Bonjour Nicolas. Tryane propose une solution de Collaboration Intelligence, dans laquelle vous proposez aux entreprises de mesurer une éventuelle surcharge d'informations. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre activité ?
Effectivement, nous sommes à l'origine du concept de Collaboration Intelligence, qui sera, à n'en pas douter, repris par d'autres acteurs. Nous avons créé Tryane il y a trois ans, en nous attaquant dès le début à la problématique de la surcharge d'informations, notamment au travers des emails. Dans le monde professionnel, les gens ont du mal à faire le tri, et ça induit un stress technologique. Nous nous sommes rendus compte que la problématique était grandissante, et qu'il n'y avait pas d'outil de mesure pour la prendre en compte, c'est pourquoi nous avons voulu faire une BI de la collaboration, à partir des emails, des agendas, mais aussi des nouveaux outils 2.0, pour cartographier les flux d'échange au sein de l'organisation, déterminer les usages, et trouver les phénomènes déviants.
Avez-vous un exemple de ces phénomènes déviants ?
Oui, on peut citer par exemple l'email par appui, qui consiste à envoyer un email en mettant toute la terre en copie. C'est quelque chose d'assez présent dans certaines entreprises. Mais dans tous les cas, il s'agit de cas particuliers, très liés à la culture d'entreprise. Certains ont ce type d'emails de façon récurrente, d'autres où ils sont très ciblés. Certaines entreprises réservent systématiquement leurs réunions à moins de trois jours, agissant dans une culture de l'urgence.
A partir de là, vu que c'est très variable d'une entreprise à l'autre, il est intéressant de faire parler les statistiques. Nous appliquons donc un scan collaboratif, que nous pouvons interpréter au bout de deux ou trois mois de mesures des données.
Clients visés
Tryane compte 5 clients de type grands comptes, et a pour objectif d'en atteindre 10 à la fin de l'année. Il vise les entreprises de plus de 500 personnes. Même si sa solution intéresse toutes les entreprises à partir d'une certaine taille, Nicolas Saliba estime que le problème de la surcharge d'informations augmente avec la taille de l'entreprise : « La déperdition de l'efficacité collaborative est proportionnelle au carré de la taille de l'organisation. »
Points de marché
Pour l'instant, Tryane n'est présent qu'en France. Il a réalisé un premier tour de table de 225 000 euros auprès de business angels, auxquels viennent s'ajouter 75 000 euros d'aide Oséo. Pas encore rentable, Tryane attend d'avoir « les voyants au vert », soient une dizaine de grands comptes clients qui paient, avant de lever de l'argent et aller à l'international. Nicolas Saliba espère que ça se fera en 2012.
C'est un problème de surcharge d'informations, ou d'outil ? Est-ce qu'il ne faut pas simplement se débarrasser des emails ?Tryane compte 5 clients de type grands comptes, et a pour objectif d'en atteindre 10 à la fin de l'année. Il vise les entreprises de plus de 500 personnes. Même si sa solution intéresse toutes les entreprises à partir d'une certaine taille, Nicolas Saliba estime que le problème de la surcharge d'informations augmente avec la taille de l'entreprise : « La déperdition de l'efficacité collaborative est proportionnelle au carré de la taille de l'organisation. »
Points de marché
Pour l'instant, Tryane n'est présent qu'en France. Il a réalisé un premier tour de table de 225 000 euros auprès de business angels, auxquels viennent s'ajouter 75 000 euros d'aide Oséo. Pas encore rentable, Tryane attend d'avoir « les voyants au vert », soient une dizaine de grands comptes clients qui paient, avant de lever de l'argent et aller à l'international. Nicolas Saliba espère que ça se fera en 2012.
Très honnêtement, Thierry Breton s'est récemment assuré un coup de pub en disant qu'il allait supprimer tous les emails dans son entreprise. Je n'y crois pas une seule seconde. Qu'ils essaient de limiter l'usage de l'email, je suis d'accord, mais ils ont précisé ensuite que c'était en interne uniquement, et qu'ils conservaient l'email pour échanger avec l'extérieur, et notamment leurs clients. Or c'est la majorité des emails en entreprise. Peut-être que dans 10 ou 15 ans on pourra supprimer l'email, mais aujourd'hui, je ne vois pas comment ça serait possible.
La solution n'est pas d'éradiquer un outil pour le remplacer par d'autres outils. Il vaut mieux apprendre à utiliser correctement chaque canal de communication. Derrière l'outil, il y a un homme, rarement formé. Prenons l'exemple de la GED (gestion électronique de documents, NDLR). Cela répond à un enjeu de l'entreprise : ne pas avoir cinquante versions d'un document qui circulent par email, limiter les pièces jointes, etc. Mais c'est un outil qui n'est pas évident à appréhender sans une formation. Le problème, c'est qu'on demande à des gens qui ont mis X années à bien appréhender l'email, d'apprendre à utiliser GED, réseau social d'entreprise, messagerie instantanée, etc.
Il y a une réticence au changement, mais elle peut être légitime. L'email est un outil de point à point entre quelques personnes, alors que si on met une ânerie sur un réseau social d'entreprise, ce sera à la vue de tous. Donc ça fait réfléchir les gens.
Vous semblez vous concentrer beaucoup sur les problèmes apportés par email, néanmoins. C'est la principale source de surcharge ?
C'est généralement notre point d'entrée dans une entreprise. La raison est simple : ce sont les emails et les réunions qui cristallisent le plus les problèmes. Chez nos clients, ces problèmes remontent d'eux-mêmes, et nos clients cherchent donc à voir exactement ce qu'il en est, avec les chiffres. Les entreprises sont surchargées, et nous nous sommes rendus compte que les collaborateurs y passent parfois jusqu'à six heures par jour entre la gestion de leurs emails et les réunions. Il faut aussi du temps pour réfléchir, rédiger des documents, travailler dans une entreprise.
Donc oui, le classement quantitatif nous permet de parler d'une surcharge. Par exemple, beaucoup d'emails viennent de l'extérieur d'un département : clients, fournisseurs, autre département qui a besoin d'informations, etc. Donc c'est la principale problématique soulevée par nos clients. Cela dit, il en viennent généralement à demander une prise en compte complète des nouveaux outils, pour avoir une vue à 360° et comprendre. Mais comme les outils 2.0 sont nés plus tard, on a moins de recul, donc les frustrations se focalisent autour de l'email et de la réunion.
Mais tout de même, après toutes ces années, on pourrait légitimement penser que l'email est victime d'un vieillissement technologique, tout simplement...
Pourtant, quand on regarde un outil social comme Facebook, certes destiné au grand public, on se rend compte qu'ils ont intégré une fonctionnalité d'email en interne. On aura toujours besoin de conversations privées, qui ne sont pas sur un mur public. Comme on aura toujours besoin d'un outil déconnecté pour faire transiter de l'information.
Sauf que la promesse de Facebook, c'est d'aller vers une convergence technologique : l'outil doit se charger de déterminer le meilleur canal de communication en fonction de la situation du destinataire (connecté, hors ligne), de la taille du message, du type de message, etc. Est-ce qu'on peut espérer aller vers cette convergence dans l'entreprise ?
C'est vrai qu'on peut travailler sur la convergence, et peut-être que Jive, qui est un équivalent de Facebook dans l'entreprise, y travaille. Mais quand Facebook transforme un message instantané ou un email en SMS parce que le destinataire est déconnecté, est-ce qu'on peut appliquer ce modèle à l'entreprise ? Est-ce qu'il est possible d'envoyer un compte-rendu de réunion, ou un document très lourd sur un projet de R&D, par SMS ? Ce n'est pas forcément utile.
Je ne dis pas qu'une solution clé-en-main ne viendra pas, mais ce n'est pas encore arrivé. Il n'y a qu'à voir Microsoft, grand pourvoyeur de solutions collaboratives : lui-même n'a pas vraiment pris le pli pour l'instant. C'est d'ailleurs assez étonnant : avec le 2.0, et les réseaux sociaux, pour la première fois, on a un outil qui vient du grand public pour s'installer dans l'entreprise.
Après, tous ces outils, comme Jive, sont très bien, mais leur principal problème aujourd'hui, c'est qu'ils ont beau dire que c'est le nouveau moyen de faire du business... Il leur reste toujours à prouver leur ROI. Certes, Jive est plus réactif, plus agile, permet d'échanger moins d'emails, de subir moins de turnover dans l'entreprise en fidélisant plus à une marque d'entreprise... Mais ils ont du mal à montrer leur ROI pour l'instant. Même si je pense que c'est l'avenir, ce ne sera pas forcément en tuant l'email qu'ils se démocratiseront dans l'entreprise.
On l'aura compris, Tryane utilise l'email comme point d'entrée dans l'entreprise, et travaille beaucoup sur ce canal. Quelle est la prochaine étape ? Une prise en compte plus poussée des outils collaboratifs et des réseaux sociaux ?
Nous avons déjà des connecteurs vers des outils 2.0, comme Sharepoint. Pour l'instant, on se concentre beaucoup sur l'email parce qu'on a beaucoup de préconisations à faire dessus, alors que sur les autres canaux de communication, on est surtout un révélateur de ce qui se passe dans l'entreprise. Cela dit, nous travaillons avec des cabinets spécialisés, qui permettent d'aborder ces problèmes sur le plus long terme.
Mais notre prochaine étape, c'est surtout de parvenir à benchmarker la performance collaborative : donner une note, dire pourquoi c'est bien, et pourquoi ça peut améliorer les pratiques pour que ce soit un système vertueux. Pour l'instant, on est un outil de mesure, et on veut devenir un baromètre de la performance collaborative. Nous voulons benchmarker à la fois par rapport aux bonnes pratiques, mais aussi par rapport au marché.
Je vous remercie.