Comment Tinder est utilisé en Ukraine pour combattre l'invasion

Bien qu'une grande partie de l'équipement utilisé par l'armée russe date de plusieurs décennies, le conflit en cours reste fermement ancré dans notre époque.

Tinder est l'une des applications de rencontre les plus répandues, et elle fait désormais partie intégrante du quotidien de millions de personnes à travers le monde. À tel point que des profils de soldats russes sont apparus dans des villes ukrainiennes occupées. Si cela peut paraître incongru, certains internautes y voient l'occasion de participer activement à l'effort de guerre.

Trianguler les positions russes grâce à Tinder

L'application de rencontre permet de modifier sa géolocalisation, ce qui donne l'occasion de discuter avec des personnes du monde entier. Habituée à le faire pour le plaisir, une étudiante qui se trouvait en Europe a eu la curiosité de se placer à Belgorod, en Russie. Elle a rapidement compris qu'elle pouvait recueillir des informations utiles auprès de ses interlocuteurs. Elle explique :

J'ai créé un nouveau faux profil féminin avec des photos tirées de Google, légèrement photoshopées pour qu'elles ne puissent pas faire l'objet d'une recherche inversée ou être identifiées. J'étais maintenant une jolie fille d'un pays anglophone, étudiante en médecine vétérinaire, aimant l'airsoft et pro-russe.

En plus de dialoguer directement avec les soldats, elle a également détourné une fonctionnalité bien précise de l'application. En effet, comme il est possible de savoir à quelle distance se trouvent les autres utilisateurs, elle a placé un second compte à un autre endroit pour essayer de trianguler leur localisation. Une fois toutes les informations réunies, l'étudiante les communique aux autorités ukrainiennes par e-mail ou par un compte Telegram. Au total, plus de 70 profils ont été piégés. Cependant, elle se confie :

C'était difficile de savoir que je les utilisais, que j'allais les trahir, en essayant de provoquer leur échec ou même leur mort. C’était comme une de ces décisions morales difficiles que l'on prend dans les jeux vidéo, ça semblait surréaliste.

Des rencontres pour sensibiliser directement les populations

Une guerre ne se déroule pas uniquement sur les champs de bataille, mais également dans l'esprit des soldats et des citoyens. Ainsi, s'il est avéré que la Russie pratique la désinformation et la censure sur les réseaux sociaux et les médias traditionnels, les techniques sont un peu plus inédites du côté ukrainien.

Ainsi, les commentaires sur des posts Instagram ou les avis Google sur les restaurants russes deviennent des plateformes pour informer les Russes sur la guerre. Des milliers de personnes participent à cet effort, y compris les hacktivistes d'Anonymous, qui proposent de publier la critique suivante sur des restaurants en Russie : « La nourriture était excellente ! Malheureusement, Poutine nous a coupé l'appétit en envahissant l'Ukraine. Tenez tête à votre dictateur, arrêtez de tuer des innocents ! Votre gouvernement vous ment. Levez-vous ! »

Une influenceuse lituanienne, Agnė Kulitaitė, a pour sa part encouragé sa communauté à télécharger Tinder et Badoo, l'application de rencontre la plus populaire en Russie, pour alerter sur la réalité de la guerre. Là encore, l'idée est de modifier sa géolocalisation pour pouvoir échanger directement avec la population. L'influenceuse déclare ainsi sur un post Instagram : « Utilisons aussi nos magnifiques profils d'applis de rencontre de manière informative ! »

Certains doutent de l'efficacité de ces approches, car il peut être compliqué de savoir où se situe réellement l'opinion de la population, mais surtout parce que la répression de l'État russe peut se montrer très brutale envers ses opposants. Cependant, le numérique et Internet constituent un nouveau casse-tête pour les stratèges militaires, et des soldats russes se sont déjà vu retirer leur téléphone avant de partir au front. En effet, ce n'est pas la première fois que certains d'entre eux donnent par inadvertance des informations sensibles en ligne. Les services de renseignement britanniques avaient déjà pu collecter des données sur les plans de guerre de l'État russe grâce à Grindr.

Source : Huck Magazine