Rool'in Smart : et votre vélo devient électrique

Aurélien Audy
Publié le 24 mai 2016 à 18h00
Ce test a été initialement publié le 24/05/2016


Les Français de Rool'in nous ont proposé de tester leur deuxième génération de roue électrique, la Smart. Leur idée est tout à fait enthousiasmante : transformer n'importe quelle bicyclette en vélo électrique par le simple changement de la roue avant. Le tout saupoudré d'une dose de connecté. Est-ce que la réalisation concrétise bien la théorie ?

La société française, détenue à 26% par le Fond régional de co-investissement d'Ile-de-France, a été créée début 2013. Les deux entrepreneurs à l'origine du projet disent avoir voulu se pencher sur « la problématique de la mobilité en milieu urbain et périurbain ». Sans aucunement mettre en doute leurs aspirations écologiques, il faut bien admettre que les moyens de transport personnels électriques ont le vent en poupe ces derniers temps, portés notamment par les Vélos à Assistance Electrique (VAE). Leurs ventes ont augmenté de 37 % en 2014 et plus de 30 % encore en 2015, d'après l'Union Nationale de l'Industrie du Vélo. Alors forcément, ça motive.

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La Rool'in Smart est déclinée en trois tailles : 20 pouces pour les vélos pliants, 26 pouces pour la plupart des VTT et les vélos de ville féminins ou 28 pouces pour les autres cycles (ville masculin, trekking, hollandais, fitness, etc.). Dans tous les cas, la Smart englobe un moteur brushless de 250 W dans le moyeu et une batterie Lithium-Ion de 30 V et 9 Ah (Panasonic ou Samsung) disposée autour. Le tout est caché par deux capots de protection en aluminium, tandis que la jante est chaussée d'un pneu de 1,5 pouce avec chambre à air.


Présentation de la roue Smart de Rool'in en vidéo

Il n'y a techniquement qu'à monter cette roue en lieu et place de la roue avant de notre vélo, scratcher le boîtier sans fil Bluetooth au pédalier (le détecteur de vitesse), et nous voilà avec un VAE ! Vraiment ?

Vous pouvez vous procurer la Smart sur le site de Rool'in.

Montage : biscotos et ciboulot

Rool'in nous assure un montage en 5 minutes. La toute première fois, c'est plus qu'ambitieux. Il faudra un peu d'expérience pour tenir ce délai. Mais notre découverte n'a pas été des plus simples. Déjà, tous les vélos ne conviennent pas. Notre cobaye envisagé initialement, un Trek FX 7.4, n'a pas le centimètre de patte de fourche obligatoire pour accueillir l'axe motorisé de la Smart. C'est plié !

Sauf qu'avant de nous en apercevoir, nous avons d'abord réalisé que le système de frein à disque du Trek n'était pas compatible avec cette roue électrique. Nous nous sommes dit : « pas grave, le temps du test, on se contentera du frein à disque arrière » Sauf que l'étrier du frein avant empêche la roue de passer. Celui que vend Rool'in en option, spécifiquement pour la roue Smart, est légèrement déporté : il doit pouvoir intégrer le cadre du Trek. Certes, à la décharge de Rool'in, précisons que le cadre du Trek FX 7.4 (en 17,5 pouces) est particulièrement compact. Bref, nous avons changé de cobaye pour un VTT en 28 pouces avec cadre Giant Escape City 3 et freins à patins classiques.

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Le Trek FX 7.4 Disc n'est pas compatible avec la roue Smart de Rool'in

Ensuite, manipuler la roue de 9,7 kg - 28 pouces dans notre cas - exige un minimum de conditions physiques, ou un soutien humain. Nous avons opté pour le soutien, celui du propriétaire du vélo. Par ailleurs, la documentation n'est pas parfaitement claire. Il n'y a pas grand-chose à redire sur les instructions de montage, sinon que les schémas pourraient être plus gros et que Rool'in aurait pu insister sur l'importance des rondelles...

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En effet, une fois la Smart montée sur le cadre Giant, au bout d'un tour de roue quelque chose a bloqué, puis craqué. Deux vis fixant un petit cache, à proximité de l'axe de la « face B » (celle où l'on trouve l'interrupteur marche arrêt), sont venues buter contre l'intérieur de la fourche, et c'est cette dernière qui a gagné. Les vis transformées en herses ont littéralement labouré le plastique...

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Ouch !

En ajoutant une rondelle sur l'axe côté B, ce cache serait passé, au millimètre près, mais passé tout de même. Le hic, c'est que Rool'in préconise de commencer par la face A et, avec une rondelle, notre roue était déjà calée. En en mettant une côté B, il nous faut écarter à peine la fourche pour rentrer la roue. Rool'in devrait clairement mettre en garde sur ce point ou faire commencer par le côté B. Confrontez les dimensions de votre vélo aux côtes indiquées sur le site de Rool'in avant de vous laisser tenter, parce que cette Smart est assurément une grosse roue de vélo.

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Prenez toutes vos mesures précisément avant de prendre une décision

Par ailleurs Rool'in aurait pu soigner davantage ses explications sur le boîtier, avec par exemple un manuel en couleur (pour les codes couleurs).

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Enfin, au temps de montage, il faut ajouter le nouveau réglage du frein avant : en passant de notre jante de VTT standard à celle de la Smart, la mâchoire de frein n'a plus rien à mâcher... Il nous faut remettre un peu de tension dans le câble. La fixation du boîtier, le détecteur de vitesse, est la seule étape réellement simple (avec l'installation de l'application Rool'in) : un tour de bande velcro autour du bras de pédalier et c'est réglé !

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La Smart à l'usage

La roue Smart montée, il nous tarde de chevaucher notre monture cobaye alors électrifiée. L'impatience est telle qu'on en oublie d'allumer le boîtier Bluetooth du pédalier. Sans le détecteur de vitesse, pas d'assistance, et sans assistance, le vélo est un tank. Il faut dire que notre Giant, qui doit peser dans les 14 kg, se prend 10 kg juste dans la roue avant ! Soit plus ou moins le poids des premiers Vélo'v (ou Vélib'), mais avec un fort déséquilibre dans la répartition des masses. Amateurs de wheeling, voici un nouveau défi pour vous.

Le boîtier est essentiel : en tant que détecteur de vitesse, c'est lui qui va comprendre que l'utilisateur pédale, et ordonner à la roue de tourner. L'appairage, du boîtier vers le smartphone comme de la roue vers le boîtier, ne pose aucun problème. Il suffit de respecter l'ordre : on allume d'abord le détecteur de vitesse, puis la roue, et enfin le smartphone.

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L'assistance électrique peut être dosée sur trois niveaux via l'application mobile. Au démarrage, on sent bien la Smart tracter, et ce, dès les premiers mouvements de pédalier. Mais le couple semble s'estomper au fur et à mesure. Dans les derniers moments, juste avant que l'assistance ne se coupe vers 25 km/h, l'aide devient même difficilement perceptible. Notez que l'assistance n'est pas relative à l'effort fourni (type « tout ou rien ») : elle détecte bien l'activité mais pas la force du pédalage et ne s'adapte donc pas en fonction. Autrement dit, la Smart fait le job mais il ne faut pas une topographie trop vallonnée ou d'exigences trop sportives. L'assistance tranquille en somme.

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Et si on la désactive ou qu'il n'y a plus de batterie ? Les démarrages et les petites manœuvres deviennent délicats. Mais sur du plat, une fois lancé, l'inertie des 10 kg de roue entraîne bien en avant. On s'attendait à quelque chose de laborieux, en fait, ça passe. Avec l'assistance, on ne perçoit plus les 10 kg de la roue dès qu'on roule, sauf si une bourrasque de travers vient chasser la roue pleine.

A « vive allure » en revanche (25 km/h et plus), il se produit un effet gyroscopique, qui fait qu'assisté ou pas, on a du mal à tourner le guidon et incliner la roue. Disons que la direction devient pesante, nécessitant une conduite plus engagée, franche. En courbe, un changement net de surface peut facilement faire se dérober la roue avant. C'est un phénomène courant sur les VAE avec moteur dans la roue avant, à plus forte raison quand la roue loge aussi la batterie. Cette maniabilité contrainte est perturbante au début, puis on finit par s'habituer en anticipant. Amateurs de gymkhana, un vélo avec la Rool'in Smart n'est pas aussi agile qu'un vélo normal.

Autre conséquence prévisible du surpoids autant que du déséquilibre, les patins de frein avant risquent bien de s'user à vitesse grand V. Et lorsqu'il s'agit de prendre son vélo sur l'épaule, pour grimper quelques marches comme monter plusieurs étages, surpoids et déséquilibre se transforment en épreuves de force. Sur les vrais VAE qui adoptent le moteur dans le moyeu avant, la batterie est située à l'arrière ou vers la tige de selle, histoire de rééquilibrer l'ensemble.

La Smart n'est pas faite pour tout le monde

Au-delà de l'efficacité ou du service rendu par la Smart, nous trouvons que la Smart n'est pas pratique au quotidien, ou du moins pas pour tout le monde. D'abord, la batterie de la Smart n'est pas amovible, contrairement à ce qu'il se fait sur tous les VAE. Pour recharger la roue, il faut soit l'enlever pour la monter chez soi (ce qui n'est assurément pas commode), soit rentrer son vélo entier dans son domicile (pas mieux !), soit avoir un garage ou local vélo doté d'une prise électrique. Ce n'est pas forcément le cas de tout le monde, mais si c'est le vôtre, tant mieux, voilà un sérieux défaut en moins.

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Ensuite, pour que le système fonctionne, il faut recharger la roue, mais aussi le boîtier et accessoirement son smartphone. Ça veut dire trois chargeurs à transporter. Alors que si Rool'in avait opté pour du micro USB, au lieu du mini USB, on aurait pu faire d'une pierre deux coups avec le chargeur du smartphone. Dommage également que l'application ne retourne que la jauge de batterie de la roue, et pas celle du boîtier. Il y a bien un code LED qui permet d'estimer la charge restante (la lumière clignote 5, 4, 3 ou 1 fois à l'allumage), mais ça n'est ni précis ni pratique. A noter : le smartphone n'est pas obligatoire. Si vous ne lancez pas l'application, le vélo applique par défaut une assistance de niveau 1 (sur 3).

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Un mal pour un bien se rassure-t-on : ce boîtier connecté a l'avantage de simplifier l'installation de la Smart. En effet, la première génération de la roue du constructeur utilisait un détecteur de vitesse filaire, nettement plus compliqué à mettre en place. Et surtout, le boîtier dispose d'une autonomie de un mois à un mois et demi.

Toujours dans le registre du « pas pratique », l'encoche laissée pour la valve de la chambre à air (une Presta, les plus longues !) n'est pas bien grande. Au point où Rool'in est contraint de livrer un embout coudé guère intuitif à manipuler. Cet espace doit également servir à passer un antivol (câble ou U). Avec un U, ça sera compliqué d'attacher à la fois la roue, le cadre et l'amarrage. Le tout sans abîmer la valve. Mieux vaudra prévoir deux antivols. Enfin, Rool'in ne livre pas le support pour fixer le smartphone au guidon, c'est dommage à ce prix.

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Conclusion

A la lecture de cet article, vous aurez compris que notre enthousiasme initial pour cette roue électrique est assez vite retombé. Le concept assurément pertinent souffre à nos yeux de défauts importants, que certains pourront juger rédhibitoires. Les trois principaux étant le poids conséquent de la roue - et le déséquilibre sur l'avant qu'elle occasionne - le caractère inamovible de la batterie compliquant la recharge, et le prix excessif par rapport à un VAE d'entrée de gamme. A cela s'ajoute un ensemble de petits griefs qui nous amènent à trouver cette Smart peu pratique.

Néanmoins, nous avons eu l'occasion de nous entretenir avec Stéphane Rachmuhl, fondateur associé de Rool'in, qui nous a livré quelques précisions sur la vision et la clientèle de la marque. Des éléments qui n'enlèvent rien à notre ressenti mais apportent de la perspective. Rool'in séduit avant tout des personnes qui sont attachées à leur vélo, et ne souhaitent donc pas en acheter un nouveau. Une clientèle avec du vélo confort tout équipé, pas du Trek FX orienté fitness. C'est également l'aspect polyvalent qui peut motiver l'achat : un vélo, trois roues, deux possibilités. Un VTT peut se transformer en commuter électrique la semaine, avant de retrouver les sentiers tortueux le week-end.


La répartition géographique des ventes indique enfin que le concept prend plus en province et zones résidentielles qu'au centre des grandes villes. Une configuration où le poids du vélo et la question de la recharge ont moins d'impact, puisque les habitats se font moins dans la hauteur, et les garages avec prise électrique sont plus fréquents. Auquel cas la Smart se débarrasse de deux de ses principales faiblesses. Sur le prix ? Stéphane Rachmuhl l'explique en partie par la qualité des composants, notamment la batterie, fournie par Panasonic ou Samsung. Les premières roues sorties il y a trois ans tiendraient toujours la route.

Des arguments dont chacun jugera la portée, mais qui permettent effectivement de tempérer notre verdict. La Smart de Rool'in n'est pas un mauvais produit, elle n'est juste pas faite pour tout le monde. Et c'est peut-être ce qui contraste avec le marché du vélo à assistance électrique qui, lui, s'adresse au plus grand nombre.

Vous pouvez vous procurer la Smart sur le site de Rool'in. Notez que la première génération de roue électrique est toujours proposée, à partir de 599 euros en 20 pouces.
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