En matière de développement de jeu vidéo en France, le constat est amer. Si certains grands éditeurs permettent de tirer le secteur vers le haut, d'autres jeunes éditeurs restent sur le carreau par manque de visibilité, d'accès aux investisseurs ou tout simplement à cause d'une stratégie mal ficelée.
Le marché du jeu vidéo est pourtant dynamique. La France recense environ 440 petites entreprises dans l'ensemble du secteur (studios de développement, éditeurs, distributeurs, consoliers et autres spécialistes du hardware, middleware, presse...). Dans leur grande majorité, ces entreprises sont très jeunes.
Interrogé à l'occasion d'une table ronde sur la question pendant Futur en Seine, Thierry Beaujard, PDG de Peacefulfish, société de conseil dans le domaine du divertissement nous livre son constat du marché français. Il explique : « La plupart des entreprises sont très peu matures, jeunes. Beaucoup évoluent, disparaissent et se transforment, et 80 % d'entre elles ont moins de 10 ans. Nous sommes donc en présence d'un système dans lequel il y a beaucoup de développeurs, un nombre relativement réduit d'éditeurs et un faible nombre de distributeurs. La chaîne de valeur reste donc polarisée autour d'un petit nombre ».
De son côté, le syndicat national du jeu vidéo (SNJV) ne s'y trompe pas. Derrière les têtes de gondoles du secteur que sont Ubisoft, Gameloft et autres Focus Home Interactive, la situation reste complexe pour les très petites structures.
Récemment, Guillaume de Fondaumière, président du SNJV précisait ainsi que : « Le dynamisme des entreprises leaders du secteur du jeu vidéo ne doit pas faire ignorer la grande fragilité de notre industrie au regard de la compétition mondiale acharnée à laquelle nous sommes confrontés. »
A la recherche de fonds
Pour venir en aide aux jeunes sociétés, plusieurs dispositifs de soutien existent (CNC, IFCIC ou encore le crédit d'impôt au jeu vidéo). Mais au-delà de ce premier coup de pouce, l'accès aux ressources financières demeure difficile. Là où les start-up traditionnelles peuvent éventuellement recourir à des fonds privés ou des crédits bancaires, ces accès restent compliqués pour les petits studios.Selon un rapport édité par Capital Games, les investisseurs ne se bousculent pas en France pour soutenir les entreprises à moyen et long terme. Le professionnel constate un trou dans les soutiens, en particulier au stade de l'amorçage (les débuts).
Thierry Beaujard, confirme : « Il y a actuellement peu d'investissement mais c'est assez logique car ils ont peu de connaissances dans le domaine et éventuellement peu de besoins. Le secteur manque également de fusions et de rachats. Les investisseurs restent donc frileux car il ne savent pas à qui ils vont revendre leurs parts plus tard ».
Dans le jeu vidéo, « on ne prête qu'aux riches »
Avant de tenter de séduire un investisseur, les professionnels du secteur conseillent aux jeunes sociétés d'étudier le marché et la faisabilité de leur projet. Une activité à temps plein pour celui qui sera en charge de démarcher les investisseurs, rencontrer les partenaires, gérer le volet administratif et juridique qu'impose le dépôt de statuts, et surtout, imaginer comment il va devoir vendre son jeu.Martial Valery, du studio spécialisé dans le free-to-play Ohbibi, précise : « Actuellement si vous cherchez des fonds, il ne faut pas être en besoin rapide de fonds. C'est une vérité affreuse à dire mais dans ce milieu on ne prête qu'aux riches. En fait, si vous n'avez pas de moyens en marketing pour lancer votre jeu c'est comme lancer un caillou dans la mare en espérant des mises en avant de Google ou d'Apple. Et ça, les investisseurs n'aiment pas ».
« Kickstarter, c'est comme si ma grand-mère allait mettre une vidéo de mon anniv sur YouTube »
Le fait de convaincre de la capacité d'un projet à attirer des communautés autour de lui semble donc être le point d'accroche. En ce sens, le financement participatif peut représenter une porte de sortie efficace. A condition de taper aux bonnes portes.
Le financement participatif, une planche de salut ?
« Le jeu vidéo est un cimetière de projets », Adrien Aumont, cofondateur de KissKissBankBank résume le financement dans le divertissement vidéo-ludique par ces simples mots. Il estime que l'appel d'air des plateformes de crowdfunding en direction du jeu vidéo a laissé beaucoup de monde sur les côtés de la route.Le responsable précise : « Kickstarter, c'est comme si ma grand-mère allait mettre une vidéo de mon anniv sur YouTube parce que Gangnam style a fait 1 milliard de vue, c'est complétement absurde. Sur Kickstarter, les développeurs pensent que c'est l'ensemble du public de Kickstarter qui vont les financer. Ces sociétés ont besoin de toucher une communauté autour d'un projet. Plusieurs cercles doivent s'agréger pour que cela marche et penser aux stratégies de campagnes pour mobiliser les différentes cercles ».
En France, les plateformes de financement participatif comme KissKissBankBank ou Ulule tentent donc de faire revenir dans leur giron les projets des sociétés du territoire. Elles estiment qu'elles seront plus à même de convaincre facilement le public local, dans un premier temps avant de pouvoir intéresser d'autres marchés.
Un point de vue partagé par Mathieu Maire du Poset, directeur adjoint d'Ulule : « Il y a une mini bulle Kickstarter. Dans les Français qui partent aux Etats-Unis, on voit des projets qui réussissent mais 8 sur 10 se plantent car finalement leur public n'est pas forcément là-bas. La réalité du financement participatif est que beaucoup de gens reviennent la queue basse ».
C'est pourquoi ces sites de crowdfunding tentent d'accompagner certains projets en leur proposant de les conseiller quant à leur plan de financement. L'idée est de convaincre les sociétés à opter pour une stratégie plus prudente.
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