Voitures et montres connectées n'échapperont pas à la publicité

Thomas Pontiroli
Publié le 19 mars 2015 à 16h54
Dans un monde où tous les objets partagent le même ADN « numérique », rien n'empêchera a priori les marques de récolter les données de leurs clients « connectés », et de leur adresser des publicités.

Ce n'est pas de la science fiction, le projet est bien engagé et va voir le jour : Renault va transformer ses prochains véhicules en « nouveaux canaux marketing », au même titre que les smartphones. Maintenant que les systèmes d'info-divertissement commencent à ressembler à des tablettes (Apple CarPlay) et qu'ils se connectent à Internet, la voie s'ouvre pour les publicitaires. Montres et téléviseurs sont aussi dans le viseur.


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La publicité à bord devrait plutôt prendre la firme de services liés à l'auto. - Crédit : Apple.


L'un des acteurs à investir ce nouveau champ est Adobe, avec sa suite Marketing Cloud. Celle-ci s'est dotée de plusieurs fonctions permettant par exemple aux enseignes de mesurer l'activité de leurs visiteurs avec des balises bluetooth (beacons), ou d'amener des contenus interactifs (images, modèles interactifs 3D, vidéos, etc.) dans des lieux physiques comme les magasins, les hôtels ou encore les distributeurs de banque.

François Laxalt, directeur marketing chez Neolane (la brique de gestion de campagnes marketing chez Adobe), nous explique à l'occasion du salon E-commerce One to One de Monaco que l'Internet des objets est un nouveau canal au même titre, par exemple, que le courrier, l'e-mail ou les bannières. Il reconnaît que le terme « Internet des objets » est un « mot-buzz » mais que derrière, il y a une tendance inéluctable. Seront concernés en premier lieu les voitures, les montres, les bracelets, les téléviseurs et aussi... les jeux vidéo.

« Des tests massifs sont menés aux États-Unis sur les TV connectées où les annonceurs parviennent à diffuser des publicités différentes par quartier, car ils ont segmenté leur audience de cette façon », indique François Laxalt. Pour l'instant, charge aux fabricants de décider si leurs « objets connectés » peuvent être exploités à des fins publicitaires ou pas. Adobe lui, mettra à jour la liste des produits compatibles dans son logiciel.

« Il y aura des abus au début »

Un certain nombre d'annonceurs avaient commis l'erreur d'imiter leur stratégie marketing Web lorsqu'ils se sont mis aux smartphones. Sur une montre connectée, le format qui semble se dessiner naturellement est la notification « push ». Pour le directeur marketing de Neolane, « la montre connectée est le dispositif idéal pour consulter une information rapidement et simplement sans avoir besoin de sortir son smartphone ».

Voici un scénario de publicité sur montre qu'imagine François Laxalt : « Vous passez devant un magasin et avez 2 400 points de fidélité. Pour avoir -20% sur une famille de produits qui vous plaît il vous en manque 100. Alors votre présence est détectée via le beacon et la montre vous invite à entrer en boutique. » Il reconnaît ensuite que les marketeurs devront veiller à ne pas harceler les gens. En fait, cela arrivera...

« Il y aura des abus au démarrage, comme avec tous les canaux », pense-t-il, illustrant son propos par l'e-mail et les spams. Mais au-delà du contrôle de la pression publicitaire - l'un des trois enjeux de ce marketing devenant définitivement multicanal - Adobe ajoute un point de vigilance sur la cohérence du message. Cela imposera une très bonne exploitation des données des utilisateurs et surtout, de le faire en temps réel.

Il faudra fixer une règle par canal

Les conséquences peuvent être catastrophiques pour une marque. « Je suis passionné de marketing mais je suis aussi un consommateur et ma première réaction si je pénètre dans le Forum des Halles et que toutes les boutiques se mettent à faire sonner ma montre sera de l'irritation et de tout désactiver », concède François Laxalt. Il appelle les marketeurs à créer des règles particulières pour chaque canal de communication.

Techniquement cela paraît difficile. Jusqu'à récemment encore, les annonceurs et les prestataires du ciblage publicitaire avaient toutes les peines du monde à ne pas perdre la trace d'un internaute qui passe d'un PC à une tablette. En 2015, la situation s'est améliorée et grâce aux identifiants uniques des environnements iOS et Android et à la technique du « fingerprinting », il est possible de suivre quelqu'un sur tous les canaux.

Dans la mesure où une montre, de même qu'un système embarqué d'automobile, reposent sur des bases très proches, pour ne pas dire identiques, il suffira de réutiliser cette méthode pour suivre les internautes. De cette façon, les annonceurs tenteront d'éviter d'adresser deux fois le même message à la même personne.

La Cnil va avoir du pain sur la planche

Le respect de la vie privée est le troisième enjeu le plus important de cette « mutation ». Il n'est pas certain que la Cnil autorise n'importe qui à récolter n'importe quelle donnée. Mais on l'a vu récemment avec les applications Android : fermez la porte et les annonceurs passent par la fenêtre. Si tous les objets connectés ne seront pas aptes à afficher un message (comme un thermostat), ils ne seront pas pour autant exclus.

« On pense souvent du point de vue de l'utilisateur mais si l'on regarde avec les yeux de l'annonceur, ce qui l'intéresse le plus est la donnée », rappelle François Laxalt. En récoltant le plus d'informations possible remontées par les objets, les marques pourront encore mieux connaître les usages et les monétiser.

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