Pour le lancement de sa montre connectée Move, Withings nous a conviés dans ses locaux à Issy-les-Moulineaux. L'occasion pour nous de nous entretenir avec Éric Carreel, cofondateur et président de Withings.
Bonjour Éric ! Pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs qui ne vous connaissent pas encore ?
Cofondateur et président de Withings. Nous avons créé Withings en 2008 et mis sur le marché notre premier produit en juin 2009 : une balance connectée. Et c'est une grande fierté qu'après 10 ans de commercialisation le produit se vend toujours aussi bien.
Depuis nous avons étoffé notre gamme de produits avec : les montres et bracelets connectés, un tensiomètre, un thermomètre et même un capteur de sommeil, qui sera bientôt capable de détecter l'apnée du sommeil.
J'ai cédé Withings à Nokia au printemps 2016 et la gamme de produits a été renommée Nokia Health. Et à peine plus de deux ans après, l'occasion s'est présentée à moi de racheter la marque.
La création de Withings part d'un constat simple : notre capital santé est le plus important de tous, et c'est peut-être l'un de ceux que nous considérons le moins. Avec nos appareils, nous souhaitons armer les gens afin qu'ils puissent agir pour leur bien-être. Passer d'une santé de l'urgence : je vais voir mon médecin, l'hôpital lorsque je suis malade à une santé préventive : je prends soin de mon corps tout au long de ma vie et j'anticipe les problèmes qui pourraient subvenir.
« Les objets de santé connectée ne peuvent impacter la vie de l'utilisateur que s'ils sont utilisés de façon pérenne et quotidienne.»
On se retrouve aujourd'hui dans vos locaux, pour le lancement de la gamme Move, un produit labellisé made in France. Quels sont les tenants et les aboutissants d'un tel projet ?
Ce que l'on porte à notre poignet, comme tout ce que l'on porte sur soi, doit correspondre à nos envies. C'est pourquoi nous avons eu envie de rendre accessible à tous une montre, analogique connectée, personnalisable de telle sorte que l'utilisateur en ait une utilisation quotidienne et pérenne afin que cela impacte véritablement sa vie. Permettre à l'utilisateur de s'approprier le design et le style de leur montre connectée est une évolution indispensable pour ancrer notre expertise liée au suivi du sommeil et des activités physiques.
C'est ainsi qu'en l'espace de 9 mois, nous avons imaginé le produit et surtout implanté une chaîne de production, capable de produire 200 montres par semaine, au sein même de nos locaux. Le lancement de la Withings Move est, pour nous, l'opportunité parfaite pour initier cette stratégie. D'autant plus que si l'essai est concluant nous avons la faculté à faire croître rapidement notre production.
Concernant le label made in France, nous n'avons pas eu cette réflexion de "faisons un produit français, nous en ferons un argument commercial". En effet, nous avions plutôt un besoin de gagner en flexibilité et d'être proches de notre consommateur final dans le but de proposer un produit personnalisable, donc fait sur demande, livrable en seulement 2 à 3 jours ouvrés. Nous avons plutôt saisi une opportunité qui se présenter à nous en internalisant une partie de notre production.
Quel est l'avenir de Withings, les projets / produits à venir ?
Ce projet n'est pas limité à la France, puisque dans quelques mois, nous espérons pouvoir nous adresser au marché américain avec le même objectif : proposer une montre réalisée à la demande du client et livrable en seulement quelques jours. Pour atteindre cet objectif, nous reprenons les mêmes ingrédients et allons donc proposer des montres estampillées « made in USA ».
Notre objectif est de proposer des produits capables de rivaliser, en termes de fonctionnalités, avec les leaders du marché. C'est pourquoi nous allons proposer, dès le mois de juin, la Move ECG. La nouvelle version proposera les mêmes caractéristiques que la Move en ajoutant la possibilité de réaliser un ECG et de le transmettre à un professionnel de santé.
Si la technologie est au point, la Move ECG ne peut pas encore être commercialisée, car nous sommes dans l'attente des certifications. Pour ceux qui ne le savent pas, si nous souhaitons lancer notre produit sur le marché américain nous devons le faire valider par la FDA (NDLR l'organisme en charge de certifier l'intégralité des dispositifs médicaux sur le sol américain), tandis que pour une commercialisation en Europe nous devons obtenir la certification CE. Ce processus est très long, car il s'agit surtout de réaliser des études cliniques.
Mais notre objectif à plus long terme est bien évidemment de changer le regard que les différents acteurs portent sur les objets de santé connectée. En effet, inclure mutuelles et assurances dans le processus permettrait à tous de réaliser des économies. Aux États-Unis, plusieurs programmes de coaching sont proposés (via les mutuelles, NDLR) qui consistent généralement à faire perdre entre 5 à 10% du poids à une personne. Ces quelques centaines de dollars déboursés dans un programme et un objet de santé connecté évitent d'avoir à dépenser les milliers de dollars nécessaires pour soigner un malade chronique. Sur ce point, les corps intermédiaires pénalisent fortement le développement de la santé connectée en Europe.
« Un naturel humain de la peur des données. Mais il faudrait avoir encore plus peur d'être en mauvaise santé»
Vous savez que le public commence à être de plus en plus sensible à la question des données personnelles, notamment à cause des différentes fuites qui se sont produites sur Facebook. Quel est votre rapport à la donnée, comment protégez-vous les données de vos utilisateurs ?
Withings possède un rapport ultra-responsable vis-à-vis des données de ses utilisateurs. Pour cela, nous avons une équipe dédiée qui travaille main dans la main avec la CNIL afin de protéger les données de chacun. À ce propos, chaque utilisateur est maître des données qu'il envoie à Health Mate (NDLR l'app de Withings).
La France possède les structures et les connaissances pour devenir leader sur le domaine, mais nous sommes, une fois de plus, derrière les États-Unis, à cause de responsables qui diabolisent la donnée, et qui par ricochet font peur aux potentiels utilisateurs. Mais la seule crainte que nous devrions avoir serait d'être en mauvaise santé.
Il faut que les utilisateurs comprennent que ce sont les données qui font évoluer la recherche et donc l'efficacité des dispositifs de santé connectée. En effet, avec davantage de données, nous pouvons éduquer notre IA. Ce qui permettra, in fine, à l'utilisateur de recevoir des alertes plus pertinentes quant à leur état de santé. Je suis persuadé que nous ne sommes qu'aux prémices de ce que la santé connectée peut apporter à chacun d'entre nous.