Commission européenne Europe

La juridiction européenne estime qu'Amazon s'est livrée à des pratiques antitrust en France et en Allemagne, en utilisant les données sur l'activité des vendeurs de sa plateforme et en favorisant ses propres offres.

Mise à jour de l'article le 12 novembre 2020, avec le droit de réponse accordé à Amazon, qui indique :

"Nous sommes en désaccord avec les affirmations préliminaires de la Commission Européenne et nous mettrons tout en œuvre pour que celle-ci ait une parfaite compréhension des faits. Amazon représente moins de 1 % du commerce de détail mondial, et il existe des distributeurs bien plus importants dans chacun des pays où nous opérons. Aucune entreprise ne se soucie davantage des petites entreprises, ou n'a fait plus pour les soutenir au cours des deux dernières décennies, qu'Amazon. Plus de 150 000 entreprises européennes vendent par l'intermédiaire de nos boutiques. Elles génèrent des dizaines de milliards d'euros de revenus annuels et ont créé des centaines de milliers d'emplois".

En Europe, l'étau se resserre autour d'Amazon. Le géant américain du e-commerce fait l'objet d'une sortie de la Commission européenne pour abus de position dominante. Celle-ci a annoncé, mardi 10 novembre, avoir ouvert une enquête sur les pratiques du géant en matière de commerce électronique, et communiqué à celui-ci des griefs s'agissant de l'utilisation des données non publiques des vendeurs indépendants de sa marketplace. Entrons dans les détails de cette double procédure antitrust, qui fait suite à une première enquête ouverte le 17 juillet 2019.

Une Buy Box qui avantagerait Amazon et les vendeurs rattachés au programme Prime

Précisant que ses conclusions ne sont qu'à un stade préliminaire, la Commission européenne estime qu'Amazon a enfreint les règles de l'UE en matière de concurrence, en faussant le marché de détail en ligne. L'institution bruxelloise a, d'une part, ouvert une enquête formelle en matière de pratiques anticoncurrentielles. Elle concerne la fameuse boîte d'achat (la Buy Box), que l'on retrouve sous la forme d'un bouton jaune « Ajouter au panier ».

Pour un vendeur, remporter la boîte d'achat est capital, car elle ne met en évidence l'offre d'un seul vendeur uniquement. Si A décroche la Buy Box face à B, C ou D qui, pourtant, proposent le même produit, alors forcément A aura un avantage indéniable sur ses concurrents.

La Commission européenne estime, à première vue, qu'Amazon se servirait de la boîte d'achat pour favoriser ses propres offres ainsi que celles des vendeurs qui sont rattachés à son service de livraison, le « Expédié par Amazon », et au programme de fidélité Prime, qui séduit de plus en plus de clients du e-commerçant. Au détriment des autres, donc.

À Bruxelles, on compte ainsi examiner les critères fixés par Amazon pour sélectionner le vainqueur de la boîte d'achat d'un produit, et ainsi prouver (ou non) que la procédure conduit à un traitement préférentiel. Si la Commission constate que ses craintes sont avérées, Amazon tomberait sous le coup de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui interdit les abus de position dominante sur le marché.

Le saviez-vous ? 🤔

La violation de l'article 102 du TFUE fait encourir à l'entreprise responsable une amende pouvant atteindre jusqu'à 10% de son chiffre d'affaires mondial.

Les données des vendeurs tiers utilisées pour étouffer toute concurrence ?

Outre cette première enquête, la Commission européenne a procédé à la communication des griefs concernant l'utilisation par Amazon des données des vendeurs de sa place de marché. Ce processus permet à l'entreprise concernée, en l'occurrence Amazon, de prendre connaissance des comportements que la Commission lui reproche.

En tant que plateforme, Amazon peut vendre ses propres produits comme détaillant, et ainsi concurrencer ses propres vendeurs, qui eux-mêmes peuvent directement proposer leurs produits sur la place de marché du e-commerçant. Ce double rôle donne la possibilité à la firme de Seattle d'avoir accès aux données commerciales non publiques des vendeurs de sa marketplace, comme leurs recettes, le nombre de visites sur chaque offre, le nombre de produits commandés puis expédiés, les données liées aux expéditions, aux réclamations ou aux garanties.

Et cela pose problème à la Commission, consciente que toutes ces données peuvent être librement consultées par des salariés d'Amazon. Selon l'UE, Amazon regroupe ces données et les utilise « pour calibrer les offres de détail d'Amazon et ses décisions commerciales stratégiques au détriment des autres vendeurs de la place de marché ». Ce qui permettrait à la firme de Jeff Bezos de mettre en valeur les produits qui se vendent le mieux, le tout, donc, grâce aux données de vendeurs concurrents.

La Commission considère qu'une telle utilisation des données permet à Amazon, au final, d'atténuer la menace de potentiels concurrents et d'assoir sa position dominante sur sa marketplace française et allemande. Encore une fois, cette pratique serait, si elle est attestée à l'issue de la procédure, contraire à l'article 102 du TFUE.

La décla' 🎙

Nous devons veiller à ce que les plateformes jouant un double rôle et détenant un pouvoir de marché, comme Amazon, ne faussent pas la concurrence. Les données relatives à l'activité des vendeurs tiers ne devraient pas être utilisées au bénéfice d'Amazon lorsque celle-ci agit en tant que concurrente de ces vendeurs. Les conditions de concurrence sur la plateforme d'Amazon doivent également être équitables. Ses règles ne devraient pas favoriser artificiellement les offres de vente au détail d'Amazon ou avantager les offres des détaillants qui utilisent ses services logistiques et de livraison.

Margrethe Vestager, Vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence, le 10 novembre 2020