L'otoémission, au coeur de Nuraphone
Afin d'être perçus et interprétés par le cerveau humain, les sons doivent être transformés en impulsions électriques. Pour cela, l'oreille met en oeuvre un ensemble de mécanismes très sophistiqués, que nous ne détaillerons pas ici. Après avoir franchi le tympan, l'onde sonore passe par la cochlée, sorte d'amplificateur de signal où se trouvent les cellules ciliées. Celles-ci sont stimulées par l'onde et la transforment en un signal électrique qui sera interprétable par le cerveau.Les cellules ciliées émettent en retour un son très faible, en fait une sorte d'écho 10 000 fois moins puissant que l'onde d'origine. Ce « signal retour » n'est pas exactement une copie miniature de l'original, mais une signature de ce qui a été perçu par l'appareil auditif. Elle est différente pour chaque humain et varie en fonction de son âge, de l'état du système auditif et d'un tas d'autres critères qu'on ne détaillera pas ici. C'est ce phénomène que l'on appelle otoémission.
Si un dispositif envoie dans les oreilles d'un individu un ensemble de fréquences calibrées, puis récupère pour chacune l'écho retourné par les cellules ciliées, il devient possible de dresser un profil très précis de sa perception sonore. C'est par exemple ce que font les médecins ORL désirant mesurer avec précision l'état du système auditif d'un patient. On parle alors d'otoscopie. Même si cette technique est exploitable au niveau médical (où le prix de l'équipement et son encombrement ne sont pas nécessairement des critères primordiaux), il en va tout autrement pour un produit destiné au grand public.
Comment miniaturiser toute l'électronique nécessaire ? Comment capter le retour otoacoustique avec fiabilité sans passer par un équipement coûtant une fortune ? Et surtout, comment rendre son utilisation assez simple pour le commun des mortels ? C'est en se triturant la cervelle pendant de longs mois que Dragan et Luke ont réussi à résoudre ces problèmes. Aidés par un financement participatif qui rencontra un vif succès, ils ont fondé Nura, start-up australienne dont le premier produit est donc le Nuraphone.
Design et ergonomie : presque sans faute
Produit haut de gamme, Nuraphone est constitué de matériaux soigneusement sélectionnés. Il est ainsi fait d'un acier japonais réputé pour sa solidité et sa souplesse et de silicone hypoallergénique. Le casque n'est pas pliant : si vous cherchez un produit compact, passez votre chemin ! Son encombrement n'est toutefois pas rédhibitoire puisqu'il se rapproche de celui d'un casque traditionnel (190 x 170 x 88 mm pour 329 g). Le mécanisme de réglage des oreillettes inspire confiance : souple, mais résistant, il autorise un ajustement précis des coussinets.Pas la peine de chercher des boutons ou commandes mécaniques sur Nuraphone : il n'y en a pas. Exit aussi l'habituel commutateur de mise sous tension, le casque se réveillant dès qu'il est mis sur les oreilles. Les platines métalliques situées sur chaque écouteur font office de commandes tactiles dont on pourra personnaliser l'usage à l'aide de l'app compagnon (Nous y reviendrons plus loin).
Intra et Circum dans le même casque
Avant de tester Nuraphone, nous connaissions trois types de casques audio : intra-auriculaire (logé à l'entrée du conduit auditif), supra-aural (posé sur les oreilles) ou circum-aural (recouvre complètement les oreilles). S'il est doté de coussinets, un casque peut être de conception fermée (l'air extérieur ne filtre pas du coussinet), ouverte (une grille d'aération sur la face externe du coussinet autorise la libre circulation de l'air) ou semi-ouverte (compromis entre les deux). Nuraphone est à notre connaissance le premier - sinon le seul - casque à être à la fois circum-aural fermé ET intra-auriculaire.Chaque coussinet recouvre donc l'oreille, mais est doté en son centre d'une excroissance intra-auriculaire. La partie circum-aurale embarque un driver restituant essentiellement les basses tandis que l'excroissance intra-auriculaire comporte un haut-parleur et le fameux micro ultra-sensible servant à détecter le retour sonore des cellules ciliées. D'après Dragan Petrović, cette paire de micros (un par oreillette) est de loin l'élément le plus onéreux de Nuraphone, sa mise au point ayant demandé des trésors d'ingénierie.
Cette conception à double entrée des oreillettes n'a pas que des avantages. En premier lieu, il faudra accepter d'avoir à la fois des embouts en silicone posés à l'entrée du conduit auditif et des coussinets à mémoire de forme recouvrant les pavillons. L'impression est étrange au début, mais nous avons réussi à nous y faire sans trop de mal. Cela n'a pas été le cas de certaines personnes à qui nous avons prêté le casque.
Autre problème, la sensation d'échauffement des oreilles due aux oreillettes. Dans notre cas, nous avons ressenti le besoin de faire une pause d'une petite minute à peu près toutes les heures d'utilisation continue. Là aussi, tout le monde ne s'y fait pas : si vous ne supportez pas un casque circum-aural traditionnel, vous risquez d'être à la peine avec Nuraphone.
Un câble de charge, sinon rien !
La charge de la batterie s'effectue par un câble propriétaire à connecter sur un port USB ou sur le bloc secteur d'un smartphone. Nuraphone indique que l'autonomie atteint une vingtaine d'heures. Dans les faits, nous l'évaluons à 18 heures en écoute Bluetooth. Malgré la fourniture d'un cordon jack audio 3,5 mm (USB-C, Lightning et micro USB optionnels), Nuraphone a été conçu pour fonctionner en Bluetooth. A en croire ses concepteurs, c'est avec la connexion sans fil que l'on obtiendra les meilleurs résultats grâce à la présence d'un DAC maison optimisé... quitte à faire hurler les puristes !Une app, trois profils, un max de possibilités
Utiliser Nuraphone nécessite impérativement d'installer l'app compagnon sur son smartphone (iOS ou Android). C'est elle qui gérera le casque et qui servira à créer un profil personnalisé. Elle prend en charge jusqu'à trois utilisateurs, chacun devant passer quelques minutes avec le casque sur les oreilles afin de l'adapter à son audition.L'application, sobrement baptisée Nuraphone, autorise aussi la programmation des deux touches tactiles situées sur les oreillettes. Chacune pourra mémoriser jusqu'à deux commandes (une ou deux pressions), soit au total quatre fonctions. On devra choisir entre la lecture/pause, piste précédente, suivante, augmenter le volume, le baisser, activer/désactiver l'immersion et enfin activer/désactiver le mode social.
Pourquoi ne pas avoir autorisé la mémorisation de trois actions par touche, comme le font les écouteurs true wireless les plus évolués ? Cela aurait évité d'avoir à effectuer un choix difficile parmi les sept commandes. Espérons qu'une mise à jour logicielle vienne corriger cela.
Les étapes de la création d'un profil sont prises en charge par un assistant bien pensé et parlant français. Il vous invitera en premier lieu à vérifier que les écouteurs sont bien positionnés sur les oreilles. En cas de problème, n'hésitez pas à changer les embouts en silicone selon le diamètre de votre conduit auditif (3 tailles fournies). Cette étape est primordiale afin d'effectuer la mesure précise du retour otoacoustique. Vient ensuite l'évaluation proprement dite, réalisée en deux étapes ne prenant pas plus de 90 secondes. Enfin, les données collectées sont envoyées sur les serveurs de Nura afin de générer le profil d'audition.
Pourquoi ne pas le faire en local ? D'après Nura, les smartphones n'ont tout simplement pas la capacité de traiter ces infos afin de générer le profil rapidement. Le processus, plutôt complexe, est traité en quelques secondes sur les serveurs de la start-up avant d'être rapatrié sur le smartphone. Nura a eu l'idée amusante d'associer aux profil un diagramme pour le moins abstrait, mais dont les couleurs et la forme sont générées en fonction des résultats. Le résultat est plutôt joli, mais ne sert à rien, si ce n'est à le partager sur les réseaux sociaux... Précisons au passage que le profil actif est sauvegardé dans le casque, permettant ainsi de le connecter à n'importe quelle source audio. Jusqu'à trois profils peuvent être créés afin de partager le casque avec ses proches.
Préparez-vous à une grosse claque sonore !
Et la qualité audio, dans tout cela ? Afin de démontrer les performances du casque, l'application propose une écoute sans activer le profil, puis en l'activant. Dans le premier cas, le son est plat et assourdi, à la limite de la caricature. Mais en activant la personnalisation... le son prend toute son ampleur. En jouant avec le paramètre d'immersion de l'app, on a l'impression d'être assis au milieu des musiciens.Pour tout dire, on ne s'attendait pas à prendre une telle claque avant de commencer ce test ! Ce ressenti reste vrai quel que soit le type de musique écouté, même si le rock et le RnB sont parmi les plus spectaculaires. Lors de nos tests, nous avons quasiment eu l'impression d'être assis sur les genoux de Woodkid lorsqu'il interprète The Golden Age ou de sentir le souffle de Mike Jagger dans You Can't Always Get What You Want ! Plus sérieusement, nous n'avons pas constaté de distorsion gênante à haut volume. Si les basses sont présentes, elles ne sont pas écrasantes et laissent les médiums, haut-médiums ainsi que les aigus s'exprimer correctement. Précisons aussi que le codec aptX HD est supporté par le casque.
Lors de nos tests, nous avons parfois noté une infime latence lors de la lecture de vidéos (notamment sur les smartphones Android). Celle-ci ne pose pas de réel problème en utilisation quotidienne, mais pourra agacer les puristes.
Une bulle de tranquillité
Effet bénéfique de la construction hybride circum-aural/intra-auriculaire, Nuraphone dispose d'une isolation phonique passive satisfaisante. Elle est renforcée par une d'annulation de bruit active dont on peut dire sans exagérer qu'elle enferme l'utilisateur dans une bulle de tranquillité. En environnement bruyant (mesuré entre 60 et 65 dB au niveau des oreilles de l'utilisateur), nous avons par exemple pu écouter une sonate de Mozart au casque à 60 % du volume maxi sans percevoir les bruits ambiants. Pas mal, non ? Un mode « social » autorise une transmission de l'audio externe en superposition de la source musicale. On pourra ainsi percevoir temporairement ce qui se passe autour de soi sans avoir à retirer le casque.Nuraphone : l'avis de Clubic
À n'en pas douter, Nuraphone ne ressemble à aucun casque auparavant passé sur nos oreilles. En adaptant le son produit aux caractéristiques du système auditif de l'utilisateur, il autorise une restitution d'une excellente qualité. Autre point remarquable, la sensation d'immersion procurée par l'utilisation d'écouteurs hybrides intra-auriculaire + circum-aural. Ajoutez à cela une application compagnon bien pensée, une très bonne autonomie ainsi qu'une construction irréprochable et vous comprendrez notre enthousiasme. À peine entachée par quelques petits détails. Certains trouveront inconfortable la présence d'un intra dans le coussinet ou trouveront que les oreilles chauffent rapidement. On pourra aussi regretter que le casque ne soit pas pliable afin de faciliter son transport.Vendu 399 €, Nuraphone est un produit cher. Afin de le rendre plus abordable, la start-up a mis en place NuraNow. Ce système de location n'est pour pour l'instant disponible qu'en Australie, aux USA ainsi qu'au Royaume-Uni (10 à 18 AU$ par mois, soit 6 à 11 €). Sans engagement ni frais de résiliation, NuraNow autorise un changement du produit contre un neuf tous les 24 mois. Dommage qu'il ne soit pas disponible en France...