Le Digital Markets Act, un texte permettant de prévenir les abus de position dominante des grandes plateformes numériques, a reçu mercredi l'approbation du Parlement européen, qui lance les négociations avec les États membres pour l'adoption définitive de ce dernier.
En déplacement à Strasbourg le 15 décembre, le secrétaire d'État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, Cédric O, n'a pas caché sa satisfaction après l'adoption, par le Parlement européen, de sa position sur le Digital Markets Act (DMA), futur texte référence de l'UE qui offrira alors à l'Europe et aux régulateurs nationaux la possibilité double de sanctionner et d'imposer des obligations aux entreprises pourvoyeuses de « services de plateforme essentiels », davantage enclines à se livrer à des pratiques déloyales.
Les services visés par le DMA élargis aux navigateurs, assistants virtuels et téléviseurs connectés par le Parlement
Les membres du Parlement européen ont approuvé le texte à 642 voix pour, 8 contre et 46 abstentions. Le DMA viendra renforcer l'arsenal juridique de l'UE et des pays membres, qui pourront ainsi davantage rendre équitable et ouvert le marché.
Les grandes plateformes visées par le règlement sont celles qui œuvrent notamment en tant que réseaux sociaux, moteurs de recherche, systèmes d'exploitation, services d'intermédiation en ligne, services de publicité en ligne, opérateurs de Cloud ou encore services de partage de vidéos. On pense ici notamment à des entreprises comme Google (et sa galaxie de services), Apple, Meta (Facebook et toutes ses filiales), Amazon, TikTok, Twitter, Microsoft et autres.
Par extension, et parce que les députés considèrent qu'ils répondent au critère de qualification de « contrôleurs d'accès », les navigateurs web, les téléviseurs connectés et les assistants virtuels ont été inclus dans le champ d'application de la législation. Les acteurs soumis au DMA seront notamment contrôlés par rapport à la publicité ciblée, à l'interopérabilité des services et aux acquisitions prédatrices.
De fortes restrictions sur les "acquisitions prédatrices" et une protection offerte aux lanceurs d'alerte
Le Parlement européen a tout de même apporté quelques changements à la proposition initiale de la Commission européenne. Il a notamment revu à la hausse le seuil du chiffre d'affaires faisant entrer les entreprises dans le champ d'application du texte, fixé à 8 milliards d'euros annuel au minimum. Pour entrer dans le champ et être qualifiées de contrôleurs d'accès, les firmes devront délivrer un service de plateforme essentiel dans au moins trois pays de l'Union européenne, et compter chacune au moins 45 millions d'utilisateurs finaux mensuels dans la zone, outre une base de clients de 10 000 entreprises. Ce qui contribuera à réduire à quelques dizaines, tout au plus, le nombre de plateformes visées par le Digital Markets Act.
Les députés européens ont aussi validé la possibilité offerte aux utilisateurs de désinstaller, à tout moment, des applications logicielles préinstallées. Ils sont aussi tombés d'accord sur des restrictions liées, nous le disions, aux acquisitions prédatrices. Qu'est-ce que cela signifie ? Concrètement, en cas de non-respect de ce point, la Commission européenne aura le pouvoir de restreindre les acquisitions des contrôleurs d'accès (donc réseaux sociaux, moteurs de recherche, navigateurs, services de partage de vidéos etc.), de façon à empêcher toute atteinte à la concurrence au sein du marché intérieur. De même, les entreprises au centre d'acquisitions devront préalablement informer Bruxelles de tout projet de concentration de marché.
Répondant en partie à l'appel lancé par Frances Haugen, le Parlement européen a aussi insisté sur le fait que le DMA devra impérativement veiller à ce qu'un dispositif adapté soit mis en place afin de soutenir les lanceurs d'alerte qui préviendront les autorités compétentes après avoir constaté des infractions potentielles ou réelles au règlement négocié, afin que ces derniers puissent être protégés contre d'éventuelles représailles. Frances Haugen, qui avait alerté l'opinion récemment sur les agissements de Facebook, regrettait de ne pas être suffisamment protégée malgré son statut de lanceuse d'alerte.
Des amendes pouvant aller jusqu'à 20 % du chiffre d'affaires annuel mondial de l'entreprise
Le volet sanction a également retenu l'attention des députés européens, d'accord sur le fait qu'en cas d'entrave au règlement, les entreprises pourront se voir imposer, par la Commission européenne, des amendes particulièrement importantes, pouvant être comprises entre 4 et 20 % du chiffre d'affaires mondial réalisé durant l'exercice précédent. Imaginez ainsi qu'une entreprise comme Alphabet (maison-mère de Google) risquerait en l'état une amende de plus de 30 milliards d'euros si elle était sanctionnée.
Désormais, le DMA, approuvé par le Parlement, va servir de mandat pour lancer les négociations entre Strasbourg et les gouvernements des États de l'Union européenne. Aspect intéressant, les discussions devraient démarrer au cours du premier semestre 2022, sous la présidence française du Conseil européen. « Il y aujourd’hui urgence à agir pour moderniser les règles relatives au fonctionnement des marchés numériques afin de prévenir des pratiques et des comportements déloyaux au sein de l’Union européenne. La France engagera tous ses efforts pour faire avancer les négociations avec le Parlement européen sur ce chantier législatif structurant et prioritaire pour l’Europe », a réagi le secrétaire d'État Cédric O dans un communiqué transmis par le gouvernement.
Notons que le second texte, le Digital Services Act (DSA), qui porte sur la réglementation et la modération des contenus publiés sur les grandes plateformes, devrait être soumis au vote lors de la plénière de janvier prochain. Et les choses vont dans ce sens, puisque le rapport final sur la proposition du DSA a déjà été adopté, le 14 décembre, par la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO).
Source : Europa.eu