Le smartphone est-il éco-irresponsable ?

Alexandre Broutart
Publié le 17 décembre 2015 à 09h00
Les utilisateurs de smartphones sont nombreux à se poser de plus en plus de questions sur l'impact écologique de cet engouement planétaire. A la COP 21, l'association Ecophylle s'était déplacée pour aborder le sujet, donnant à qui voulait bien entendre juste assez de billes pour comprendre, et l'envie d'aller plus loin...

L'industrie du téléphone portable implique une exploitation massive de ressources naturelles non renouvelables. Le traitement de ces matières premières, auquel s'ajoute une durée de vie des téléphones toujours plus réduite, nuit dangereusement à l'environnement.

De nombreuses sources font état d'une cinquantaine à une soixantaine de métaux impliqués dans la fabrication d'un téléphone portable. Pour l'UNEP (United Nations Environment Programme), les métaux dominent avec 44% du poids total, suivis de près par les plastiques qui en représentent 32%. Si on connait les effets néfastes du plastique sur l'environnement, notamment en termes d'émissions de CO², on ignore souvent ceux relatifs aux métaux précieux ou autres composants.

Invitée à l'exposition Solutions 21 du Grand Palais, l'association Ecophylle nous détaille le contenu exact de ces matériaux. Parmi eux, des métaux ou minerais rares comme le lithium, le tantale ou encore l'étain. Le traitement chimique de ces matières premières est en lui-même un facteur de pollution de l'air important. Leur extraction, qui nécessite beaucoup d'énergie et de produits chimiques fait de l'industrie minière l'une des plus dévastatrices au monde.

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Pour le cas du lithium, son extraction nécessite l'utilisation d'énormes quantités d'eau, alors que les ressources en lithium sont justement situées en majeure partie dans une des régions les plus arides du monde, à la frontière de l'Argentine du Chili et de la Bolivie. En Indonésie, l'exploitation d'étain (utilisé pour les soudures des téléphones) est responsable de la détérioration de plus de 65% des forêts et de plus de 70% des récifs coralliens. Les rivières sont contaminées par les déchets miniers et l'accès à l'eau potable est devenu un problème pour plus de la moitié de la population de la région de Bangka.

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Quantité de cuivre enlevé comparé à la quantité de matière superflue éliminée chimiquement (FEPS)


Le même type de contamination se retrouve en Chine, où l'on produit plus de 90% des minéraux rares. Les lois environnementales étant moins contraignantes que dans d'autres pays, l'ensemble des industries du High-Tech s'y fournissent. Les lacs pollués se multiplient à une vitesse croissante dans tout le pays, à l'image du tristement célèbre "lac jaune".

Une étude réalisée pour l'ADEME pointe aussi les écrans LCD toujours plus grands, plus gourmands en consommation énergétique et dont la fabrication nuirait plus à la couche d'Ozone et contribuerait plus à l'acidification de l'air que d'autres composants. L'étude imputerait aussi au GPS de smartphones des nuisances environnementales accrues, du fait des augmentations électroniques permettant cette fonctionnalité.

De nouveaux matériaux rares, qui s'ajoutent aux précédents, entrent désormais dans la composition des smartphones, comme le terbium ou l'yttrium, dont les ressources sur la planète sont infimes et vouées à un épuisement imminent. Cette rareté des nouveaux composants électroniques donne lieu, selon un rapport d'experts présenté en 2001 au Conseil de sécurité de l'ONU, à des véritables guerres locales, toujours dans des pays défavorisés et soumis à l'oppression de milices concurrentes.

Car si Ecophylle nous parle angéliquement "des trésors cachés de nos téléphones", c'est aussi dans l'espoir de générer une prise de conscience. Ces trésors sont des ressources naturelles rares et comme tout objet convoité, ils sont parfois source de conflits. Après le petit jeu, Lise Le Lagadec aborde le sujet des violences qu'implique l'extraction de ces minerais, notamment en République Démocratique du Congo pour le coltan. L'association veut ramener notre distraction virtuelle à sa dimension concrète, montrer que l'objet téléphone a une histoire et qu'il est loin d'être un objet anodin. Cette fameuse guerre du coltan a notamment été révélée par les travaux de GRAMA (groupe de recherche sur les activités minières en Afrique), en lien avec l'institut d'études internationales de Montréal.



Une fin de vie douloureuse

Au moment de se débarrasser du cher compagnon électronique, la nature peut encore trembler. Un téléphone sur quatre est encore jeté dans une poubelle traditionnelle, destiné à brûler dans les usines d'incinération, ou abandonné dans la nature. La combustion de tous les éléments du téléphone portable a évidemment plus d'impact négatif qu'un autre objet, d'où l'intérêt qu'ils soient d'abord dépollués en plomb, fer et mercure.

Mais c'est aussi la disparition progressive des ressources naturelles décrite précédemment qui devrait inciter les consommateurs à ne pas traiter les mobiles comme des déchets normaux. Des bornes spéciales, souvent dans les supermarchés, sont spécialement prévues pour les « déchets d'équipement électronique et électrique » (D3E), en vue d'être recyclés.

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Ces problèmes écologiques et humains de plus en plus médiatisés, sont notamment à l'origine de l'initiative du Fairphone, un smartphone néerlandais dont la fabrication respecterait les contraintes environnementales et de commerce équitable. Outre sa particularité de moins consommer en énergie, le Fairphone serait produit grâce au recyclage d'anciens téléphones et contrôlerait la provenance des composants utilisés afin d'éviter l'implication de groupes armés. La société basée à Amsterdam prétend aussi mieux redistribuer les bénéfices, tout au long de la chaîne de production.

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