Le numérique vu d'un bon œil en entreprise sauf que sa portée n'est pas trop comprise

Thomas Pontiroli
Publié le 14 juin 2016 à 15h40
Avec la transformation numérique des entreprises, on n'en finit plus de se demander si ces évolutions sont bien vécues ou non par salariés et patrons. TNS Sofres apporte des nuances.

Heureux, les salariés connectés ? À l'occasion de la 13e édition de la semaine pour la qualité de vie au travail, du 13 au 17 juin, l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact), avec TNS Sofres, a posé la question à 1 003 salariés et 205 chefs d'entreprise. D'un point de vue macro, il ressort que les salariés sont optimistes quant au numérique. Mais lorsqu'on creuse, on constate qu'ils ne cernent pas ce qu'il englobe...

Le numérique, c'est vague ! Parle-t-on d'un logiciel dans le cloud, sans contrainte d'installation ou de maintenance ? D'application mobile intuitive de gestion de flotte ? Ou d'intelligence artificielle remplaçant des emplois, de plateformes asservissant des travailleurs précaires... ? « L'optimisme global exprimé dans ce sondage doit être appréhendé avec prudence », estime Olivier Mériaux, directeur général adjoint de l'Anact.

Familiarité trompeuse

Premier constat d'ensemble, les patrons sont plus enjoués par le numérique que leurs salariés : 72 % des premiers le considèrent comme une opportunité, contre 57 % des seconds. Ils mettent en avant la simplification et la souplesse qu'il procure. Vincent Mandinaud, chargé de mission à l'Anact, avertit que « ces résultats doivent être nuancés ; le terme "numérique" est susceptible de revêtir plusieurs significations selon les individus ».


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Derrière les applis pratiques du quotidien, le numérique peut aussi être une machine à broyer des emplois - Crédit : contrastwerkstatt/Fotolia.


« Les personnes interrogées qui assimilent leur familiarité avec le numérique avec leur maîtrise de certains outils informatiques sont bien loin d'évoquer les changements profonds engendrés par le numérique sur le travail », poursuit-il. Il suffit de les interroger sur l'avenir de l'emploi pour voir l'optimisme fondre à 46 % des salariés et 52 % des chefs d'entreprise. En toile de fond, les menaces sur l'automatisation de certains postes.

Dialogue social en recul

En attendant d'être remplacés, les salariés disent percevoir une meilleure qualité au travail (85 %). « C'est pour le moins paradoxal par rapport à certaines enquêtes pointant l'intensification et la fragmentation du travail, l'accélération des rythmes, l'exigence de disponibilité, de réactivité, de travail en urgence et leurs possibles effets en terme d'invasion, de saturation, de stress, d'autonomie, et d'autres », affirme Vincent Mandinaud.


Malgré tout, les salariés sont partagés entre un effet neutre ou positif du numérique sur l'efficacité de l'organisation, l'esprit d'innovation, la performance de l'entreprise, la qualité du travail et la qualité du service client, pointe l'Anact. Sur l'information et la coopération, les avis sont encore plus mitigés. Aussi, les salariés dénoncent une « relative mise à mal du dialogue social engendrée par le développement du numérique ».

Manque de compréhension

Sur les conditions de travail, il ressort des réponses « neutres », laissant supposer que les effets du numérique sur le travail, ses conditions, le management, ne sont pas tous visibles et lisibles par les acteurs. « C'est comme si les personnes au travail n'étaient pas toujours en mesure de prendre conscience que les évolutions à l'oeuvre dans leur quotidien résultaient aussi de la transition numérique », indique Olivier Mériaux, de l'Anact.

Lorsqu'on demande aux salariés les bénéfices qu'ils attendent du numérique, 40 % jugent prioritaires des formations spécifiques à ce sujet. Bruno Mettling soulignait dans son rapport « Transformation numérique et vie au travail » que seuls 23 % des actifs estiment être très bien préparés au numérique. Ils sont aussi 35 % à vouloir développer le dialogue social, et 27 %, imposer et réglementer le fameux droit à la déconnexion.


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