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Cela fait maintenant plusieurs mois que les États-Unis jouent la carte de la guerre commerciale avec la Chine à fond et prennent des mesures visant à empêcher les entreprises chinoises d’avoir accès à certaines technologies. Bon nombre d’entre elles figurent sur la fameuse liste noire de l’administration américaine, ce qui a pour effet concret de limiter le portefeuille technologique auquel elles ont accès, voire d'entraver leur capacité de production. L’exemple le plus emblématique est bien sûr Huawei, mais cette liste englobe une soixantaine de firmes, issues de nombreux secteurs.
Un comité chapeauté par le gouvernement chinois
Afin de contourner les mesures prises par les États-Unis pour freiner sa marche en avant, le gouvernement chinois veut créer un comité spécial selon un rapport du Nikkei. Sa mission : racoler des entreprises américaines, dont Intel et AMD, mais aussi européennes, telles qu'ASML en Hollande et Infineon Technologies en Allemagne, ainsi que des entreprises japonaises afin de créer une chaîne d’approvisionnement hors de portée des sanctions américaines.
Ce comité destiné à séduire ces entreprises étrangères aurait pour nom « comité de travail transfrontalier sur les semi-conducteurs ». Naturellement, le ministère chinois du Commerce et le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information le superviseraient.
Le Nikkei indique que certaines des entreprises courtisées par la Chine seraient tout à fait enclines à accepter les avances qui leur sont faites. Le média rapporte les propos d’un cadre anonyme d’une de ces sociétés, lequel estime que « pour de nombreuses entreprises de semi-conducteurs, la Chine est l'un des plus grands marchés de croissance en termes de ventes, elles ne peuvent donc pas ignorer les demandes du gouvernement chinois ». Un autre tempère : « Nous chercherons à développer nos activités en Chine dans la mesure où cela n'entre pas en conflit avec les réglementations des États-Unis et d'autres pays ».
Des précédents, et une cour à laquelle ne se livre pas seulement la Chine
Ce n’est pas la première fois que la Chine s’évertue à nouer des partenariats avec des firmes étrangères. Il y a quelques années, AMD collaborait par exemple avec THATIC (Tianjin Haiguang Advanced Technology Investment Co. Ltd.) autour de processeurs x86 principalement basés sur l’architecture CPU Zen. Citons également la firme taïwanaise Via Technologies qui vendait, il y a encore quelques mois de cela, des IP à des sociétés chinoises, et dont une joint-venture avec le gouvernement municipal de Shanghai avait d’ailleurs mené à la création de Zhaoxin en 2013. Enfin, la société Innosilicon, qui a contribué à l’élaboration de cartes graphiques dédiées dévoilées récemment, se présente sur son site comme « le seul partenaire technologique en Chine à avoir accès aux processus 5 nm de Samsung et TSMC ».
D’autre part, la Chine n’est pas la seule à faire les yeux doux aux géants du secteur des semi-conducteurs. L’Union européenne souhaite accueillir une usine d’Intel notamment ; et si l’entreprise se dit volontaire pour s’implanter sur le sol européen, elle conditionne cette décision à quelques milliards d’euros de subvention…
Bien entendu, le contexte politique est différent en Chine et en Europe. Comme le souligne le journaliste du Nikkei, les entreprises qui accepteraient d’entrer dans le jeu de la Chine risqueraient d’avoir du mal à jongler entre les sanctions américaines et les exigences chinoises. Et c’est sans compter sur d’éventuelles considérations éthiques : en fin d’année, Intel s’est mis le gouvernement chinois à dos en refusant de se fournir dans la région du Xinjiang. Après, ne soyons pas naïfs : nul besoin d’être cynique pour considérer que le business l’emportera sur la morale.
Sources : Nikkei, Tom's Hardware