Loin des opérateurs, mais au détriment des consommateurs, a lieu une féroce bataille judiciaire entre les acteurs des antennes téléphoniques, pour qui chaque pylône compte.
Des conflits juridiques ont lieu un peu partout : en Alsace, en Bretagne, et même dans la Drôme. Le groupe Valocîme, nouveau venu sur le marché des infrastructures passives de télécommunications, appelées les TowerCo, mène une guerre sans merci contre les acteurs déjà installés sur ce marché, parmi lesquels TDF qu'il vient de faire condamner en appel. L'enjeu ? Récupérer ou installer des pylônes diffusant téléphonie mobile, radio et télévision en écartant la concurrence. Sauf que cette guerre fait des victimes collatérales : les utilisateurs finals.
Valocîme mène la vie dure à ses concurrents pour les écarter de partout en France
À Léoncel, dans la Drôme, le groupe Valocîme a d'abord acquis un bail sur une parcelle de terrain avant d'obtenir gain de cause face à son concurrent TDF, prié de quitter les lieux. Cet acteur majeur des pylônes hébergeant les antennes mobiles exploite, sur place et depuis des années, l'un des pylônes qui diffusent notamment le réseau mobile. Il a désormais jusqu'au mois de mai pour trouver un nouvel emplacement, en démontant au passage son infrastructure, comme le rapportent nos confrères de L'Informé.
TDF a déjà dû plier bagage une dizaine de fois. Certes, l'entreprise héberge encore 8 000 pylônes (18 000 il y a quelques années), mais Valocîme est prêt à faire tomber la statistique. 200 référés sont en cours contre TDF ainsi que d'autres propriétaires de colonnes.
Comment s'y prend Valocîme ? L'entreprise, soutenue par un fonds d'investissement américain surpuissant (KKR), réserve généralement la reprise d'un bail avant son terme, auprès d'un particulier, d'un bailleur social ou d'une mairie. Une fois que le bail arrive à son terme, l'entreprise demande à la société concurrente, qui exploite déjà un pylône, de lui céder l'installation à prix coûtant, ou alors de démonter cette dernière pour qu'elle puisse y bâtir la sienne.
Entre le montage et le démontage des infrastructures : une qualité de service qui diminue, au grand dam des usagers
Les équipes de Valocîme ne chôment pas : la société aurait signé 2 023 baux, réservés ou déjà acquis. Pour faire mouche, Valocîme propose aux mairies de leur payer un loyer beaucoup plus élevé (jusqu'à 17x plus important) que celui des concurrents. Aux opérateurs télécoms, la firme propose de réduire le loyer qu'ils paient pour exploiter le pylône d'environ 20 %. Rappelons qu'autrefois, ce sont les opérateurs qui étaient propriétaires de ces colonnes.
Il se trouve que malgré des arguments économiques plutôt attractifs, aucun des quatre grands opérateurs ne lui a encore serré la main. Orange exploite toujours ses propres infrastructures grâce à sa filiale Totem, et SFR, Bouygues Telecom et Free font toujours confiance à Cellnex ou ATC, qui ont racheté leurs tours en échange de quelques milliards d'euros.
Alors, pour ignorer Valocîme une fois poussés dehors, TDF, ATC et Cellnex conservent leurs clients opérateurs et essaient de déménager un peu plus loin. Souvent, cela fonctionne, mais il arrive que les changements affectent la couverture du réseau mobile, du moins le temps que les installations soient mises en place, ce qui dessert les habitants à proximité des conflits. À Brest, à Heiligenberg (Alsace), mais aussi en Savoie, on s'inquiète, Valocîme multipliant l'acquisition de baux.
Aujourd'hui, les TowerCo demandent à ce que la loi soit respectée, dans le sens où elle impose aux maires de n'accueillir un acteur que s'il est déjà sous contrat avec un opérateur mobile. Ce qui n'est pas le cas avec Valocîme. Une circulaire devrait être diffusée sur le plan local pour rappeler aux maires le cadre juridique. L'entreprise demande aujourd'hui la portabilité des infrastructures (qui permettrait plus facilement de passer d'un TowerCo à un autre sur la même parcelle). En Italie, les propriétaires de pylônes ont, à la fin d'un bail, un droit de préférence pour conserver le toit ou la parcelle de terrain qu'ils occupent. Peut-être un modèle à suivre.
Source : L'Informé