Venue de Chine, Lynk&Co débarque désormais en France. Mais la marque ne vend pas seulement une voiture de plus dans le paysage encombré des hybrides rechargeables : elle propose des formules de mobilité inédites dans le monde de la possession automobile et met l’accent sur le partage.
Le monde de la consommation se tourne peu à peu vers l’abonnement mensuel. On n’achète plus vraiment les choses au comptant : on les loue ou on s’y abonne. On avait l'habitude avec les logiciels, les films ou la musique, et l’automobile s'y met aussi depuis quelques années avec l’explosion des financements constructeurs avec des offres LOA/LLD. Sans compter la démultiplication des options disponibles contre un abonnement, à l'image du Full Self-Driving de Tesla, ou même de ce que veut faire Mercedes avec les roues arrière directrices de l'EQS.
Une mode de commercialisation inédit
Faisant partie du groupe chinois Geely, qui détient aussi Volvo et Polestar, Lynk&Co arrive chez nous avec une formule atypique et réservée à l'Europe. Car si elle propose une vente traditionnelle sur son marché domestique (aussi en France, nous y reviendrons), la marque privilégie avant tout son offre Membership Mensuel, qui prend la forme d’un abonnement classique : contre une mensualité (plutôt élevée), l’acquéreur peut profiter sans engagement de son véhicule autant de temps qu’il le veut avant de résilier son contrat sans engagement.
Les acheteurs peuvent même, à l’instar de Netflix, partager leur voiture sur une plateforme d’auto-partage maison. Tout le monde y gagne (supposément) : les propriétaires ou locataires arrondissent les fins de mois, alors que les membres inscrits gratuitement ne payent que l’utilisation de la voiture.
Un partage technique avec le Volvo XC40 T5
Pour réunir tout le monde, Lynk&Co lance le nouveau 01, qui cache derrière son nom un SUV compact hybride rechargeable. D’une longueur de 4,54 m, il est étroitement dérivé du Volvo XC40 T5 Recharge, avec lequel il partage sa plateforme CMA du groupe et sa dotation mécanique.
On retrouve donc sous le capot le tandem hybride composé d’un 3 cylindres essence 1,5 l de 180 ch et un moteur électrique installé dans la boîte de 82 ch. L’ensemble promet un total de 262 ch pour 265 Nm de couple. Une copieuse cavalerie donc pour ce SUV hybride rechargeable, mais qui se montre un peu plus doux qu’à bord du XC40 du même tonneau, avec un 0-100 km/h en 7,9 s contre 7,3 s pour le SUV suédois. En revanche, le Lynk&Co se débarrasse de la bride de vitesse à 180 km/h voulue par Göteborg et vise les 210 km/h.
Un comportement routier toujours rassurant
Sur la route, ce SUV présente un bel agrément de conduite, notamment favorisé par l’ambiance intérieure et l’excellente insonorisation. Le confort de roulement se montre dans la plupart des situations à la hauteur, et il n’y a guère que sur les chaussées dégradées que l’amortissement pourra se montrer plus cassant. Et c’est notamment le cas sur les pavés parisiens, où les premiers exemplaires paradent à en faire tourner la tête des badauds. Un système piloté (pas même disponible en option) aurait été le bienvenu dans ce SUV, qui veut notamment se montrer technologique.
Mais le filtrage est bon et sur la route, ce paramétrage est toujours un avantage : rigoureux sur ses appuis, le 01 tient bien le cap dans les enchainements de virages. Le Peugeot 3008 est encore devant, mais le SUV chinois s'en approche de près. Reste que son comportement n’est pas fidèlement communiqué dans la colonne direction distante et on se fait rapidement surprendre par les limites des pneus Continental Eco Contact 6, réveillant de surcroit un ESP un peu chatouilleux sur les chaussées mouillées. Mais c’est bien le système de freinage qui bridera les rythmes de conduite enlevée avec une consistance perfectible et une grande hésitation entre le freinage régénératif et par friction.
Pas plus citadin (rappelons qu’il s’étale sur 4,54 m de long et 1,86 m de large) que sportif, ce SUV préfère les longues enfilades autoroutières comme tous les concurrents de son segment. Un terrain à sa dimension et à la hauteur de ses qualités en matière de confort de roulement et d’équipement. Au régulateur de vitesse adaptatif il ajoute un système de conduite autonome de niveau 2 qui apporte l’aide au maintien dans la file et l'assistance dans les bouchons. Une fois en route, on se laisse transporter par le Lynk&Co 01 dans un cocon bien exécuté, qui tutoie les références européennes dans le segment des premiums.
Un habitacle techno et de qualité premium
A vrai dire, il apparaît plus intéressant que le Volvo XC40 avec notamment la présence d’une console centrale surélevée et plus enveloppante. Et bien que son prix de vente soit inférieur, il ne prend pas de raccourcis en matière de finition avec des assemblages bien exécutés et des matériaux de bonne qualité. Ils ne sont pas généreusement moussés, mais ils sont agréables au toucher, depuis le haut de la planche de bord aux habillages feutrés dans les caves à pieds, puissamment mise en lumière par l’éclairage d’ambiance, là où la majorité des constructeurs font des économies.
Aussi, il mise sur les petites attentions, avec par exemple un manuel synthétisé caché dans l'accoudoir central, ou une trappe de recharge qui n'est pas qu'une vulgaire trappe en plastique - et aimantée, s'il vous plait ! Seuls les sièges, au dessin sportif et en tissus Econyl, ne se montrent pas totalement raccords dans cet univers. Nous avons du mal à penser qu’ils profiteront un jour des prochain « cuirs » vegan de Volvo.
L’équipement n’a pas à rougir non plus avec une instrumentation numérique de 12,3 pouces et un écran central tactile de 12,5 pouces qui offre l’accès au système d’info-divertissement. Mais le partage a ses limites et le 01 embarque son propre dispositif, qui souffre encore de quelques critiques : sa mise en route est longue au démarrage et quelques latences se font sentir lorsque l’on sélectionne une fonction, bien que la sensibilité de l’écran tactile soit bien calibrée. Du moins, bien mieux que celui des touches sur le volant, qui réclament de s’y reprendre plusieurs fois pour naviguer à travers les différents menus. Mais les sélections physiques sont encore possibles. Heureusement, car l’ergonomie du système oblige à se perdre dans l’affichage pour sélectionner une fonction.
Parmi ses autres fonctions, le 01 propose une navigation connectée en 3D qui se projette automatiquement sur le combiné d’instrumentation lorsqu’elle est connectée, d’un système audio Infinity à 10 haut-parleurs et d’une connexion à Internet. Voiture moderne et qui mise sur le partage, elle propose aussi deux caméras dans le rétroviseur central, toutes les deux reliées aux réseaux sociaux : l’une filme l’extérieur et l’autre l’habitacle. Il est possible d’enregistrer des séquences pendant plusieurs dizaines de secondes et de les enregistrer sur le disque dur interne de 64 Go.
La caméra arrière ne s’affiche que lorsque l’on enclenche la marche arrière via la commande centrale (le levier ne dispose pas de crans et il faut le pousser/tirer deux fois pour le mettre sur R ou D). Sa définition semble excellente, mais la taille dédiée à l’affichage est petite car en partie occupée par la vue aérienne de la voiture. Sa présence semble alors superflue, car elle ne symbolise que les radars autour de la voiture et ne peut pas afficher l'environnement comme le font les systèmes à 360°.
Consommations et modes de conduite
Coté consommations, le Lynk&Co est capable de tout et son contraire en raison de ses modes de conduite étonnamment paramétrés. Le mode « Pure » verrouille le fonctionnement électrique jusqu’à une certaine limite en fonction de la charge sur l’accélérateur ou la vitesse atteinte (jusqu’à 125 km/h). Le mode « Performance » met à contribution les deux moteurs mais allume directement le bloc thermique pour un meilleur répondant, en délivrant une sonorité sportive plutôt bien travaillée.
Mais c’est bien le mode hybride qui nous interroge sur son fonctionnement, puisque nous avons roulé exclusivement à la seule force du moteur électrique, même sur autoroute avec la navigation enclenchée. A la différence du Hyundai Tucson Plug-in, par exemple, le 01 ne prend donc pas en compte le terrain pour alterner entre les deux moteurs. La consommation moyenne gagne ce que la batterie perd en charge, et on arrive donc rapidement au mode hybride batterie vide, où le moteur thermique n’est plus vraiment aidé par l’électrique. Voire presque pas, puisque la fée électrique ne permet que de lancer le SUV jusqu'à 10 km/h avant de laisser le relais au 3 cylindres GEP3.
Au terme de cet essai d’à peine plus de 100 km, nous avons enregistré une moyenne de 4,2 l/100 km. Entre les lignes, nous avons essayé les fonctions « Save » et « Recharge ». Cette dernière est moins pertinente que la première, qui permet de sauvegarder la batterie en donnant moins de latitude au moteur électrique dans ses interventions. Dans ce cas, la consommation peut osciller entre 6 l/100 km et 7 l/100 km. Pas du surprise batterie vide avec un niveau qui peut augmenter autours des 8 l/100 km, avec une utilisation intensive sur autoroute.
Son appétit est donc plutôt correct pour un SUV de cet envergure. Mais dans cette configuration, les 262 ch sont aux abonnés absents et seuls les 180 ch du moteur thermique assurent la traction. C’est peu pour faire avancer les 1 879 kg (à vide) du SUV, surtout lors des reprises qui peuvent se montrer plus lentes de l’ordre de 1,0 secondes. C’est beaucoup derrière le volant.
Autonomie et recharge
Contrairement au Volvo XC40 T5 sur lequel il repose, le Lynk&Co embarque une batterie lithium-ion plus généreuse, avec une capacité totale de 17,6 kWh dont 14,1 kWh utiles. C’est ce qui lui permet d’afficher une autonomie moyenne quasi-record dans la catégorie de 69 km sur le cycle WLTP, ou même de 81 km en ville. Dans les faits, les 70 km sont à sa portée et il sera toujours possible de faire plus de 60 km, même avec les températures frisant le 0 °C rencontrées lors de notre essai.
Installée dans le tunnel central (ce qui permet de conserver un coffre au volume intéressant de 466 l) la batterie est en revanche reliée à un chargeur AC qui n’est pas à la hauteur de sa capacité : la puissance de 3,3 kW est faible et il faudra attendre près de 5h avant de faire le plein d’électricité. Un système de 7,4 kW serait un minimum pour un hybride rechargeable doté d’une telle capacité.
Lynk&Co 01 : prix et équipement
Pour mieux maîtriser ses prix, le Lynk&Co 01 ne s’embrouille pas avec son catalogue de personnalisation : seules deux teintes bleue et noire sont proposées au choix. Pour le reste, le 01 est un SUV « toutes options de série », avec tous les équipements énumérés plus haut. On y retrouve aussi diverses applications comme Spotify, le chargeur à induction, deux fois deux prises USB, l’accès et démarrage sans clé, le toit ouvrant, le système de reconnaissance vocale, la connexion Internet et un paquet d’aides à la conduite aux acronymes qui font le tour de l’alphabet et des caractères spéciaux : ACCQA pour le régulateur adaptatif avec assistant dans les embouteillages, HWA pour l’assistance routière, SAP+ pour le stationnement semi-automatique, RCTA pour l’alerte de circulation arrière, AHBC pour le contrôle des feux automatique ou AVSL+ pour le limiteur de vitesse automatique, entre autres multiples aides électroniques.
Pour profiter du 01, Lynk&Co offre donc trois possibilités : louer celui de quelqu’un d’autre le temps d’un trajet, s’abonner à un exemplaire sans engagement ou acheter le sien traditionnellement (comptant ou en LOA). Dans ce dernier cas, la carte grise est au nom du propriétaire et non au nom du constructeur, comme c’est le cas avec la deuxième option. A noter que là, les contraventions seront envoyées au conducteur, avec en plus des frais de dossier. Une double peine, donc, en cas d'écart de conduite.
Dans le premier cas, l’inscription pour devenir membre est gratuite, mais les prix des locations courte durée seront définis par les propriétaires ou les abonnés. En abonnement, le SUV s’affiche au prix de 500 €/mois, entretien (réalisé dans les réseau Volvo) et assurance compris avec une limite de 1 250 km par mois (0,15 €/km supplémentaire). Le tout sans engagement avec une résiliation possible dans un délai d’un mois. Enfin, en achat intégral, il s’affiche au prix de 41 500 €, soit 10 100 € de moins que le Volvo XC40 T5 en finition de base R-Design et 14 300 € de moins que la version Inscription Luxe, facturée 55 800 €.
- Lynk&Co 01 (achat intégral) : 41 500 €
- Lynk&Co 01 (membership Mensuel) : 500 €/mois
Avis Lynk&Co 01 : faut-il craquer (ou s'abonner) ?
Le Lynk&Co 01 est assurément une bonne affaire. Au-delà de son prix de vente plutôt bien maîtrisé, il ne sacrifie pas sa présentation et ses prestations. Mieux encore, il chatouille sérieusement les références établies avec des matériaux de qualité, un équipement ultra-complet et un tandem hybride qui, s’il n’est pas le plus optimisé pour fonctionner avec les deux moteurs, canalise toujours les consommations. Aussi, son autonomie électrique devrait suffire à la très grande majorité des rouleurs et faire baisser le coût d'utilisation direct. Mais ce sont bien les formules commerciales qui se montrent les plus intéressantes et qui bouleversent les codes établis en la matière. En achat intégral, il pourrait mériter la rallonge supplémentaire par rapport à un MG EHS par exemple.
En revanche, la marque semble faire un drôle de pari. Car si ses choix plaisent pour leur originalité, la réalité du marché serait tout autre, notamment avec un SUV hybride rechargeable, qui s’adresse donc davantage aux professionnels (75% des acheteurs du segment) et dont les besoins ne peuvent guère s’adapter à la location à d’autres conducteurs. L’avenir nous dira donc si la formule est viable, mais le constructeur qui a basé sa maison-mère en Suède est confiante : elle comptabilise déjà une communauté de 30 000 membres en Europe, quand l’objectif initial était de 9 000 membres la première année.