La première image prise sur Mars par Perseverance. Il y a encore le cache sur l'objectif... Crédits NASA/JPL-Caltech
La première image prise sur Mars par Perseverance. Il y a encore le cache sur l'objectif... Crédits NASA/JPL-Caltech

Sept mois de trajet et une soirée asphyxiante ont passé, pour les équipes du projet comme pour les spectateurs de l'atterrissage… Qui s'est déroulé exactement comme prévu. Perseverance, au sein du cratère Jezero sur Mars, n'a pas tardé pour envoyer ses premières images du site.

Un extraordinaire succès pour la NASA et tous ses partenaires…!

Tension maximum

Des années de travail, qui se concrétisent en seulement quelques minutes. Le fruit de tant de réflexions, de travaux de nombreuses équipes de la conception jusqu'à l'assemblage, en passant par le lancement et les communications. Il fallait tout cela pour réussir un atterrissage sur Mars, et la NASA a une fois de plus parfaitement maîtrisé son sujet, en posant le plus lourd des véhicules jamais envoyés sur la surface sur une plaine du cratère Jezero. A 21h43 (Paris), Perseverance avait atterri sur la planète rouge, mais il fallut attendre pratiquement 12 minutes supplémentaires, le temps que les données de sa descente puissent parvenir au centre de contrôle du Jet Propulsion Laboratory (JPL) à Pasadena (Californie), pour confirmer qu'il était intact.

Après Curiosity en 2012, ce n'était pourtant que le second atterrissage avec la dangereuse (mais très maîtrisée) méthode de la « skycrane », cette grue qui freine dans la dernière partie de la descente, et vient déposer le rover grâce à des câbles avant de s'éloigner pour s'écraser un peu plus loin. Euphoriques, les personnels du JPL, de la NASA et du monde entier ont célébré l'événement. Car Perseverance est aussi un projet qui fait intervenir des partenaires internationaux, dont la France : le CNES est maître d'œuvre sur SuperCam, l'une des suites de capteurs les plus importantes du rover.

Tout était peut-être bien dans son nom : la persévérance peut vous emmener jusque sur Mars.

Une fin de trajet bien rock'n roll

La NASA reste la seule agence à avoir opéré des robots avec succès sur Mars… Et quelle armada à présent ! Viking 1 et 2, puis Mars Pathfinder, Sojourner, Spirit, Opportunity, Phoenix, Curiosity, InSight et donc, depuis ce 18 février, Perseverance. Son décollage a eu lieu le 30 juillet 2020, et le rover a fait le trajet au sein d'une coque rigide, piloté par l'équivalent d'une petite sonde collée sur son « dos », l'étage de croisière. Le trajet vers Mars fut d'un ennui de bonne augure, qui a laissé du temps aux équipes pour peaufiner les scénarios d'atterrissages, y compris dans de mauvaises conditions.

Quelques jours avant ce 18 février, les images des autres orbiteurs ont confirmé que la météorologie martienne serait clémente : pas de tempête de poussière, le cratère Jezero et son ancien delta asséché étaient aussi accueillants que prévu. La dernière correction de trajectoire, le 16 février, a même été annulée, le rover se dirigeant déjà droit vers sa cible.

Il s'agissait pourtant d'un atterrissage risqué. Perseverance est un robot plus lourd que ses prédécesseurs, plus sophistiqué, chargé de se poser dans un environnement plus complexe. Le tout bien sûr, dans un ballet entièrement automatisé. L'agence a ainsi beaucoup travaillé sur un nouveau parachute plus grand et plus performant, ainsi que sur différentes nouvelles capacités logicielles de la sonde. Pour se centrer sur son « ellipse » d'atterrissage, elle disposait d'un créneau temporel pour planer au besoin avant ouverture du parachute. Et dans les dernières phases avant le poser, l'ordinateur de bord pouvait orienter les propulseurs de freinage en comparant les images en temps réel avec des cartes préenregistrées pour éviter d'aboutir sur un obstacle, ou au fond d'un fossé. D'autant que si l'exploration n'a pas de prix, le projet, lui, en a un : 2,7 milliards de dollars environ sur dix ans.

Les 7 minutes de terreur : conformes aux attentes

Si la NASA aime à mettre en scène ses accomplissements, la réputation des fameuses « 7 minutes de terreur » n'est pas usurpée. Perseverance n'a pas les moyens pour annuler son arrivée vers Mars, ni entrer en orbite : le véhicule arrive, fonce vers son objectif et doit s'y poser, ou s'y écraser. Et chacune des dizaines d'étapes qui séparent l'éjection de l'étage de croisière et l'arrivée à la surface peut se révéler fatale. Lorsque le véhicule est entré dans l'atmosphère martienne, il ne restait plus que sept minutes… qui se sont révélées aussi dynamiques que ce que la NASA avait préparé.

D'abord un freinage important et un échauffement, alors que la mission, protégée par son bouclier thermique, freinait dans les hautes couches de l'atmosphère. Puis, au moment opportun, le déploiement du parachute, puis le largage du bouclier, révélant les capteurs prêts à enregistrer et traiter un maximum de données de la surface.

De haut en bas, tout ce qu'il fallait pour poser le rover : l'étage de croisière, la coque arrière avec les parachutes, la "skycrane" enserrant le rover replié dans ses bras, et le bouclier dessous. Crédits NASA
De haut en bas, tout ce qu'il fallait pour poser le rover : l'étage de croisière, la coque arrière avec les parachutes, la "skycrane" enserrant le rover replié dans ses bras, et le bouclier dessous. Crédits NASA

Une minute seulement avant de toucher le sol, alors que l'ensemble fonce encore à plus de 350 km/h, le rover et son dispositif « skycrane » se séparent du parachute et de la coque arrière pour entamer un freinage grâce à de puissants propulseurs. Le véhicule est guidé au radar et grâce au système intelligent d'observation du terrain, mais tout se passe très rapidement. A 21 mètres du sol, la « grue » se met à planer, et fait descendre le grand rover (qui se déplie pour la première fois) jusqu'au sol grâce à un système de câbles et de poulies, éjectés dès que les roues touchent la poussière martienne. Il faut encore que la Skycrane se propulse un peu plus loin, pour s'écraser à quelques centaines de mètres et éviter d'abîmer son précieux chargement. Les cartes publiées dans la soirée montrent à quel point le système d'évitement des obstacles et sites dangereux a fonctionné à la perfection.

Grâce à l'ajout de plusieurs caméras qui ont filmé toutes les opérations au cours de la descente (il y en a 7) à une meilleure cadence que lors de l'atterrissage de Curiosity en 2012, les images et vidéos de l'arrivée sur Mars de Perseverance vont constituer un véritable petit trésor visuel, à la fois pour le grand public et pour les retours d'expérience au JPL.

Inspirez, expirez, inspirez…

« Je ne pourrais pas être plus fier des équipes qui ont permis cette extraordinaire aventure », a déclaré Steve Jurczyk, l'administrateur temporaire de la NASA lors de la conférence post-vol. Le responsable de la branche « science », Thomas Zurbuchen, a pour sa part simplement déchiré en direct le plan des opérations bis, dédiées au cas où le contact n'aurait pu être établi correctement avec le rover.

En effet, non seulement il a été confirmé que l'atterrissage est un succès, mais les premiers bilans tombent les uns après les autres, et le véhicule tout entier semble en pleine santé. Il a renvoyé plusieurs images depuis la surface de ses caméras avant et arrière, en attendant une longue, très longue liste de vérifications qui vont permettre dans quelques jours de démarrer avec certitude les opérations sur le cratère Jezero.

Pour se poser, le rover devait éviter les zones dangereuses (montrées en rouge)... Mission réussie ! Crédits NASA

Il faudra rester patients avant les premiers retours scientifiques, tout comme les premiers tours de roues : ces missions n'ont pas de place pour la précipitation. Si tout se passe bien d'ici là, dans 90 jours maximum le rover aura pu avancer et déposer l'audacieux premier hélicoptère martien, Ingenuity. Ce dernier, qui représente un essai risqué pour les équipes d'ingénieurs de la NASA, est avant tout une démonstration technologique.

D'ici là, l'agence américaine peut respirer. Les agences, même : il ne faudrait pas oublier que Perseverance représente la première étape d'une longue suite de missions avec l'ESA (Mars Sample Return), pour rapatrier des échantillons martiens sur Terre.