Portée par le bouche-à-oreille et par la gratuité, l'application de guidage Waze est devenue LA référence. Combien d'automobilistes ont délaissé leur luxueux GPS de première monte, proposé à prix d'or en option, au profit d'un smartphone fixé sur un vulgaire support ? Combien d'appareils TomTom prennent la poussière dans les boites à gants ?
C'est que Waze s'est rendu indispensable. C'est effectivement le pionnier de l'information trafic participative, et l'un des, sinon le plus réputé du secteur. Waze n'est pas qu'une application de guidage menant à destination, c'est aussi et surtout un service qui vous y emmène plus rapidement, en fonction des remontées des autres utilisateurs.
Le principe est simple : tous les utilisateurs de tels services partagent en temps réel leur localisation et leur vitesse, ce qui permet de cartographier avec précision l'état du trafic, et donc de détourner les usagers des bouchons. L'efficacité du guidage dépend dès lors du nombre d'utilisateurs, mais aussi de la précision des cartes et de la qualité des algorithmes.
Or Waze n'est pas le seul à proposer de l'information trafic « haute définition ». Contrairement à ce qu'on pourrait penser, le service n'est pas le seul à jouir d'une vaste communauté, il a plusieurs concurrents sérieux : notamment TomTom, iCoyote et Inrix.
Mais quelle est la meilleure alternative ?
1 mois et 1 000 km dans les bouchons parisiens
J'ai tenté de le déterminer en roulant un mois en utilisant simultanément deux de ces applications sur deux smartphones. J'ai effectué tous mes trajets domicile-travail quotidiens et tous mes trajets personnels avec Waze sur un téléphone et avec une autre application sur un autre.J'ai circulé essentiellement à Paris intra-muros et en première couronne, occasionnellement en Île-de-France, principalement en heures pleines, plus rarement en heures creuses. Au total, un peu moins de 1 000 km dans la circulation parisienne, l'une des plus denses de France et d'Europe.
Chacun sa spécialité
Le premier enseignement c'est qu'aucun gagnant ne se dégage de ce mois d'utilisation intensive.Le second c'est que j'ai découvert qu'on ne pouvait pas vraiment établir de classement non plus. Les conditions routières étant impossibles à reproduire, il aurait pour cela fallu organiser des « courses » avec plusieurs voitures suivant chacune l'itinéraire des différentes applications. Et quand bien même, je ne crois pas qu'un des services se serait distingué. Une seule chose est sûre : sauf lorsque la circulation est parfaitement fluide, les applications ne donnent presque jamais le même itinéraire.
Ce qui ressort de cette expérience, c'est que chaque application a ses forces et ses faiblesses. Ainsi ce que j'ai pu déterminer, c'est les situations et les profils d'automobilistes auxquels chacune d'elles est la plus adaptée.
Waze : le plus polyvalent
La première question qu'on peut se poser, c'est pourquoi chercher une alternative à Waze. Le service nous fait bien emprunter des itinéraires différents d'un jour à l'autre. Certes, mais est-ce la preuve de son efficacité ?Quoi qu'il en soit, il y a une raison suffisante d'étudier des alternatives : éditée par une filiale de Google, l'application est gratuite. Or si c'est gratuit, c'est que vous êtes le produit, comme dit le désormais célèbre dicton. Elle est financée par de la publicité ciblée, et certains consommateurs refusent de s'y soumettre. Comment être sûr que l'application ne vous fait pas faire un détour pour vous faire passer à proximité du commerce d'un annonceur ? Waze s'en défend, mais c'est ce que craignent certains théoriciens du complot.
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En tout cas les cartes de Waze sont pleines de segments colorés et d'épingles signalant des ralentissements, des fermetures temporaires ou des événements ponctuels (présence de la police, d'un véhicule arrêté...). La communauté tourne à plein régime. À Paris il y a constamment plusieurs milliers d'automobilistes qui remontent automatiquement les conditions de circulation. « 40 000 Wazers autour de vous » ce jeudi après-midi de rédaction.
Le problème c'est qu'en centre-ville le service a une trop forte tendance à faire contourner les ralentissements, et qu'il ne semble pas prendre en compte les délais qu'entraine un slalom urbain. Les feux tricolores étant plus ou moins calés sur chaque axe routier, à chaque fois qu'on change de cap, on risque de se « prendre » un feu rouge ou de patienter avant de pouvoir couper la circulation à un carrefour.
Si vous préférez attendre paisiblement seul aux feux rouges que faire l'accordéon, Waze est le service qu'il vous faut !
Comme tous les services d'infotrafic testés, il a à l'inverse une certaine incapacité à détecter des ralentissements d'une seule file. Waze procure parfois une sensation jouissive de délit d'initié, lorsqu'il fait sortir du périphérique 100 mètres avant un bouchon. Mais souvent dans cette situation, on reperd le temps qu'il pensait faire gagner, en faisant 10 min de queue au feu rouge dans une petite rue restée sous le radar.
En général Waze fait néanmoins gagner du temps. Cette affirmation se base sur plusieurs années d'utilisation de services d'infotrafic « haute définition ». Je n'utilise Waze à temps plein que depuis quelques mois, mais j'utilisais auparavant TomTom Traffic, sur lequel je m'étends un peu plus loin. J'ai donc pu mesurer l'amélioration par rapport à mes anciens itinéraires « manuels ».
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Google Maps : la facilité pour les occasionnels
Google ayant fait l'acquisition de Waze en 2013, on peut se demander ce qu'il reste à Waze face à Google Maps ? Comment ces deux cousins germains se distinguent-ils ?Pour faire court, la fonction de navigation routière de Google Maps descend clairement d'un service de cartographie, alors que Waze s'est toujours consacrée à la conduite. Ça se matérialise par la présentation de la carte, plus détaillée sur Google Maps, plus schématique sur Waze. Le premier affiche plus clairement la route à petite échelle, ce qui est pratique à l'approche d'une bifurcation complexe (contre-allée, échangeur périurbain...), le second donne une meilleure vue d'ensemble et demande plus souvent en contrepartie de se fier aux indications de distance lorsque deux sorties se succèdent (« prendre la sortie à X mètres »).
Google Maps n'affiche pas les limitations de vitesse, ne signale pas les dépassements et ne localise pas les radars, fixes ou mobiles. En contrepartie elle n'affiche pas non plus de publicité. Mais surtout elle n'offre pas l'approche communautaire et divertissante qui plait à beaucoup d'utilisateurs de Waze.
Mais elle mène tout aussi bien à bon port, avec une information trafic aussi fiable (en partie mutualisée d'ailleurs). Et bien qu'elle soit la moins « routière » des applications testées, c'est la seule à passer automatiquement en mode nuit sous les tunnels.
En somme, préinstallé sur la quasi-totalité des smartphones pour ses prestations de cartographie, Google Maps convient très bien à une utilisation occasionnelle, chez ceux qui ne veulent pas d'applications redondantes. Signalons enfin qu'elle est la seule de ce comparatif à offrir un guidage cycliste, prenant en compte les pistes cyclables.
TomTom : l'alternative sans publicité
Pionnier du guidage routier et numéro un européen du marché en déclin des appareils autonomes, TomTom a récemment répondu à Waze et à l'essor du guidage sur smartphone. Il a effectivement porté sur mobile le logiciel éprouvé de ses appareils autonomes.TomTom Go Mobile propose une interface minimaliste, mais néanmoins complète en termes de fonctionnalités. La carte mise tout comme Waze sur une représentation assez schématique de l'itinéraire, facilement lisible sur l'écran relativement petit d'un smartphone fixé à la planche de bord.
L'application de TomTom se distingue en premier lieu de Waze sur le plan économique. Même si l'application est partiellement gratuite, autant dire qu'elle est payante : on dépasse les 75 km mensuels gratuits dès lors qu'on l'utilise quotidiennement ou dès qu'on prend la route des vacances. 20 euros/an reste toutefois un tarif raisonnable pour renoncer à la publicité.
Concernant l'information trafic, TomTom Go Mobile est évidemment beaucoup moins populaire que Waze, et les appareils TomTom Go dédiés se font de plus en plus rares, en particulier pour les trajets quotidiens. Mais le service TomTom Traffic a plus d'une corde à son arc : le fabricant a effectivement conclu plusieurs partenariats intéressants. Avec de multiples constructeurs automobiles, pour commencer. De nombreuses voitures en circulation remontent ainsi leur position et leur vitesse par le biais d'une connexion cellulaire embarquée. TomTom est aussi de mèche avec des opérateurs européens : de fortes concentrations de téléphones mobiles connectés à certains relais permettent effectivement de cartographier des bouchons. Le fabricant collabore enfin avec les collectivités locales sur les fermetures temporaires.
Comme je l'évoquais plus haut, j'ai utilisé un TomTom Go avec TomTom Traffic plusieurs années avant d'essayer Waze et de l'adopter, essentiellement à cause du manque de réactivité de l'interface de l'appareil autonome. (L'application TomTom Go Mobile est a contrario la plus réactive et la plus fluide de ce comparatif.) Je n'avais pas constaté d'évolution sensible de mes temps de trajet lors de la bascule. Dans une étude commandée par TomTom en 2013, les deux services étaient dans un mouchoir de poche. Selon mes constatations, ils le sont encore aujourd'hui.
Par rapport à Waze, TomTom Traffic a plus tendance à vous maintenir sur un axe assez chargé. Mais si rouler à seulement 30 km/h de moyenne sur le périphérique parisien peut frustrer, c'est néanmoins une moyenne nettement supérieure à celle qu'on peut obtenir en ville, avec tous les feux rouges.
Les deux applications indiquent souvent quasi la même heure d'arrivée, même lorsqu'elles ne proposent pas le même itinéraire, alors qu'elles sont très souvent assez ponctuelles. Même si, comme Waze, TomTom manque souvent les embouteillages d'une seule file et peut vous faire perdre 10 min.
En somme, TomTom Go Mobile et Waze sont ex aequo. C'est surtout leur interface qui les départage. TomTom convient à ceux qui sont habitués aux appareils de la marque ou à ceux qui préfèrent une ergonomie plus typée automobile qu'application mobile. Et à ceux qui préfèrent un (petit) abonnement que des publicités.
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iCoyote : pour les Franciliens et les longs trajets
Coyote aussi s'est récemment mis à concurrencer Waze. Le spécialiste français des avertisseurs de radars a lancé cette année iCoyote 10, une application mêlant les fonctions historiques d'« assistant d'aide à la conduite » à de nouvelles fonctions de navigation avec information trafic communautaire.iCoyote repose tout comme TomTom Go Mobile sur un modèle économique dit freemium, si ce n'est que cette fois la navigation et l'information trafic sont gratuits en illimité, sans publicité, afin de rivaliser avec Waze. Ce sont les alertes de radars qui sont payantes, facturées aux tarifs dégressifs de 12 euros pour un mois, de 50 euros pour un an (soit environ 4 euros/mois) ou de 90 euros pour deux ans (3,75 euros/mois).
L'application iCoyote 10 fonde d'ailleurs sa différence sur ces critères économiques. Relativement onéreux, l'abonnement à Coyote cantonnait jusqu'à présent le service aux « gros rouleurs ». Cette communauté est donc moins grande, mais très impliquée.
Ces dernières années j'ai pu constater son efficacité quasi infaillible sur les routes des vacances. Motivés par une note de fiabilité, les membres ne manquent quasi aucun radar mobile, quasi aucun danger, sans pour autant signaler de situations insignifiantes comme on en croise trop sur Waze, ni d'autres faux positifs. Presque personne n'utilise en revanche son assistant d'aide à la conduite dédié en ville.
En démarrant mon expérience je m'attendais donc à ce qu'iCoyote soit sensiblement moins fiable que les autres. Mais après tout il n'est pas nécessaire d'avoir des dizaines de voitures au ralenti pour détecter un bouchon, et il semble bien que quelques-unes suffisent. Car en pratique, iCoyote est bien le service d'information trafic le moins fiable de cette expérience, mais il est néanmoins assez efficace. Il fonctionne aussi bien que les autres sur des axes tels que les grands boulevards, les voies sur berge (ce qu'il en reste), le périphérique ou les « super-périphériques » parisiens que sont l'A86 et la Francilienne. Sans oublier bien sûr les routes et autoroutes du reste de la France, sur lesquelles il est selon mes constatations quasi infaillible. Il lui arrive un peu plus souvent que les autres de suggérer des détours absurdes, mais un conducteur attentif en fera abstraction et comblera l'écart.
En fait il me semble qu'il n'y a que dans certains quartiers « capillaires », essentiellement constitués de rues à une seule file par sens, que sa communauté réduite lui fait défaut.
Un dernier bémol : faute de fonction de correction communautaire, sa cartographie Here n'est pas la plus réactive. Elle ne reflète toujours pas certaines modifications du réseau qui datent de plusieurs mois.
Ainsi iCoyote convient aux urbains qui préfèrent des alertes radars infaillibles quitte à perdre parfois quelques minutes, ainsi qu'à ceux qui roulent essentiellement sur route (par opposition à sur rue). Autrement je recommande Waze ou TomTom Go Mobile, selon qu'on préfère payer ou qu'on tolère la publicité. Notons que la version Android d'iCoyote offre le meilleur des deux mondes puisqu'elle permet d'afficher les alertes radars en surimpression d'une autre application de guidage.
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Inrix : excellent en planification, pas en guidage
Tout comme Coyote et TomTom, Inrix n'est devenu un concurrent direct de Waze que récemment. Il a lancé au mois de mars une refonte de son application mobile, laquelle apporte notamment des fonctions de guidage pas à pas, pour en faire une application tout-en-un.Mais Inrix n'est pas parvenu à se défaire de son passif d'application de consultation. Diamétralement opposée à celle de TomTom Go Mobile, son interface n'est pas très adaptée à la conduite. Elle est très riche en informations, trop. Elle souffre aussi et surtout d'une cartographie inadaptée à la conduite, ou en tout cas mal exploitée. Les cartes OpenStreetMaps (le Wikipédia de la cartographie) sur lesquelles elle repose sont d'une précision redoutable en tant que plan, que cadastre. Mais j'ai rapidement abandonné Inrix en tant qu'application de guidage, car elle veut trop souvent vous faire faire des manœuvres interdites (tourner à gauche en traversant une ligne blanche...) ou impossibles (terre-plein central), et vous jette ainsi dans la gueule du loup.
Inrix jouit pourtant d'une information trafic d'une très grande fiabilité. C'est que l'éditeur est un ténor des services télématiques d'info-trafic embarqués aux voitures, il intègre à ce jour 250 millions de véhicules dans le monde.
L'application Inrix reste ainsi la meilleure en planification anticipée, pour ceux qui savent se repérer, qui ont leurs habitudes, leurs préférences, et qui veulent une vision d'ensemble avant de prendre la route sans application de guidage. La nouvelle version apporte d'ailleurs une fonction de prédiction, qui devine quand l'utilisateur doit prendre la route et le prévient automatiquement de l'heure à laquelle il doit partir pour arriver à l'heure, en fonction de l'état du trafic. On peut éventuellement associer cette fonction à d'autres applications plus douées en guidage. Spécialisée dans les trajets quotidiens, Inrix est donc un bon compromis entre l'ancienne et la nouvelle école.
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Verdict
Comme je l'écrivais en introduction, il ressort de cette expérience d'un peu plus d'un mois qu'il est impossible d'établir un classement ou même de dégager un vainqueur. Il faudrait pour cela déployer de gros moyens (organiser d'innombrables « courses » entre applications), et encore je ne suis pas certain qu'on obtiendrait des écarts significatifs.C'est surtout que chaque application, chaque service d'information trafic sous-jacent, chaque communauté a ses spécificités, ses forces, ses faiblesses, ses terrains de jeu. Je pense les avoir identifiés et vous les avoir retranscrits dans les grandes lignes.
Mais compte tenu des conditions de l'expérimentation, votre expérience peut varier, que vous circuliez dans un autre pays, dans une autre région de la France ou même dans une autre partie de Paris. Ce comparatif devrait néanmoins vous permettre de resserrer votre sélection. Ensuite libre à vous de comparer en pratique : trois des cinq services sont entièrement gratuits, les deux autres proposent des offres d'essai sans engagement.