Le protocole est le seul capable de maintenir l'expansion du net à terme, face à la pénurie d'adresses IPv4, depuis 2019.
L'Autorité de Régulation des Communications Électroniques, des postes et de la distribution de la Presse (ARCEP) a publié, vendredi 4 décembre, son baromètre annuel de la transition vers IPv6, porté cette année par la task-force co-pilotée avec Internet Society France. En un an, moment où le registre régional qui attribue les adresses IP pour l'Europe notamment (RIPC NCC) annonçait la pénurie effective d'IPv4, les opérateurs de télécommunications semblent avoir fait des efforts sur le fixe. Le régulateur pointe davantage du doigt le retard des hébergeurs.
L'IPv6, un déploiement pas si simple…
Le premier constat fait par l'ARCEP, assez général, tient à expliquer que la majeure partie des acteurs encouragent l'écosystème d'Internet à pousser en faveur de la transition vers IPv6, qui aujourd'hui demeure la seule réponse pouvant compenser l'épuisement des adresses IPv4 (4,3 milliards au total). Et cela tombe bien, car le potentiel des adresses IPv6 est sans limite ou presque : on peut en effet compter sur 667 millions d'IPv6 pour chaque millimètre carré de surface terrestre.
Bien que la transition vers IPv6 a officiellement débuté en 2003, elle n'est toujours pas pleinement effective. Car celle-ci doit s'effectuer en deux phases : d'abord en parallèle d'IPv4, c'est ce que l'on appelle la « phase de cohabitation ». Puis, en remplacement total d'IPv4, une fois que chaque acteur aura migré, et c'est ce que l'on appelle la « phase d'extinction ».
Alors où en sommes-nous aujourd'hui ? Au niveau mondial, la France a fait des progrès, et pointe désormais à la 10e place en termes d'utilisation d'IPv6, le tout en se basant sur les données accessibles et proposées par Google, Facebook, Akamaï et l'APNIC. Sur le plan européen, la France est 5e. Concernant les différents acteurs, les disparités sont réelles.
Free, quasi-parfait sur le fixe…
Les opérateurs de télécommunications n'ont pas reçu les félicitations du jury, mais plutôt des encouragements. Dans leur rôle de fournisseurs d'accès à Internet (fixe), les quatre opérateurs français vont de l'excellent au catastrophique. Free, par exemple, affiche un taux de clients activés en IPv6 de 99 %. Orange descend à 75 %, avec un taux de 97 % sur le FttH (fibre optique) mais qui n'est que de 66 % en xDSL. Bouygues Telecom suit loin derrière, avec 28 % (32 % en xDSL, 25 % en fibre optique).
« L'IPv6 activé » fixe, c'est quoi ? 🤔
Un client est dit « IPv6 » activé dans le cas où sa box émet et reçoit du trafic en IPv6, soit par une activation manuelle de sa part, soit grâce à l'activation par l'opérateur.
L'IPv6 activé est à distinguer du client dit « IPv6-ready » si le consommateur a la possibilité de lui-même activer l'IPv6 sur sa box.
Avec 1,6 % de ses clients activés en IPv6, SFR porte le bonnet d'âne et accuse un retard colossal. L'ARCEP prévoit que l'opérateur au carré rouge n'atteindra les 10 à 20 % de clients activés avec le protocole que d'ici mi-2023. Chez SFR, le taux a même baissé entre 2019 et 2020 ! L'opérateur est invité « à accélérer fortement sa transition vers IPv6 sur son réseau fixe (…) et à entamer cette transition sur le câble ». L'opérateur pourrait, sur conseil du régulateur, activer par défaut l'IPv6 pour ses clients.
… délaisse l'IPv6 mobile, au contraire de Bouygues Telecom
Sur le terrain du mobile, le déploiement d'IPv6 a pris beaucoup plus de retard que sur le fixe. Et les disparités entre les opérateurs sont encore une fois à l'extrême. Meilleur élève, Bouygues Telecom a sérieusement renforcé son déploiement sur les réseaux mobiles. 87 % des clients Android ont opéré leur transition vers IPv6, et 98 % des clients iPhone. Chez Orange, ces taux tombent à 35 % pour les clients Android et 60 % pour les clients iPhone.
« L'IPv6 activé » mobile, c'est quoi ? 🤔
L'IPv6 activé est à distinguer du client dit « IPv6-ready » si le consommateur a la possibilité de lui-même activer l'IPv6 sur son smartphone.
Un client est dit « IPv6 » activé dans le cas où le mobile émet et reçoit du trafic en IPv6, soit par une activation manuelle de sa part, soit grâce à l'activation par l'opérateur.
Les choses sont en revanche plus problématiques pour SFR et surtout Free. Concernant l'opérateur au carré rouge, celui-ci affichait un taux de 0,2 % à la mi-2020. Mais il a prévu d'atteindre 100 % de clients IPv6-ready d'ici la mi-2021, sur Android et sur iPhone. Free, de son côté, n'a tout simplement pas entamé la transition de son réseau mobile, et n'a pas fourni à l'ARCEP la moindre prévision. Ce que l'autorité regrette tout particulièrement.
Les hébergeurs ne suivent pas le mouvement
Les hébergeurs de sites web, eux, semblent avoir encore un gros travail à faire. Le taux de sites disponibles en IPv6 n'atteint que les 17,9 %, sur les 3,62 millions de sites web avec des noms de domaine en .fr, .re, .pm, .yt, .tf et .wf. Si les choses s'améliorent depuis 2015 (10,5 % des sites étaient alors accessibles en IPv6), la transition est encore loin et l'ARCEP souhaite que les hébergeurs accélèrent le mouvement.
Ionos 1&1 (78,3 %) et Cloudflare (98 %) sont les meilleurs élèves en la matière. OVHcloud (6,7 %), Scaleway (10,3 %), Google (5,4 %), Amazon (11,1 %) progressent légèrement, mais leur taux est encore très faible, le protocole IPv6 n'étant pas activé par défaut.
Source : ARCEP