Le Conseil d'État, qui vient de publier son étude annuelle sur les réseaux sociaux, appelle à rééquilibrer les forces en faveur des utilisateurs et à renforcer les pouvoirs de la puissance publique dans son rôle de régulateur.
L'Union européenne a récemment adopté le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA), qui viennent poser le futur cadre réglementaire européen autour des réseaux sociaux, de leurs contenus et des comportements anticoncurrentiels des grandes plateformes. Une nouvelle ère qui a inspiré le Conseil d'État, première institution publique à analyser ce nouveau dispositif et à livrer ses propositions pour que ce dernier soit appliqué de la manière la plus efficace possible.
Placer l'utilisateur au centre
Face à des géants numériques presque aussi puissants que certains États, il devient urgent de redonner le contrôle à l'utilisateur sur l'existence de ses droits. Le Conseil d'État note que, en ce qui concerne les conditions générales d'utilisation, l'utilisateur n'a pas d'autre choix que de les accepter s'il veut utiliser un service, sans pouvoir négocier.
L'autorité administrative souhaite ainsi la création d'une instance européenne de concertation, qui regrouperait plateformes et associations d'utilisateurs, pour élaborer des standards minimums pour les CGU et les politiques de confidentialité. L'idée générale est donc d'associer les utilisateurs et les plateformes.
Le Conseil d'État appelle également à la mise en place d'un design dit « attentionnel » amélioré des interfaces pour aider les internautes et mobinautes à accéder facilement aux droits auxquels ils peuvent prétendre, et surtout, pour les sensibiliser à leur mode de consommation (contenus violents potentiels, temps d'écran, etc.).
Renforcer la coopération entre les autorités et régulateurs nationaux en Europe
Autre élément qui compte aux yeux du Conseil d'État : la protection des mineurs et des victimes d'infractions sur les réseaux sociaux, pour laquelle la juridiction fait différentes préconisations. Elle recommande notamment, sans remettre en cause l'anonymat sur Internet, de généraliser le recours aux outils d'identité numérique et aux tiers de confiance. Le juge administratif appelle aussi à une amélioration du dispositif de plainte et de signalement en ligne, « trop dispersé et trop peu lisible selon lui ».
La question du rôle que doivent jouer les autorités, ou plutôt la puissance publique, est aussi importante. Le Conseil d'État rappelle toute l'importance qu'elle doit avoir dans la bonne mise en œuvre des cadres de régulation institués par le DSA et le DMA, en plus du RGPD. Au niveau européen, cela passerait par la création d'un groupe de travail réunissant les régulateurs nationaux, et au niveau national, par la création d'un service interministériel d'expertise qui contribuerait notamment à mieux coordonner les différentes autorités compétentes en la matière, comme l'ARCOM, l'ARCEP, la CNIL ou la DGCCRF.
Alors oui, les intentions sont louables, le DMA et le DSA apportent leur lot d'avancées. Mais les réseaux sociaux « connaissent des mutations rapides », et leur régulation reste difficile. Le Conseil d'État rappelle que de gros chantiers sont en cours, comme celui de la sobriété numérique ou celui de la publicité ciblée. N'oublioons pas non plus le metaverse ou les messageries privées, outre le droit à la mort numérique ou le droit pour les héritiers d'accéder aux données du défunt, sujet que nous avions abordé il y a quelques mois sur Clubic.