Entretien : Hotmail et SkyDrive au coeur de la stratégie web de Microsoft

Guillaume Belfiore
Par Guillaume Belfiore, Rédacteur en chef adjoint.
Publié le 06 avril 2012 à 14h49
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Face à une évolution constante du marché, depuis 2010, l'équipe Windows Live de Microsoft a accéléré sa stratégie de développement pour ses services phares et notamment le gestionnaire de courriers électroniques Hotmail et l'offre de stockage en ligne SkyDrive. Dans quelle mesure la firme de Redmond saura imposer ses produits face à la concurrence ? Benoit Roumagère, directeur du département Email and Consumer Cloud Services Markting & Operation Division chez Microsoft France, a accepté de répondre à nos questions.



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Tout d'abord comment se place Hotmail sur le marché en France ?

Benoit Roumagère : Si l'on se base sur les chiffres de Mediametrie//NetRatings pour le mois de février, Hotmail compte 14,9 à 15 millions d'utilisateurs, c'est-à-dire ceux se connectant au moins une fois par mois sur Hotmail. Pour donner un ordre d'idée, Gmail est à 7 millions. Aujourd'hui Orange est notre principal concurrent avec 12 millions d'adresses email. Quand votre prenez une box chez Orange, vous avez forcément une adresse email sur laquelle est envoyée votre facture par exemple, donc vous vous y connectez au moins une fois dans le mois. Aussi Orange est sur une cible un peu plus senior. Gmail, en troisième place, a bien progressé en l'espace de six mois, principalement lié à un usage mobile avec Android. Chez Microsoft, il faut être honnête, nous avons été en retard sur la partie mobile. Nous avons lancé des applications au mois d'octobre et nous sommes vraiment en train de rattraper ce retard.

D'où vient ce nouveau rythme de développement au sein des produits Windows Live ?

B.R : Par le passé, nous lancions une nouvelle version des produits tous les 18 à 24 mois. Pendant 18 mois il ne se passait rien, puis, entre le 18ème mois et le 24ème mois nous déployions de nouvelles choses progressivement. Cependant nous sommes aperçus que le marché évoluait très vite, par exemple avec les usages mobiles, et nous avons accéléré le rythme des innovations. Aujourd'hui ce dernier est divisé par deux à 9 mois.

Comment réagissent les internautes face à l'intégration des nouvelles fonctionnalités au sein de Hotmail depuis deux ans ?

B.R : Nous avons par exemple lancé une fonctionnalité pour nettoyer la boite automatiquement. Il s'agit de l'outil le plus utilisé depuis la nouvelle version de Hotmail. Il y a 75% des utilisateurs qui l'ont adopté depuis le mois de décembre. Au niveau mondial, il y a 100 millions de filtres spécifiques qui ont été créés pour lutter contre le « grey mail » (NDRL : lettres d'information ou notifications des réseaux sociaux) entre la mi-décembre et la mi-février.

Si Microsoft s'efforce de multiplier les outils de Hotmail, le service souffre pourtant d'une mauvaise image...

B.R : C'est vrai qu'il y a un problème de perception. En 2006 et 2007 il y avait un vrai problème avec le spam. Il faut dire que Hotmail était désavantagé face à la concurrence. Puisque Hotmail existe depuis 1995, les utilisateurs avaient glissé leur adresse email un petit peu partout. Quand Gmail s'est lancé, il s'agissait d'une toute nouvelle adresse, donc clairement moins exposée au spam. Par ailleurs Hotmail est leader au monde et les spammeurs ciblaient davantage ce dernier que Gmail. D'ailleurs il sera intéressant de voir comment Google traitera le spam sur Gmail maintenant qu'ils disposent d'une base plus massive que par le passé.

Entre 2006 et 2010 nous sommes allés chercher ce que l'on savait faire dans le monde de l'entreprise, sur Outlook et Smartscreen, pour basculer cela vers le grand public. On a également tenté de sensibiliser nos clients.

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Au-delà du spam, l'image du service est également affectée par la présence de la publicité. N'y aurait-il pas d'autres modèles économiques envisageables ?

B.R : Aujourd'hui le modèle des webmails, c'est effectivement le financement par la publicité. Cela permet de vous offrir un service gratuit avec 25 Go d'espace sur SkyDrive qui sera sans cesse amélioré. C'est un peu donnant-donnant. Gmail et Orange font la même chose. Si vous regardez Hotmail, il y a moins de pub que dans Gmail ou que dans Yahoo! Mail. Il y a juste une bannière sur la droite. Il n'y a pas de liens sponsorisés dans tous les sens. En nombre de pixels publicitaires il n'y en a pas beaucoup sur Hotmail sauf qu'ils sont très visibles. Sur Gmail il y a des liens textes un peu partout mais ces derniers paraissent moins intrusifs.

Aujourd'hui Microsoft ne veut pas scanner les emails pour des questions de vie privée. La publicité est basée sur la segmentation en fonction des informations du compte Windows Live avec le sexe, l'âge ou la position géographique. Avant cela nous plaçions des liens vers les sites de MSN pour augmenter le trafic mais les retours des utilisateurs étaient plutôt mauvais puisque vous vous rendiez sur une autre page alors que vous consultiez vos emails. Pour l'heure il n'y a pas de bonne solution. La réflexion est toujours en cours. Après nous essayons aussi d'améliorer la qualité des publicités en ciblant moins les 15-25 ans comme nous avons pu le faire par le passé.

Si aujourd'hui Hotmail est compatible POP et Exchange ActiveSync, beaucoup de nos lecteurs regrettent que le protcole IMAP ne soit pas pris en charge. Pourquoi refuser cette implementation ? N'est-ce pas un peu limitant ?

B.R : Parce qu'avec EAS, Easy ActiveSync, nous avons exactement les mêmes bénéfices. En quoi est-ce limitant ?

Par exemple pour la configuration du compte sur un client qui n'est pas compatible avec EAS ou pour personnaliser l'adresse email de l'expéditeur...

B.R : Aujourd'hui si vous avez un smartphone, il prend en charge ActiveSync. C'est un débat technologique. Si l'on se place du point de vue de l'utilisateur final vous pouvez synchroniser vos emails, votre calendrier et vos contacts. Il s'agit encore une fois de basculer les technologies de l'entreprise vers le grand public. On ne se ferme pas la porte à du IMAP mais par rapport aux besoins des consommateurs sur le mobile, ce n'est pas une demande qui ressort.

A quoi ressemblera le webmail de demain ?

B.R : Il va devenir votre porte d'entrée sur votre éventail de services web. Nous essayons déjà de faire cela avec SkyDrive. Le but est de pouvoir faire le maximum de choses directement depuis le webmail, lequel s'ouvre à votre galaxie de services sans devoir nécessairement changer de site. Parallèlement, il faudra donc renforcer encore plus la sécurité du service puisqu'il prendra davantage d'importance.

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Passons à SkyDrive. Dans la mesure où les données des internautes sont privées et ne sont pas exploitées par de la publicité, quel est l'enjeu pour Microsoft d'avoir le maximum d'utilisateurs ?

B.R : Au début SkyDrive n'était qu'une brique fonctionnelle au sein de Hotmail que nous avons décidé de pousser en juillet dernier parce que le marché commençait à prendre forme. Plus il y a d'utilisateurs sur SkyDrive, plus il est possible de fidéliser l'internaute vers d'autres services qu'il s'agisse de Hotmail ou de Messenger. Grosso modo si je vais sur Hotmail ou Gmail, c'est plus ou moins pareil. Par contre si je choisis Hotmail, j'ai ces 25 Go de stockage. Il s'agit donc d'un élément différenciant. Par ailleurs, SkyDrive s'inscrit dans la stratégie plus globale de Microsoft. Nous voulons que vous soyez sur un PC Windows 7, sur un Windows Phone ou sur Xbox. Avec SkyDrive vous retrouverez votre univers Microsoft sur l'ensemble de ces équipements.

De quelles manières les données sont-elles sécurisées sur SkyDrive ?

B.R : Tout d'abord il y a une connexion SSL. Vous êtes également authentifié avec votre compte Windows Live ID et ses divers outils de sécurité. Après il y a d'autres éléments un peu plus pointus mis en place au niveau de nos serveurs mais nous ne communiquons pas sur ces derniers pour des raisons de sécurité.

Que pensez-vous des rumeurs sur l'arrivée de Google sur ce marché ?

B.R : Personnellement je dirais que c'est une bonne nouvelle parce que cela prouve que le marché du « cloud » grand public est véritablement en train de se structurer et que tous les gros acteurs sont en train d'y aller. Cela veut dire que nous avons fait le bon pari. Plus il y aura d'acteurs sur le marché, plus nous serons en mesure de parler davantage de notre offre.

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Actuellement au niveau des tarifs du stockage supplémentaire, Google casse les prix sur Google Documents et Picasa Web. Pensez-vous proposer également des formules de souscriptions ?

B.R : J'attends de voir ce qu'ils proposeront réellement comme offres sur un concurrent frontal à SkyDrive dans les semaines à venir. Aujourd'hui nous offrons 25 Go sans publicité. Nous ne sommes pas sur un objectif de chiffre d'affaires sur SkyDrive. Effectivement nous réfléchissons à mettre davantage de stockage après les retours que nous eu en novembre. Puisque nous sommes sur un rythme de développement de 8 à 9 mois, nous devrions communiquer sur ce sujet dans les prochaines semaines. Pour l'instant rien est arrêté.

Après il n'y a pas que les plans tarifaires. Avec Live Mesh je peux par exemple synchroniser 5 Go de données entre deux PC ou Mac. Une mise à jour de cette approche pourrait également répondre aux besoins des utilisateurs.

Enfin quid du piratage au lendemain de l'affaire MegaUpload ?

B.R : Aujourd'hui on ne peut pas partager un film piraté. La question ne se pose pas parce qu'il y a une limite pour la mise en ligne des fichiers de 100 Mo. Après nous avons une politique de confidentialité d'environ 15 pages. C'est un site de partage et nous ne scannons pas votre contenu. Microsoft ne met pas en place de filtres spécifiques mais prendra des actions si vous êtes signalé par des autorités - comme sur tous les autres sites. C'est difficile de savoir ce que vous pouvez mettre sur votre SkyDrive mais clairement nous ne souhaitons pas pousser le piratage puisque nous sommes les premiers à en souffrir.

Je vous remercie.
Guillaume Belfiore
Par Guillaume Belfiore
Rédacteur en chef adjoint

Je suis rédacteur en chef adjoint de Clubic, et plus précisément, je suis responsable du développement éditorial sur la partie Logiciels et Services Web.

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