se rendre d’abord autour de la Lune, puis sur la surface de notre satellite ? Pour l’instant, la NASA fait patienter tous les observateurs avant de révéler l’équipage d’Artemis II. Mais qui choisit, et comment ? Le processus est moins clair et facile qu’il n'y paraît.

Les noms de Neil Armstrong et Buzz Aldrin sont restés et resteront probablement gravés pour longtemps dans la mémoire populaire. Ceux des autres participants des missions lunaires du programme Apollo, s’ils n’ont plus la même célébrité depuis cinquante ans, ont fait l’actualité en leur temps. Mais alors, qui seront les prochains ? Tandis que la première mission non habitée du programme Artemis a réussi et que la capsule Orion est revenue se poser avec succès, la prochaine fois, il y aura quatre occupants. Leurs noms sont bien gardés pour l’instant, même si la NASA devrait les révéler au printemps. Ceux des futurs marcheurs lunaires sont quant à eux encore en discussion, voire en négociation. Sans faire notre propre bingo, intéressons-nous un peu à ce choix difficile.

Alors, qui pour décoller et avoir cette vue d'un croissant de Terre ? © NASA / ESA
Alors, qui pour décoller et avoir cette vue d'un croissant de Terre ? © NASA / ESA

Plus complexe que dans les années 60

Avec ses programmes Mercury et surtout Gemini, la NASA disposait au milieu de la décennie 1960 de trois groupes d’astronautes avec des vétérans et des « rookies » impliqués dans le développement du programme Apollo et de ses missions. Tous les candidats aux premiers vols lunaires étaient des pilotes d’essai. Ce sont leurs expériences en commun ainsi que leur comportement durant les essais qui ont été prépondérants pour la formation des équipages à venir, tout autant que leurs relations avec les responsables clés de la sélection.

Reste que le suspense était limité sur la composition des missions lunaires, calquée sur les plus techniques des missions Gemini et leurs points forts : amarrage, sorties en scaphandre, manœuvres et navigation. Quant au choix de Neil Armstrong et Buzz Aldrin pour aller marcher sur la Lune, il dépendait en réalité des succès des missions Apollo précédentes. Si Apollo 8, 9 et 10 avaient révélé des problèmes majeurs avec le matériel, les premiers humains sur la Lune auraient été Charles Conrad et Richard Gordon.

En 2023, le choix est en réalité un peu plus compliqué. D’une part, parce que la NASA dispose en janvier 2023 de 41 astronautes actifs (dont seulement 3 sans mission passée ni vol prévu) et 10 en formation. Les plus anciens peuvent faire valoir leurs missions en navette, 16 d’entre eux ont volé ou vont voler cette année avec les nouvelles capsules Starliner, et presque tous ont déjà passé entre 4 et 7 mois dans la Station spatiale internationale. Des expériences qui se ressemblent, même si tous n’ont pas été commandants de mission durant leur voyage.

Seulement 16 d’entre eux étaient pilotes d’essai avant de travailler pour la NASA, ce qui pourrait définitivement être une qualité recherchée. Mais pour certains, ils n’exercent plus ce métier depuis 15 ans. La NASA devra donc choisir prochainement parmi eux 3 des 4 astronautes de la mission Artemis II (autour de la Lune), puis 4 astronautes pour la mission Artemis III (2 ou 3 d’entre eux iront sur la surface lunaire) avant la suite…

D'ici que cette vision se réalise, bien d'autres astronautes auront déjà été sélectionnés pour Artemis © NASA

Le jeu des places internationales

Il n'y a pas que la NASA dans son programme Artemis. S’il n’a échappé à personne que l’ESA participe à chacune des missions de la capsule Orion en fournissant son module de service (l’ESM, assemblé à Brême) et en construisant deux futurs modules pour la station orbitale lunaire Gateway, les Européens ne sont pas les seuls.

On trouve aussi le Canada et ses services robotisés (bras manipulateur, notamment). L’agence canadienne, la CSA, a d’ailleurs réussi à décrocher une place pour l’un de ses astronautes sur la prestigieuse mission Artemis II. Et là encore, ce sera serré. Les Canadiens joueront-ils l’expérience avec David Saint-Jacques, ou préféreront-ils Jeremy Hansen ? Sauteront-ils une génération pour leur préférer les deux plus jeunes Jenny Sidey ou Joshua Kutryk ? Là encore, il y aura des questions de compétences, d’expérience, de relations publiques, et probablement une voix pour que la NASA donne son accord.

L’ESA aussi enverra des astronautes autour, et peut-être même sur la Lune avec le programme Artemis. Deux places sont déjà réservées pour Artemis IV et V. Ces missions devraient emmener des astronautes à la surface lunaire, mais resteront-ils en orbite ou non ? La question est ouverte, autant que l’identité des premiers Européens à partir pour notre satellite naturel.

En France le nom de Thomas Pesquet est évidemment dans toutes les bouches, mais il ne sera pas le seul prétendant aux côté des autres astronautes expérimentés de sa promotion (le Britannique Tim Peake a cependant pris sa retraite, ce ne sera donc pas lui). Notons aussi que l’Allemand Alexander Gerst, géologue spécialisé dans l’étude des volcans, semble partir favori pour être le premier scientifique européen sur notre satellite.

L'astronaute allemand de l'ESA Alexander Gerst à l'entraînement pour évaluer des sédiments volcaniques © ESA

Le rôle prépondérant du chef du bureau des astronautes

À la NASA, s’il est un personnage important pour la sélection des équipages, et ce, depuis les années 60, c’est le chef du bureau des astronautes, situé à Houston. Ce dernier dispose d’un rôle prestigieux, mais relativement ingrat, puisqu’il n’a pas le droit, en théorie, de participer aux sélections qu’il propose à sa hiérarchie. C’est donc lui ou elle qui doit choisir les talents appropriés et envoyer des fiches aux responsables du programme, selon des paramètres qui restent, aujourd’hui encore, opaques au grand public.

Capacités de réaction au stress, santé, qualités et métiers pré-astronautiques, les caractéristiques exactes qui peuvent être requises pour une mission autour de la Lune sont précieusement gardées secrètes. Tout peut jouer, jusqu’à la taille même des astronautes. On se souviendra de la première sortie spatiale « entièrement féminine » prévue sur l’ISS et qui avait dû être repoussée de 7 mois, car l’agence américaine ne disposait pas au bon moment de deux combinaisons de la taille adéquate en orbite…

Mais qui est le chef des astronautes ? Eh bien, depuis le début du mois de février, c’est Joseph Acaba, 55 ans. En acceptant le poste, il s’est lui-même exclu de la mission Artemis II, c’est donc un prétendant de moins pour les places à venir. Cela révèle probablement les intentions de l’ancien chef du bureau, Reid Wiseman. Ce dernier a quitté son poste quelques jours avant la mission Artemis I. Or, il est de coutume que si un astronaute est responsable du bureau, il puisse avant de démissionner s’assigner une place. Pour de nombreux observateurs, cela ne fait pas un pli, Reid Wiseman sera assis dans la capsule Orion lors de son prochain départ.

Reid Wiseman est en plus de cela un excellent communicant © NASA

La diversité au centre des missions Artemis

L’agence américaine ne s’en cache pas, l'un de ses objectifs avec Artemis est d’amener « la première femme et la première personne de couleur à marcher sur la Lune ». Ainsi, il faut bien ajouter ce critère à ceux que l’on a pu énoncer précédemment, ce qui fait inévitablement ressortir quelques profils en particulier.

Victor Glover, astronaute noir américain et ex-pilote d’essai dans la marine, est un excellent communicant, il est jeune et a fait ses preuves lors d’une première mission longue. Stephanie Wilson fait aussi office de concurrente sérieuse avec ses trois missions de navettes américaines et son expérience au sol. Sans oublier les femmes de la dernière génération qui ont impressionné lors de leurs missions : Christina Koch et sa rotation de plus de 320 jours sur l’ISS (6 sorties spatiales), Jessica Meir et son passé de docteure en biologie, Anne McLain, ex-pilote d’essai d’hélicoptères, et Serena Aunon-Chancellor et son diplôme de médecine, dont les racines latines ont déjà été mises en avant. Dans un groupe large où les compétences sont proches, l’origine, le sexe ou la couleur de peau auront leur influence.

Christina Koch et Jessica Meir, deux prétendantes sérieuses qui avaient réussi la première sortie entièrement féminine en scaphandre sur l'ISS © NASA

Un jeu si apolitique ?

Lorsque la NASA annoncera les noms de ceux qui ramèneront l’humanité autour de la Lune, il y aura donc une part importante de technique, de compétences, de profilage… et pas de politique ? En tout cas, c’est le souhait affiché par la NASA, dont l’administrateur (directeur), Bill Nelson, a révélé en janvier n’avoir aucune part active dans la sélection des équipages.

Joseph Acaba devra néanmoins composer avec le directeur des opérations de vol, Norm Knight, et la directrice du centre spatial Johnson, Vanessa Wyche, dont la signature (d’après CNN) sera la dernière validation nécessaire. Il s’agit donc de ne pas se fâcher avec l’administration ni de faire un pas de travers pour les potentiels candidats. Même si nous sommes loin aujourd’hui des querelles d’ego et des « coups de gueule » de certaines missions des années 60 (Apollo 7), les astronautes qui sont d’excellents communicants ont néanmoins tous des rapports différents avec la hiérarchie de la NASA.

Bon, alors, qui partira vers la Lune au deuxième semestre 2024 ? On a bien hâte de le savoir !