Des centres de données comme Digital Realty ou Kao Data troquent le diesel contre de l’huile végétale hydrotraitée (HVO) pour alimenter leurs générateurs. Cette alternative réduit certaines émissions, mais ne suffit pas à rendre leurs activités neutres en carbone, ni à écarter les limites liées à l'approvisionnement et à l'impact global.

Sur le papier, le carburant HVO coche beaucoup de cases - ©Jeppe Gustafsson / Shutterstock
Sur le papier, le carburant HVO coche beaucoup de cases - ©Jeppe Gustafsson / Shutterstock

À l’heure où les opérateurs de data centers cherchent des moyens de réduire leur impact environnemental, l’huile végétale hydrotraitée, ou HVO, commence à se faire une place. Digital Realty, Kao Data et quelques autres ont décidé de remplacer le diesel de leurs générateurs de secours par ce carburant dérivé d’huiles usagées ou de déchets organiques. La solution, simple à mettre en œuvre sur des moteurs existants, promet une réduction des émissions.

Mais cet engagement affiché subit de sérieux coups de freins : disponibilité incertaine, prix élevé, et une réduction des émissions qui reste partielle. Le mouvement est lancé, mais il n'efface pas toutes les traces.

Remplacer le diesel par de l’huile végétale hydrotraitée limite certaines émissions, mais n’élimine pas l’impact environnemental des data centers

Le diesel garde encore une place stratégique dans les data centers, surtout pour les générateurs de secours. Pour tenter de verdir cette dépendance, et alors qu'on se demande si le déploiement de ces centres de stockage de nos données ne va pas achever la planète, plusieurs opérateurs se tournent vers le HVO. Digital Realty, par exemple, explique avoir évité plus de 2 000 tonnes de CO2 en changeant de carburant sur plusieurs de ses sites. De quoi afficher un effort tangible, même si l'activité de ses générateurs reste marginale dans l'ensemble de la consommation énergétique d'un centre.

Kao Data a lui aussi basculé au HVO, notamment sur son site de Harlow, au Royaume-Uni. Selon Richard Collar, responsable technique, les générateurs fonctionnent sans aucune modification, ce qui a facilité la transition. Les chiffres avancés montrent une baisse de 13 % des émissions de particules fines et de 6 % pour les oxydes d’azote. Loin d'être anecdotique, mais pas révolutionnaire non plus.

Même Rolls-Royce MTU, l’un des principaux fabricants de groupes électrogènes, reconnaît que le HVO permet un remplacement « sans impact » sur les moteurs existants. Plus de 45 000 litres de diesel auraient ainsi été écartés dans leurs projets pilotes.

Mais remplacer un carburant par un autre ne change pas tout. Les générateurs continuent de rejeter des gaz d’échappement dès qu’ils démarrent. « Quelle que soit la source, le HVO continuera de polluer l’air local quand les moteurs tourneront », rappelle Andrew Buss, analyste chez IDC. D’autant plus que les centres de données grossissent à vue d’œil, portés par l'intelligence artificielle et le stockage cloud. Le besoin d’énergie ne va pas diminuer.

L’huile végétale hydrotraitée améliore donc les choses, mais n'efface pas les émissions locales, ni l'empreinte environnementale globale de l’activité. À court terme, elle permet surtout de mieux cocher certaines cases réglementaires, comme les exigences du programme britannique RTFO sur les carburants renouvelables.

©Aerovista Luchtfotografie / Shutterstock
©Aerovista Luchtfotografie / Shutterstock

L’utilisation de HVO par les data centers montre vite ses limites sur l’approvisionnement et la dépendance aux matières premières agricoles

Sur le papier, le HVO coche beaucoup de cases. Dans la pratique, son usage généralisé rencontre plusieurs barrières. D’abord, le carburant repose en grande partie sur des huiles alimentaires usagées ou des graisses animales. À mesure que la demande grimpe, trouver suffisamment de matière première devient compliqué.

Alan Howard, spécialiste chez Omdia, explique que l’approvisionnement en HVO est loin d'être aussi stable que celui du diesel classique. Certains pays doivent déjà importer massivement des huiles végétales pour tenir le rythme, ce qui crée des tensions sur le marché agricole. Aux États-Unis, un rapport du Conseil international pour un transport propre alerte depuis 2022 : la production de HVO tire indirectement sur les stocks alimentaires mondiaux.

Le choix des matières premières utilisées pour fabriquer le HVO fait aussi toute la différence. Quand l'huile provient de déchets alimentaires, le bilan carbone reste relativement avantageux. Mais dès qu’il s'agit de cultures spécifiquement dédiées à la production d'agrocarburants, les bénéfices s’amenuisent. Les terres agricoles mobilisées pourraient servir à nourrir la population ou à préserver des écosystèmes.

Richard Collar, de Kao Data, reconnaît d’ailleurs que la réduction de 90 % des émissions de CO2 annoncée pour le HVO dépend fortement de la provenance des matières premières et du processus de fabrication. Pas de miracle universel.

À cela s’ajoute un coût bien plus élevé : Digital Realty annonce un surcoût de l’ordre de 25 % par rapport au diesel traditionnel. Pour un usage ponctuel, comme l’alimentation de secours, l’investissement reste raisonnable. Mais si demain, l’ensemble des centres de données du monde voulait basculer massivement au HVO, les prix et la disponibilité seraient vite mis sous pression.

Pendant que le HVO trouve doucement sa place, d’autres pistes avancent. L’hydrogène et les batteries XXL sont en cours de tests, même s’ils restent réservés à quelques projets pilotes pour le moment. Le chemin vers un data center réellement neutre en carbone passe sans doute par une combinaison de plusieurs technologies… à condition de trouver assez d'énergie propre pour les alimenter.

Source : The Register