Au micro de Clubic, la directrice générale de VivaTech, Julie Ranty, a salué la bonne tenue du salon au format hybride, à la fois en présentiel et en distanciel. Elle espère que cette solution deviendra pérenne.

Le défi était de taille pour la grande messe de VivaTech édition 2021. Le salon, qui se tenait Porte de Versailles à Paris du 16 au 19 juin 2021, constituait le premier événement tech européen d’envergure, voire planétaire, à se tenir depuis le début de la pandémie, et ce dans un format hybride tout à fait inédit, entre physique et digital. Alors peut-on parler de succès et de réussite, tant sur la dimension présentielle que sur l’édition online du salon ? Faut-il faire des événements hybrides un modèle ? Pour en parler, nous avons interrogé Julie Ranty, la directrice générale de Viva Technology.

Interview de Julie Ranty, Directrice générale de VivaTech

Clubic : Julie Ranty, quel bilan tirez-vous de cette édition de VivaTech qui, quoi qu'il arrive, restera très particulière ?

Julie Ranty : On en tire un très bon bilan. Nous étions très contents de pouvoir retrouver nos visiteurs, nos partenaires, les start-up et tout l'écosystème européen. Je pense que les sourires de gens, qui pour certains se recroisaient pour la première fois depuis 18 mois, se sont vus au travers des masques. Les gens avaient besoin de parler et de prendre le temps de parler. C'était l'un des avantages du format, nous avions une jauge qui nous limitait à 5 000 visiteurs par jour (Ndlr : à l’instant T), mais qui permettait de prendre le temps d'échanger, dans un contexte plus posé que d'habitude. Ce fut très apprécié après un an et demi d'absence.

🔢 En chiffres, VivaTech 2021 c’est :

  • 26 000 visiteurs physiques
  • 114 000 visiteurs digitaux
  • 119 millions de personnes touchées par l’événement dans 149 pays, grâce à la contribution des réseaux sociaux (8 millions de personnes ont suivi l’événement de façon assidue)
  • 1,7 milliard de vues
  • 500 innovations
  • 1 400 exposants (60 % en physique)
  • 400 speakers

« Jusqu'à la fin du mois d'avril, nous n'avions pas la certitude que l'édition physique pourrait avoir lieu »

Lorsque nous avons assisté à la conférence de presse initiale de Viva Technology au mois de mai, on se demandait comment l'événement aller se dérouler, notamment par rapport aux mesures et exigences sanitaires, comme le test PCR ou antigénique obligatoire de moins de 48 heures. VivaTech étant le premier salon d'envergure mondiale à se lancer depuis la pandémie, il y avait quand même une certaine pression...

Tout à fait. On a été les premiers. On a eu le courage de s’en tenir à ce format hybride qu'on avait imaginé en septembre dernier. Nous étions convaincus que, pour l'expérience de nos visiteurs et de nos partenaires, cette expérience était la meilleure solution. Jusqu'à la fin du mois d'avril, nous n'avions pas la certitude que l'édition physique pourrait avoir lieu, même si on voyait que la situation sanitaire s'améliorait jour après jour. Mais on est très heureux, aujourd'hui, d'avoir pris ce pari.

Julie Ranty, Directrice générale de VivaTech (© Alexandre Boero pour Clubic)
Julie Ranty, Directrice générale de VivaTech (© Alexandre Boero pour Clubic)

Vous parlez du format hybride, et justement, quelle a été l'importance accordée au online sur cette édition ? Et quels sont les premiers retours que vous avez pu avoir ?

Nous avons de très bons retours sur la partie online, qui a deux volets. L'un, ouvert et accessible à tous, avec notre chaîne d'informations en continu, VivaTech News (Ndlr : 4,4 millions de visiteurs uniques sur la chaîne), avec trois journées de programmation non-stop en live de 9 h à 18 h, avec des reportages dans les allées, des interviews de speakers, d'exposants, de start-up qui participent à des pitchs et viennent partager leur expérience, d'experts qui viennent décrypter des tendances qu'ils ont pu observer sur le terrain, ou du décrochage dans les salles de conférence. Bref, c'est la vitrine de VivaTech et un teasing de ce qui peut se passer sur notre expérience physique et sur notre plateforme digitale. Cette chaîne était largement diffusée sur les réseaux sociaux, sur un canal de la TNT, sur notre site internet et auprès de certains médias partenaires.

« Je suis convaincue que l'audience sur notre plateforme digitale ira bien au-delà de la période de VivaTech »

Nous avions également une expérience digitale qui était accessible avec un billet de VivaTech, que ce soit un billet numérique ou physique. Là, on pouvait accéder à l'intégralité des conférences, non seulement en live stream, mais aussi en replay. Je suis convaincue que l'audience sur notre plateforme digitale ira bien au-delà de la période de VivaTech.

Sur cette plateforme digitale, nous avons aussi une dimension découverte, d'innovations et de start-up, avec 1 400 start-up et exposants référencés, que l'on peut trier par pays, par secteur d'activité et par technologie. Tout cela permet de prendre le pouls de l'innovation aujourd'hui. Il y a également toute la partie networking, à la fois en chat ou en visio, pour relancer son business, ses carnets de commandes et pour échanger sur l'écosystème VivaTech au sens large.

Les réseaux sociaux ont eu leur importance cette année, tant en ce qui concerne le physique que le numérique...

... alors qu'on sait que les événements digitaux purs suscitent beaucoup moins d'engagements que les événements physiques. Il y avait une jauge en présentiel limitée, et pour autant, les personnes qui sont venues ont été hyper engagées, impliquées et investies. Les visiteurs à distance ont énormément apprécié notre plateforme digitale. Ils ont aussi pris part à cette conversation sur les réseaux sociaux. On a à nouveau réussi à engager une communauté large et internationale.

« On a à nouveau réussi à engager une communauté large et internationale »

Est-ce que vous pensez que ce format de salon hybride puisse devenir la norme dans le futur ?

Tout à fait. Je pense que la Covid-19 a accéléré notre transition, notre mutation. Cette double dimension physique et digitale est un modèle d'avenir pour VivaTech. Ça permet de toucher des audiences plus larges, de varier les expériences, de prolonger l'édition dans le temps aussi, puisque le digital permet d'entretenir la conversation avec notre communauté tout au long de l'année. Tout cela donnera des opportunités de reconnexions à la plateforme dans les semaines et les mois à venir.

Je prolonge ma précédente question. Sur la fameuse jauge, fixée à 5 000 personnes, on ne va pas se cacher que ça a pu nous offrir un format « reposant », comparé aux éditions précédentes. Est-ce que la jauge peut aussi devenir un modèle ?

Ce qui est intéressant, c'est la variété des formats. Cette année, tous les soirs, il y avait plusieurs dîners, les matins plusieurs petits-déjeuners et des déjeuners, qui regroupaient à chaque fois des populations données (par exemple VC et start-up ; patrons de l'innovation de grands groupes ; femmes dans la Tech, etc.), autour de communautés d'intérêts. Les formats pouvaient aller de 30 à 150 personnes. Tout cela fut très complémentaire de la grande conférence physique et digitale qu'il peut exister et qui a très bien fonctionné.

« Les femmes à VivaTech, ça montre qu'on contribue à l'évangélisation et à la féminisation du secteur »

Plusieurs thématiques ont dominé cette édition, comme évidemment l’e-santé, ô combien importante en période pandémique.

Sur la e-santé, la Covid a accéléré la prise de conscience. Il y a aussi l'habitude grandissante des gens à utiliser des outils ou plateformes comme Doctolib ou TousAntiCovid. Dans les tendances, on remarque aussi la place de plus en plus forte que prennent les enjeux environnementaux, que ce soit dans l'industrie, dans la mobilité ou dans le luxe. C'est une prise de conscience transverse, et maintenant la transition digitale va de pair avec la transition écologique. Chez La Poste ou LVMH par exemple, on a vu des colis réutilisables, on a vu de nouvelles piles à baser de papier chez EDF, ou de l'agriculture qui utilise 99 % d'eau en moins, mais pour un rendement ultra optimisé. C'est ce genre d'innovation que nous sommes allés chercher et que nous voyons arriver à maturité par une collaboration plus importante avec les grands groupes. Il y aussi la partie biotechnologie, le quantique, ou l'espace, qui sont des sujets sur lesquels la France a des talents merveilleux. De plus en plus d'investissements sont fléchés sur ces enjeux-là, et il en faut encore davantage.

Julie Ranty, vous êtes la directrice générale de VivaTech, vous êtes une femme, et sans vouloir faire dans le cliché, on a pu remarquer que sur cette édition, par rapport à de précédents événements, il y avait beaucoup plus de femmes dans les allées. Est-ce que vous sentez qu'il y a une réelle évolution en ce sens, sur la place de la femme dans la Tech ?

Il y a eu une évolution. Après, elle n'est pas encore assez rapide. Il n'y a encore que 10 % de femmes à la tête de start-up. Elles ne cumulent que 30 % des fonds levés. Sur VivaTech, nous avons toujours été proactifs pour faire en sorte qu'il y ait plus de femmes sur scène, que ce soit des role models. On a mis en place des quotas, avec 40 % de femmes speakers on stage. Nous avons lancé le Female Founder Challenge (FFC), qui récompense des femmes qui ont créé des start-up et qui les met en relation avec des investisseurs français et internationaux, pour les accompagner dans le développement de leur projet. Sur la journée grand public, nous avons créé des espaces de rencontres et de coaching entre de jeunes filles et des femmes qui sont déjà dans le secteur de la Tech, pour accélérer la féminisation de ce secteur, pour leur donner envie et leur donner les premières clés. Les femmes à VivaTech, ça montre qu'on contribue à l'évangélisation et à la féminisation du secteur.