Contrairement à certaines idées reçues, Internet n'a rien de protéiforme : le réseau repose sur un certain nombre d'infrastructures critiques, au sein desquelles une simple panne peut suffire à bloquer les échanges. La Toile mondiale a connu l'une de ces pannes lundi après-midi. Elle aurait été occasionnée par le redémarrage, partiel ou total, de certains routeurs Juniper, utilisés pour router les échanges entre les réseaux des différents opérateurs de transit, lesquels auraient mal digéré une requête BGP (Border Gateway Protocol, soit le « langage » par lequel communiquent ces machines) inattendue.
L'alerte a été donnée vers 14h50, déclenchant une avalanche de messages sur les listes de diffusion spécialisées. Plusieurs professionnels du réseau font alors état d'une importante baisse de trafic entre leurs infrastructures et celles d'acteurs de très grande envergure comme Level3 ou Tata Communications. Aux Etats-Unis, le fournisseur d'accès Time Warner a même accusé une brève interruption de service sur la majorité de son réseau national, confirmée via Twitter.
De nombreux acteurs semblent avoir été touché par la panne. « Des messages nous indiquent que certains pays n'ont pas accès à #Netvibes », signalait par exemple lundi après-midi le service, là encore via Twitter. Le site downrightnow.com, qui suit la disponibilité de sites populaires, indique également une vague d'interruptions de service dans le courant de l'après-midi.
Rapidement, une explication fait surface : divers professionnels utilisant des routeurs Juniper remarquent une opération de core dump sur leurs machines, signe qu'un crash est survenu.
« Bien qu'il soit encore trop tôt pour une analyse complète, il semble que le problème vienne d'une annonce BGP amusante qui aurait planté (et fait redémarrer) certains routeurs Juniper (apparemment la gamme MX, en version 10.2, 10.3 et certaines 10.4 de JunOS) », propose quant à lui Stéphane Bortzmeyer, spécialiste des réseaux, sur son blog. Juniper n'a pour l'instant pas commenté officiellement l'incident, même si plusieurs acteurs du secteur confirment plancher sur la question avec les ingénieurs de l'équipementier.
Le problème n'aura été que momentané (le temps que les infrastructures concernées redémarrent), mais il aura suffi à entraîner une baisse significative du trafic Internet global. En attendant qu'elle soit parfaitement démêlée, l'affaire aura assurément fait un heureux : Cisco, grand rival de Juniper, qui s'est rapidement payé une publicité sur Twitter, visible en cas de recherche sur le nom de son concurrent, faisant la promotion de ses propres services (et oubliant opportunément de signaler qu'un tel incident est déjà survenu sur des équipements Cisco). « This, Jen, is the Internet ».