Le Freemium, ou Free-to-Play, est de loin le modèle économique le plus répandu dans le secteur du jeu vidéo sur mobile. En 2013, 93% des revenus générés par cette industrie proviennent d'applications gratuites avec option d'achats, selon la rétrospective annuelle du bureau d'analyses App Annie.
Quand on évoque ce modèle économique, on parle souvent des pratiques qui détériorent l'expérience de jeu ou assèchent le portefeuille des joueurs. Certains titres emploient cependant ce modèle économique de manière habile, sans faire fuir le client.
1 : Développer une application jouable, que l'on peut terminer sans payer
Il s'agit plutôt d'une règle de base. Un jeu imposant un paiement pour progresser ou en venir à bout trahit la promesse du gratuit derrière le modèle Freemium. Quand quelqu'un acquiert une application avec option d'achats, il s'attend à obtenir un contenu gratuit, auquel il peut ajouter des options en payant. Ne pas respecter ce principe peut s'apparenter à une tromperie dans l'esprit du joueur, ce qui peut avoir un effet rédhibitoire. Par ailleurs, ce modèle s'apparente d'avantage à un jeu avec période d'essai gratuite.
« Il ne faut pas frustrer le joueur, le jeu doit être agréable et rester jouable sans payer », explique Benjamin Anseaume, fondateur du studio de développement Sushee. Criminal Case, des Français Pretty Simple Games par exemple, peut se terminer sans débourser un centime. Après un an d'existence, le titre totalisait 100 millions d'utilisateurs.
2 : Proposer des contenus additionnels qui ne rendent pas le jeu simple
L'ajout régulier de contenu est un impératif pour les titres Freemium. Cela permet d'entretenir l'intérêt des clients et de générer des revenus. Mais il est préférable de proposer des produits qui ne le rendent pas trop facile. Rien ne décourage plus que de se rendre compte qu'il suffit de payer pour gagner. Cela brise l'intérêt de l'application et peut littéralement faire fuir de nombreux de joueurs. « Toute la difficulté est de favoriser les 5% qui payent, sans désavantager les 95% qui font l'intérêt du jeu », ajoute Benjamin Anseaume.
« Il vaut mieux conférer des avantages esthétiques et ergonomiques », note pour sa part Lévan Sardjevéladzé, gérant, concepteur et développeur pour le studio Celsius Online. Il est possible, par exemple, de retirer des limites de jeu. Duel Quiz est un titre permettant de défier ses amis sur des questions de culture générale. Il limite le nombre de parties en cours, à moins que l'on ne paye. Ou alors proposer des options payantes de personnalisation des personnages, comme c'est le cas pour Les Royaumes Renaissants de Celsius Online. Enfin, ajouter des contenus qui allongent la durée de vie du jeu est également une bonne alternative. Proposer des niveaux supplémentaires payants, par exemple.
3 : Créer un système de monnaie virtuelle
Au lieu de facturer directement les produits, une alternative est de concevoir un système d'argent virtuel qui va ensuite permettre d'acheter des contenus. Selon Lévan Sardjevéladzé, « la monnaie virtuelle se vend particulièrement bien, et cher ». Elle constitue donc une source de revenus.
Benjamin Anseaume confirme. Il préconise par ailleurs « d'offrir de la monnaie virtuelle régulièrement car c'est un premier levier important ». En effet, cela permettra de fidéliser ses utilisateurs, et les encourager à acheter d'autres contenus, donc de l'argent virtuel. Cela permettra aussi d'attirer de nouveaux joueurs. Ce système est employé par la plupart des logiciels de divertissement Freemium.
4 : Pratiquer différents niveaux de prix, en commençant par des tarifs élevés
« Nous sommes souvent étonnés de ce que les joueurs sont prêts à payer si ils aiment un jeu », explique le gérant de Celsius Online. Lévan Sardjevéladzé préconise donc de pratiquer différentes gammes de prix. Si le titre est réussi, et qu'il parvient à fidéliser les utilisateurs, certains n'hésiteront pas à mettre la main au portefeuille : « pour les fans des Royaumes Renaissants, nos développeurs peuvent modéliser un personnage à l'image du client pour 150/200 euros. Et nous vendons pas mal ce service », ajoute-t-il.
« Il ne faut surtout pas entrer dans la logique de toujours faire baisser les tarifs ». En revanche, tester ses prix et les réduire si le produit ne se vend pas est tout à fait envisageable : « Il ne faut pas présumer de ce que les joueurs vont faire, mieux vaut tester ses moyens de monétisation, quitte à baisser ses tarifs par la suite ».
5 : Vendre l'accélération du temps
Cette pratique est assez répandue car elle est particulièrement génératrice de revenus, selon les professionnels interrogés. Il s'agit d'abord de limiter certaines actions, en imposant au joueur d'attendre un certain temps pour pouvoir les réaliser. Puis, on vend la suppression de ce temps d'attente : « avec cette méthode, on ne paye pas pour gagner, mais pour améliorer son confort », explique Julien Villedieu, délégué général du Syndicat National du Jeu Vidéo.
Il faut toutefois rester mesuré, car cette pratique peut aussi détériorer l'application. Mais lorsqu'elle est dosée correctement, elle n'est pas gênante. Le jeu de rôle Terra Battle en est un bon exemple. Ce dernier repose sur l'utilisation de « points de vigueur » pour pouvoir combattre. Une fois que le joueur n'en a plus, il peut payer pour en obtenir, ou attendre pour en récupérer un toutes les 5 minutes.
Toutes ces pratiques doivent pouvoir s'intégrer au jeu, ce qui n'est pas toujours le cas. Il y en a qui empêcheront certaines pratiques et en faciliteront d'autres. La monétisation doit donc toujours être adaptée au type de jeu. Enfin, comme le dit Lévan Sardjevéladzé, « il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs et chercher tout de suite à monétiser son jeu ». Le titre doit bien évidemment être réussi, et avoir acquis une base d'utilisateurs suffisamment puissante pour permettre une monétisation.