Se voulant un observatoire mondial des nouveaux usages et pratiques du monde numérique, le forum NetExplo, qui se tient au siège de l'Unesco à Paris les 14 et 15 février, est une bonne occasion de repérer des innovations qui façonneront probablement les usages de demain. C'est d'ailleurs le leitmotiv de l'organisateur de l'événement, Thierry Happe : se focaliser sur les usages, et pas uniquement les technologies.
Comme chaque année, le rendez-vous sert d'abord à esquisser les grandes tendances pour l'année en cours. Professeur à HEC, Julien Lévy est venu présenter l'étude NetExplo Trend Report 2013, dont l'ambition est de « détecter et comprendre les grandes tendances du numérique et leur influence sur les styles de vie ». Parmi les thèmes marquants identifiés, il y a le cloud, mais différents types de cloud : « le bienveillant pour les objets, pour les personnes, celui qui conseille, mais aussi celui qui flique, et qui surveille. ». Des concepts que Julien Lévy illustre avec une sélection de start-up repérées par NetExplo.
Le « cloud care », ou bienveillant, « prend soin de vous à distance, ou de vos objets ». C'est le cas de la jeune société Smart Hand Pumps qui, grâce à ses pompes à eau connectées, permet à certains Kenyans d'être alertés lorsqu'une d'elle tombe en panne, afin qu'elle soit plus rapidement réparée - un problème récurrent dans le pays. Mais les applications à distance s'intéressent aussi à l'état de santé de la personne. Avec Cardiopad, un professionnel de santé peut aider au diagnostic cardiaque d'un patient distant, à l'aide d'un cardiologue qui peut se trouver à l'autre bout du monde.
La start-up belge CareSquare utilise elle aussi la tablette, mais dans le but de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées. Sébastien Rousseaux, son fondateur, explique avoir observé sa grand-mère lorsqu'elle utilisait une tablette. Si l'utilisation s'avérait plus simple comparé au PC, il a remarqué que l'interface devait encore être simplifiée. Il a eu l'idée d'une tablette rassemblant uniquement les fonctions essentielles comme : webcam, messagerie, agenda, partage de photos, afin d'éviter l'isolement.
Mais ça n'est pas tout. L'outil sert aussi au suivi médical à distance pour certaines pathologies comme le diabète, l'hypertension ou les maladies pulmonaires. Le tout grâce à une liaison Bluetooth entre la tablette et les différents appareils médicaux.
Julien Lévy a poursuivi sa présentation en évoquant ce qu'il appelle la « crowd opinion », soit l'ensemble des avis des internautes, ou de son réseau. Par exemple, C&A propose aux clients de voter en ligne pour un produit, cette information est ensuite transmise sur le point de vente sur le cintre. Une application jugée « bienveillante », elle aussi, par l'orateur. Convaincu que « la technologie est là pour votre bien », Julien Lévy indique qu'elle peut induire une surveillance, mais positive - si elle est consentie.
Il y a aussi le « cloud cop », qui surveille. Afin de « sécuriser l'individu », Fight Back utilise l'ubiquité du smartphone pour alerter cinq proches de son réseau sur différents canaux via une simple pression sur un bouton (après avoir lancé l'application) en cas d'incident. Dans la même veine, Twitcident est parti du constat que Twitter était fréquemment sollicité en cas de problème. Mais que cet usage générait beaucoup de bruit duquel il était difficile d'extraire les bonnes informations. Cette application permet le retraitement des tweets en enlevant le bruit pour donner de l'intelligence à cette surveillance, pour les secours par exemple.
A des fins marketing cette fois, et tout le monde ne sera pas aussi enthousiaste que Julien Lévy, à commencer probablement par la Cnil, des solutions telles que NeoFace - au Japon - sont capables de filmer une foule et d'identifier l'âge approximatif, le sexe, et si la personne est déjà venue dans une enseigne. Lorsqu'on passe en caisse, le système devient alors capable d'affiner l'identification. FaceDeals filme quant à lui tous les gens entrant dans un magasin, fait le lien avec Facebook, et lorsque l'image captée correspond à un profil, l'individu reçoit, avec son accord, des offres commerciales.
Côté ressources humaines, PayRoll Hero analyse l'expression faciale des salariés pour déterminer s'ils sont heureux, s'ils s'ennuient, ou s'ils sont épanouis... L'application peut servir à identifier les salariés qui auraient besoin d'aide afin d'agir en conséquence, mais on imagine aussi quels pourraient en être les usages détournés.
Si la tendance de l'e-santé génère à l'évidence des projets capables de démocratiser par exemple certaines pratiques médicales auprès de populations qui n'y ont pas accès, les évolutions relatées ne sont pas toutes aussi enthousiasmantes pour l'individu dès lors que l'on s'aventure sur le terrain du webmarketing. Le débat autour de la protection de la vie privée et des données personnelles n'est pas près de se tarir.