© Conseil constitutionnel
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L'institution française considère que la loi porte atteinte à la liberté d'expression. Celle-ci avait été adoptée par l'Assemblée nationale, le 13 mai dernier.

La loi visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet a connu un nouveau rebondissement, pour le moins décisif. Jeudi 18 juin, le Conseil constitutionnel a rendu une décision venant invalider les deux principales mesures édictées par une loi pourtant adoptée par les élus du Palais Bourbon, le 13 mai 2020, mais finalement pas conforme à la Constitution. Un coup dur pour la majorité, qui misait beaucoup sur la proposition de loi portée par la députée LREM Laetitia Avia.

Une entorse à « la liberté d'expression et de communication » pour les Sages du Conseil constitutionnel

Le 18 mai, soit moins d'une semaine après l'adoption de la loi par l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel fut saisi par une centaine de sénateurs (60 députés ou 60 sénateurs suffisent à permettre une saisine de l'institution) pour juger de la constitutionnalité du texte adopté par les députés, qui avait provoqué la gronde de l'opposition (à gauche comme à droite), où l'on voyait en ce projet une loi liberticide.

Les Sages du 2 rue de Montpensier ont donné raison aux détracteurs de la loi Avia, en censurant la quasi-totalité de la loi contre les contenus haineux sur Internet. Sept articles ont ainsi été jugés en leur entièreté contraires à la Constitution, six autres partiellement.

Le Conseil considère que les dispositions de la loi portent atteinte à « à la liberté d'expression et de communication », bien qu'affirmant que celle-ci n'est pas absolue. Les membres de l'institution ont considéré que les dispositions contestées « ne peuvent qu'inciter les opérateurs de plateforme en ligne à retirer les contenus qui leur sont signalés, qu'ils soient ou non manifestement illicites », ce qui encouragerait ainsi une potentielle censure, notamment pour les éditeurs et plateformes qui n'ont pas les moyens de modérer à toute heure ou à tout instant.

Une loi à réécrire presque entièrement : le gouvernement se réserve la possibilité de la retravailler

Principale mesure de la loi, l'obligation imposée aux opérateurs de plateforme en ligne de retirer ou de rendre inaccessible en moins de 24 heures tout contenu manifestement illicite (à caractère sexuel ou haineux) signalé n'a pas eu les faveurs du Conseil constitutionnel, au sein duquel on retrouve l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing ou encore les anciens chefs du gouvernement Alain Juppé et Laurent Fabius.

De même, les Sages n'ont pas validé le délai d'une heure laissé par le texte à l'hébergeur ou l'éditeur d'un site pour retirer un contenu pédopornographique ou faisant l'apologie du terrorisme. La condamnation pénale venant sanctionner un opérateur ou hébergeur de 250 000 euros d'amende et d'une peine d'un an d'emprisonnement pour non-respect de l'obligation de retrait du contenu illicite a également essuyé la censure du Conseil, tuant ainsi le délit de non-retrait tant défendu par le gouvernement et sa majorité.

Valérie Boyer, député Les Républicains (LR) des Bouches-du-Rhône, a salué « une victoire pour nos libertés », tandis que le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, a ironisé en affirmant qu'« il n'y a quasiment que le titre qui est constitutionnel ». Celle qui aura porté le projet de loi, Laetitia Avia, a rappelé face au désaveu du Conseil constitutionnel sa « détermination à lutter contre les discours de haine », qui « reste entière ». Jeudi soir, le gouvernement a pour sa part déclaré dans un communiqué « prendre acte de la décision » et se réserve la possibilité « de retravailler ce dispositif ».