Structure TSMC à Taïwan © AlmondYue / Shutterstock
Structure TSMC à Taïwan © AlmondYue / Shutterstock

Les tensions autour du détroit de Taïwan n'ont jamais été aussi palpables. La situation d'entreprises cruciales à l'économie mondiale comme TSMC soulève des questions.

Pour quiconque suit un minimum la situation géopolitique internationale et plus encore celle entourant Taïwan, il est clair que les pressions chinoises sur l'île « dissidente » vont crescendo.

Dans ce contexte d'incertitudes, de grandes entreprises comme TSMC cherchent à diversifier leur activité, mais « sortir » les usines de Taïwan se révèle particulièrement délicat, pour ne pas dire impossible.

Tensions sur le détroit de Taïwan

Nommé P.-D.G. de TSMC il y a seulement quelques jours, C.C. Wei doit faire face à des dossiers que l'on peut aisément qualifier de « brûlants » alors que son prédécesseur, Mark Liu, parti à la retraite, avait mis en avant sa volonté de voir la firme taïwanaise s'implanter dans diverses régions du monde.

Il faut effectivement savoir que TSMC, de son nom complet Taiwan Semiconductor Manufacturing Company, est le principal producteur de semi-conducteurs au monde. Elle contrôle plus de 50 % du marché, mais au contraire d'une entreprise comme Intel, elle dispose d'une concentration extrême avec 80 à 90 % de sa production sur l'île de Taïwan.

L'Express a publié un tableau de la situation autour du détroit de Taïwan © L'Express
L'Express a publié un tableau de la situation autour du détroit de Taïwan © L'Express

Rappelons qu'en 1949, le gouvernement de la République contrôlé par le Kuomintang s'installe sur l'île à la suite de la victoire des communistes lors de la guerre civile qui a sévi sur le continent. Depuis, deux États subsistent : la République populaire de Chine sur le continent et la République de Chine sur l'île de Taïwan.

TSMC produit 80-90 % à Taïwan

Pour le gouvernement de Pékin, il n'a jamais été question de reconnaître l'existence de la République de Chine. Taïwan est considérée comme une province qui doit retourner dans son giron « si nécessaire par la force ». Le président Xi Jinping se montre d'ailleurs de plus en plus virulent.

Des tensions éclatent régulièrement dans le détroit de Taïwan, lequel sépare les deux pays d'au maximum 130 kilomètres, et l'heure n'est clairement pas à l'apaisement. Alors que TSMC est une entreprise sur laquelle repose pour ainsi dire l'industrie mondiale, ces tensions mettent sous pression la direction de l'entreprise, et l'on comprend la volonté « d'ouverture » de Mark Liu.

C.C. Wei, le P.-D.G. de TSMC le 4 juin dernier © Cheng Ting-Fang / Asia Nikkei

Une volonté toutefois tempérée par son successeur. Au cours de l'assemblée générale annuelle de la société, C.C. Wei a d'abord rappelé : « L'instabilité à travers le détroit de Taiwan est en effet un facteur à prendre en compte pour la chaîne d'approvisionnement, mais je tiens à dire que nous ne voulons certainement pas que des guerres surviennent. »

Relayés par nos confrères de TechReport, les propos de C.C. Wei ont ensuite clairement mis en avant le fait que déplacer la production de TSMC en dehors de Taïwan est « presque impossible ».

Impossible émigration

Pourquoi les discours de Mark Liu il y a seulement quelques mois et de C.C. Wei aujourd'hui semblent aussi éloignés l'un de l'autre ? Pour le comprendre, il faut prendre le problème de la production de semi-conducteurs de manière plus large.

Souvenons-nous que Joe Biden et l'administration américaine n'ont eu de cesse de courtiser TSMC afin de voir l'entreprise s'installer aux États-Unis. Des usines ont d'ailleurs été implantées en Arizona, avec à la clé 6 000 emplois spécialisés créés, 20 000 emplois dans la construction et plusieurs dizaines de milliers d'emplois chez les sous-traitants. Pour autant, et ce, même si nous n'avons pas de chiffres précis, l'Arizona ne représente qu'une fraction de la production de TSMC.

Trois usines TSMC ont été implantées en Arizona © GPEC

L'entreprise taïwanaise est ici confrontée à de multiples défis. En premier lieu, aussi vastes soient-ils, les États-Unis n'ont tout simplement pas la main-d'œuvre spécialisée nécessaire pour ouvrir suffisamment d'usines, et l'Europe ne semble pas mieux lotie. De plus, nous ne tenons ici même pas compte de la culture d'entreprise, bien différente entre ces régions du monde avec des habitudes de travail, des relationnels presque opposés.

En outre, comme l'a expliqué Lisa Su, P.-D.G. d'AMD, la production de semi-conducteurs est un tout difficilement dissociable : « Nous produisons une grande partie de notre fabrication ici avec des fournisseurs clés comme TSMC… Et puis, nous avons également un certain nombre de partenaires qui nous aident à construire l'écosystème ici à Taiwan. » Écosystème, un mot qui résume les difficultés de reconstruction d'un tissu industriel solide en ce qui concerne les semi-conducteurs aux États-Unis, et plus encore en Europe.

Sources : Reuters, TechReport