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La haute juridiction administrative s'est prononcée contre l'utilisation de caméras thermiques au sein d'établissements scolaires, estimant que le droit au respect de la vie privée n'est pas pleinement assuré par la technologie.

La vidéo surveillance et la reconnaissance faciale sont depuis plusieurs mois au cœur des préoccupations de certaines associations, mais la crise de coronavirus a propulsé sur le devant de la scène l'usage des caméras thermiques, qui permettent de relever la température d'individus. Le Conseil d'État, saisi par la Ligue des droits de l'Homme, s'est prononcé sur l'installation de la technologie dans la commune de Lisses (Essonne), dans une décision rendue le 26 juin 2020, qui pourrait bien faire jurisprudence.

Le Conseil d'État distingue les caméras installées dans les écoles de celle du bâtiment municipal

Le 17 avril, en plein confinement, la commune de Lisses avait décidé d'installer une caméra thermique fixe à l'entrée d'un bâtiment municipal de la commune, et des modèles portables déployés dans les bâtiments scolaires et périscolaires, de façon à contrôler la température corporelle de celles et ceux qui y circulent.

La Ligue des droits de l'Homme avait alors demandé le retrait de ces caméras devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles ainsi que la suspension de la décision du conseil municipal. La demande fut rejetée le 22 mai 2020 par le juge administratif, ce qui avait ainsi conduit l'association à saisir le juge des référés du Conseil d'État.

La plus haute juridiction administrative, elle, a séparé l'usage des caméras mobiles installées dans les écoles de celle qui se trouvait dans le bâtiment municipal. Dans son ordonnance, le Conseil d'État a considéré que l'usage d'une caméra thermique fixe n'est pas obligatoire, et que les personnes qui y pénètrent ne sont ainsi pas soumises à la prise de température. Et la juridiction d'ajouter que les données personnelles des citoyens ne font ici l'objet d'aucun traitement au sens du RGPD. Ce qui signifie qu'il n'y a aucune collecte de données personnelles. Le juge a ainsi décidé de rejeter la demande de retrait de cette caméra fixe.

Les caméras thermiques mobiles entraînent un traitement des données que le Conseil d'État juge « incompatible » avec le respect de la vie privée

La situation est différente en ce qui concerne les caméras thermiques portables utilisées dans les écoles. Ici, le juge des référés a constaté que les élèves, les personnels et les enseignants ont l'obligation de se soumettre à la prise de température pour pouvoir pénétrer dans leur établissement. Tout résultat non conforme autorisant l'école à refuser l'accès à la personne ou à l'enfant.

Le Conseil d'État estime que la collecte de données de santé provoquée par l'usage des caméras thermiques mobiles des écoles constitue « un traitement automatisé de données personnelles au sens du RGPD ». Tant qu'aucun texte ne justifie l'utilisation de la technologie pour des raisons de santé publique et que les élèves et le personnel n'ont pas donné de consentement clair et précis, un tel dispositif ne peut pas être autorisé, aux yeux du Conseil d'État.

Considérant qu'elle a porté atteinte au droit au respect de la vie privée du personnel et des élèves, le Conseil d'État a ordonné à la commune de Lisses de mettre fin à l'usage des caméras thermiques.