Les premiers appareils commercialisés sous HarmonyOS ont été présentés aujourd'hui, avec en prime de nouvelles informations sur les fonctions et l'interface de l'OS. Est-il vraiment capable de supplanter les écosystèmes créés par Google et Apple, et se tailler une part de marché conséquente ?
Huawei est sous le coup de sanctions économiques américaines depuis 2019. Cet embargo l'empêche de travailler et de se fournir chez des sociétés américaines, et même chez des entreprises sous contrat avec des entités provenant des États-Unis. Une situation qui prive le constructeur de composants pour ses appareils, mais également de solutions logicielles.
Cela fait maintenant deux ans que les smartphones Huawei n'ont plus accès aux services Google, le fabricant devant se contenter d'Android Open Source Project (AOSP) et de sa propre surcouche EMUI pour l'interface et les services de ses mobiles.
C'est pourquoi Huawei a décidé de développer son propre écosystème, indépendant, dont le lancement officiel a eu lieu ce 2 juin 2021. Mais HarmonyOS peut-il vraiment concurrencer Android et iOS, des systèmes d'exploitation qui ont derrière eux des années de développement ainsi que des magasins d'application extrêmement fournis ?
L'hégémonie des écosystèmes Google et Apple
D'autres s'y sont cassé les dents. Malgré ses moyens, Microsoft n'a pas réussi à imposer Windows Phone. Présent avant Android sur le marché des smartphones, webOS s'est rapidement écroulé. Comment Huawei entend-il donc réussir à casser l'oligopole créé par Google et Apple avec HarmonyOS ?
Le premier argument en faveur de HarmonyOS est que celui-ci propose une expérience homogène et transparente sur l'ensemble des appareils connectés. L'écosystème d'Apple est certes très efficace, il existe parfois quelques barrières entre ses produits et ses logiciels. Idem chez Google, qui s'est améliorée en la matière au fil des années, mais qui a encore des progrès à faire en la matière.
Mais cet avantage compétitif n'est pas certain de durer pour Huawei. Nous savons en effet que Google et Apple déploient depuis des années des efforts conséquents pour créer un écosystème encore mieux connecté et plus pratique à utiliser. Chez la firme de Mountain View, il s'agit du fameux projet Fuchsia dont on parle depuis bien longtemps maintenant, et qui devrait prendre la forme d'un système d'exploitation multi-supports à la HarmonyOS pour remplacer Android, ChromeOS et consorts.
Pas si innovant, HarmonyOS ?
Huawei a présenté des fonctionnalités alléchantes pour HarmonyOS, mais pour l'instant, nous ne pouvons que croire les promesses du constructeur en attendant d'avoir des produits compatibles entre les mains. Or on le sait bien, les fabricants ont souvent tendance à exagérer au moment de présenter nouveautés et fonctionnalités.
Introduit comme « révolutionnaire », le panneau de contrôle de HarmonyOS s'inspire très clairement de celui d'iOS. L'écran d'accueil a l'air bien pensé, mais là encore, Huawei est allé piocher les bonnes idées chez iOS et Android pour définir son interface.
L'intégration des widgets a l'air prometteuse et plus efficace que ce que l'on trouve actuellement sur iPhone et les smartphones Android en ce qui concerne l'accès aux informations et fonctions utiles. À noter que iOS 15 et Android 12 vont aussi s'améliorer à cet égard prochainement.
Google et Apple ne vont pas se laisser faire
Huawei a présenté des montres connectées (Huawei Watch 3 et Watch 3 Pro), des tablettes (Huawei MatePad 11, MatePad Pro 12,6 et 10,8) et a teasé son P50, qui seront commercialisés nativement sous HarmonyOS. Mais en l'état, la principale attraction de l'OS, à savoir l'imbrication de services et d'appareils dans un même écosystème, est quasiment sans intérêt puisqu'il n'existe que très peu d'appareils connectés sous HarmonyOS.
Le temps que Huawei parvienne à installer un parc d'appareils intéressants, nul doute que Google et Apple auront rattrapé leur retard sur les quelques fonctionnalités exclusives à HarmonyOS jusqu'ici.
Rappelons également que si Huawei fait mention d'une « nouvelle architecture » pour HarmonyOS, la véritable nature de celui-ci reste floue tant le groupe chinois reste opaque à ce sujet. Ars Technica révélait en février dernier que nous avions finalement affaire à un simple fork Android basé sur AOSP, pas si différent de ce qu'est EMUI. Des soupçons qui se confirment aujourd'hui alors que The Verge explique avoir réussi à installer des applications Android via leurs fichiers APK sur une tablette MatePad Pro sous HarmonyOS.
Ce qui laisse entendre que tous les apports de HarmonyOS pourront être copiés dans les mois et années qui viennent par Google, voire par les fabricants tiers type Samsung ou Xiaomi pour alimenter leur surcouche.
Nous pensons par exemple à la fonction « SuperDevice », que Huawei a placée sur un piédestal. Sur le papier (on attend de voir comment elle fonctionne en conditions réelles), cette option paraît prometteuse. Elle permet de contrôler et d'interagir avec tous ses appareils depuis un seul d'entre eux grâce à une interface simple à prendre en main. Transfert de fichiers, appairage d'un appareil audio, tout est plus simple avec cette fonctionnalité… que l'on ne serait pas étonné de voir débarquer sur Google Home ou le SmartThings de Samsung dans le futur.
Le système d'autocollant NFC accolé à certains produits pour faciliter l'appairage, la configuration et l'accès aux features est astucieux, mais cela requiert de s'équiper en appareils compatibles. Quant à savoir si seuls les appareils Huawei en profiteront ou si d'autres marques se joindront à un programme de partenariat pour en faire bénéficier leurs produits, ce n'est pas encore bien clair.
HarmonyOS peut-il s'imposer ?
HarmonyOS va peut-être contribuer à faire bouger la situation, mais Google et Apple ne vont clairement pas se laisser faire et vont riposter. En fait, ils proposent déjà ou disposent déjà de la base technologique pour déployer bon nombre de fonctionnalités phares de HarmonyOS.
Nous l'avons vu avec EMUI sans services Google, les consommateurs occidentaux ont bien du mal à bousculer leurs habitudes et basculer d'un coup de leurs services habituels américains vers des plateformes chinoises. Il ne faut pas s'attendre à ce que HarmonyOS change la donne, la plupart des utilisateurs préféreront toujours avoir Gmail ou Google Assistant qu'une expérience domotique légèrement optimisée.
En Chine et dans une partie de l'Asie en revanche, où les utilisateurs sont habitués à se passer des services américains, HarmonyOS pourrait bien s'imposer à moyen terme. Un tel marché serait suffisamment massif pour contenter les ambitions de Huawei.
Source : Huawei