La Poste retire le smartphone à 250 facteurs

Anicet Mbida
Publié le 07 juillet 2015 à 17h04
Quand la transformation numérique se heurte à la grogne syndicale. A La Poste, des craintes sur l'emploi menacent désormais le déploiement des smartphones.

Inventer le facteur de demain grâce aux outils numériques. Telle est l'ambition du projet Factéo de La Poste. Depuis son coup d'envoi en 2012, il vise à équiper l'ensemble des facteurs d'un smartphone. Du coup, plus de paperasse : organisation des tournées, accusés de réception, réexpéditions, scan de colis, signatures... tout est géré sur l'écran d'un mobile. A terme, l'outil servira de berceau aux futurs services de La Poste comme la relève de compteurs ou la visite des personnes isolées.

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En quatre ans, près de 100 millions d'euros auront été investis. Objectif : déployer pas loin de 90 000 smartphones, au moins un par facteur. Mais l'initiative n'est pas au goût de tous. Depuis la genèse du projet, plusieurs syndicats dénoncent « une technologie mise au service de la réduction d'emplois ». En cause, les gains de productivité qui pourraient supprimer des postes sédentaires.

Jusqu'ici cette grogne n'avait que peu d'impact sur les déploiements. Mais début juin, les 250 mobiles distribués dans la plaque de Lisieux (Calvados) ont été retirés aux facteurs après seulement deux mois d'utilisation. La raison ? Une plainte du CHSCT et du syndicat CGT sur « les conditions de sécurité et de santé physique et mentale des personnels concernés ». Avant tout déploiement, les syndicats réclament une analyse d'impact.

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La direction régionale de La Poste a donc dû mandater le cabinet Secafi pour évaluer les conséquences d'une dotation de smarphones sur les conditions de travail. Et dans l'intervalle, elle a préféré retirer les mobiles. Mais l'expertise concerne aussi l'impact sur l'emploi, principal enjeu pour les syndicats. « Le déploiement de ce téléphone et des applications qui vont avec permet à la direction de récupérer 6 minutes par jour et par agent. Ça représente 5,4 emplois à temps plein rien que sur la plaque de Lisieux, alors imaginez à l'échelle nationale » explique Christophe Musslé, délégué CGT.

Aujourd'hui près de 64 000 smartphones ont été déployés sur les 90 000 prévus d'ici la fin 2015. La Poste répète à l'envi que le projet a été co-construit, avec et pour les facteurs. Que deux heures de communications personnelles et des SMS illimités sont autorisés. Et qu'enfin, 92% des utilisateurs sont satisfaits.

Alors le retrait de Lisieux restera-t-il une péripétie locale ? C'est possible. Mais quand on connaît la puissance des syndicats à La Poste et leur hostilité au projet, c'est la transformation numérique de l'établissement qui pourrait être menacée.
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