Thierry Ghenassia, bonjour. Parti de la continuité d'activité et de la reprise après sinistre, Sungard AS se positionne désormais sur le terrain plus large de l'infogérance. En quoi le choix de l'externalisation constitue-t-il selon vous une évolution logique des directions informatiques ?
Notre idée a toujours été de proposer aux entreprises une approche d'accompagnement dans une démarche globale. Historiquement, nous assurons ce service sur la continuité d'activité, ce qui nous a permis de comprendre les métiers, leurs besoins et les évolutions auxquels ils sont confrontés.
Pour raisonner de façon globale, il faut comprendre le fonctionnement de l'entreprise selon trois niveaux : les besoins métiers, le cadre réglementaire et enfin l'IT, qui est là pour soutenir les métiers. Dans ce contexte, nous sommes convaincus que la DSI a un rôle à jouer dans l'innovation, qu'elle doit pouvoir apporter en faisant évoluer les processus métiers, quitte à proposer des changements parfois radicaux.
Nous avons eu un exemple récent, avec un DSI dans une boîte d'assurance, qui a proposé à la direction générale d'équiper ses experts d'iPhone ou d'iPad, avec une application dédiée qui leur permet d'entrer directement toutes les informations liées à leurs opérations. Le processus d'expertise est ainsi passé de quelques jours à quelques heures. Ça n'avait pas été demandé par les métiers, qui suivent leur fonctionnement historique depuis des années. La DSI en revanche s'est posé la question de faire évoluer ces processus, en profitant de ce qui existe sur le marché et en cherchant à le tourner à son avantage.
La DSI doit en premier lieu s'aligner sur les métiers, et il est indispensable qu'elle supervise tous les traitements informatiques associés. Ceux sur lesquels elle n'est pas encore d'apporter une valeur ajoutée particulière devraient cependant être externalisés, de façon à concentrer les forces internes sur les métiers. Prenez la finance par exemple : les métiers veulent que l'on sorte de nouveaux applicatifs très rapidement, et c'est le rôle de la DSI. Les aspects récurrents du métier devraient quant à eux être sous-traités et pilotés. C'est le type de services que l'on apporte : infrastructure, gestion de service d'infrastructure et suivi au quotidien, de l'hébergement à toutes les actions en production, ainsi bien sûr que l'infogérance de continuité. Notre discours consiste à dire qu'il est indispensable d'assurer une continuité d'activité, mais qu'il n'est pas forcément judicieux de concentrer les ressources de l'entreprise sur ce terrain.
Le discours est clair, mais il n'est pas foncièrement inédit : bon nombre de spécialistes de l'infogérance promeuvent également cette vision. Pourquoi l'incarner avec Sungard AS plutôt qu'avec l'un de vos compétiteurs ?
Notre différence se fait à trois niveaux. Sur le plan technique tout d'abord, nous proposons la prise en charge de toutes les technologies actuelles, mais aussi passées, ce qui a son importance quand on voit le nombre de grands clients qui utilisent encore du mainframe. Pour englober l'intégralité des problématiques, il faut maîtriser les technologies associées.
Deuxième différenciateur : l'expérience acquise autour de la reprise d'activité. On peut voir le recovery as a service comme une simple technologie, mais ça n'est pas aussi simple. On a mené des centaines de déclenchements à travers le monde et l'on mène au quotidien des centaines de tests. Le troisième niveau est celui du service qui l'un des aspects uniques de Sungard AS, avec une infogérance complète du secours et de la continuité. Derrière ces mots, il y a des processus, qui consistent à gérer la production en période de paix et adapter constamment l'environnement de continuité, de façon à pouvoir gérer les crises le moment venu.
Voilà qui n'est pas sans rappeler la proposition de valeur d'un autre grand spécialiste de la continuité, IBM...
IBM est effectivement capable d'adresser à peu près tous les marchés. En revanche, il existe bien une différence : nous sommes complètement intégrés, là où d'autres font intervenir des lignes de business particulières, chacune dépendant de sa propre direction. Je le dis, mais nos clients le disent aussi : cette intégration historique nous apporte un positionnement différent, qui fait qu'on nous appelle lorsqu'il est question de traiter une problématique d'ensemble.
Dans quelle mesure voyez-vous des opportunités de croissance sur l'infogérance « générique », que certains acteurs sont amenés à abandonner ?
Je vois la croissance sur les services et la gestion d'infrastructure. Les DSI vont se tourner de plus en plus vers les métiers et pour cela, iront s'associer les services de partenaires compétents sur les activités nécessaires mais ne générant pas de valeur ajoutée. L'autre pan de la croissance viendra de la continuité d'activité, parce que les entreprises comprennent que ce service indispensable se traite plus efficacement au quotidien lorsqu'il est infogéré.
En revanche, nous n'aurions pas de relais de croissance si nous étions resté sur le recovery il y a dix ans. Quand on est leader du marché, on a tendance à se fermer la porte de nouveaux développements. Pour éviter ça, il faut justement se tourner vers de nouveaux marchés, mais pas sans un projet global de transformation. C'est ce que Sungard AS a réalisé.
Qui dit transformation dit aussi changement d'état d'esprit. Comment avancer sur ce terrain avec les DSI de vos clients, et quels sont les freins rencontrés ?
La DSI a dans un premier temps besoin de comprendre quelle valeur on est en mesure de lui apporter. Le premier prisme est bien sûr économique, sur la base de calculs de ROI ou de TCO. Elle s'intéresse également à la valeur qu'on va créer pour ses propres services, en lui apportant par exemple les arguments nécessaires à la défense d'un dossier de transformation des processus métiers. Lorsqu'on va voir un client, on lui explique en quoi le fait de nous confier la prise en charge de la gestion des sauvegardes ou de la restauration va se révéler plus efficace, TCO à l'appui, mais on l'aide aussi à voir en quoi cette démarche va lui permettre de miux répondre à tel ou tel enjeu métier. Ça interpelle forcément.
En règle générale, la DSI est plutôt en faveur de l'externalisation, les freins sont souvent ailleurs dans l'entreprise. Dans ce cas, on l'aide à trouver les leviers pour convaincre, puis à argumenter et enfin à réaliser. Nous ne prônons d'ailleurs pas systématiquement l'externalisation. Fin 2013, Sungard AS a commandité une étude relative à la position de la DSI au sein de l'entreprise. Un des résultats montre que les DSI veulent être de plus en plus impliquées dans les décisions de la direction générale et que, de l'autre côté, les directions métier émettent le souhait d'avoir une DSI beaucoup plus présente, plus proche d'elles au quotidien. La DSI a besoin d'un partenaire qui l'aidera à développer cette proximité.
En France, Sungard AS revendique un chiffre d'affaires de 40 millions d'euros en 2013, réalisé à 60% autour des activités de continuité, et à 35% sur la gestion de services d'infrastructure. En avril dernier, Sungard AS a pris son indépendance vis-à-vis de la maison mère Sungard, éditeur de logiciels et de services dédiés au monde financier.