Dans un rapport publié en début de semaine, et face à la crainte de dérives et de non-respect des droits fondamentaux, la Défenseure des droits appelle au strict encadrement des données biométriques et des technologies et appareils censés les décoder, comme les caméras de surveillance.
Comme le rappelle la Défenseure des droits Claire Hédon, les données biométriques sont aujourd'hui légion. Reconnaissance faciale, évaluation des émotions, reconnaissance vocale… L'autorité administrative indépendante (AAI), dans un rapport rendu public le 20 juillet, soulève les « risques considérables » que ces technologies biométriques font peser sur les droits fondamentaux. Elle redoute, notamment, la discrimination potentielle qui peut en découler. Se joignant à la communauté scientifique et aux critiques, déjà nombreuses, envers ces technologies, elle milite pour la mise en place de garanties fortes pour s'assurer du respect des droits fondamentaux des individus.
Une utilisation déjà bien ancrée des technologies biométriques
Ce qui suscite en premier lieu l'inquiétude de la Défenseure des droits, c'est l'utilisation déjà très importante des technologies biométriques. Regroupées sous trois systèmes divers (authentification, identification et évaluation), on les utilise parfois quotidiennement, qu'il s'agisse du déverrouillage de son mobile, de l'identification d'une personne suspecte au sein de la foule ou de l'analyse des émotions d'un candidat faisant face à un potentiel employeur, lors d'un entretien d'embauche.
« L'identification implique la collecte de données sensibles, parfois à une échelle extrêmement importante » note l'autorité, alarmée par le fait que l'on ne puisse pas savoir, au préalable, si la personne recherchée est présente ou non parmi les individus examinés. Ce point, ajouté à celui de la catégorisation de l'individu par l'identification des traits de personnalités, préoccupe la Défenseure des droits.
Un faible taux d'erreur aux grandes conséquences discriminatoires
Les technologies biométriques font, pour l'AAI, peser des risques considérables d'atteintes aux droits fondamentaux, comme la vie privée et la protection des données. Elle rappelle que ces systèmes restent, par nature, probabilistes. Il en découle ainsi une remise en question de leur fiabilité de résultat, puisqu'ils sont fondés sur un pourcentage de correspondance ou de risque.
Ici, la Défenseure des droits vise plus particulièrement les caméras de surveillance utilisées sur la voie publique, dans les parties communes de bâtiments, dans les transports publics, mais aussi les drones. Leur utilisation à des fins d'identification, ces dernières années, pose question et favorise les discriminations. « Parce qu’elles ciblent le plus souvent les caractéristiques des individus qui les exposent à des discriminations (origine, sexe, identité de genre, apparence physique, état de santé, handicap, âge..), les technologies biométriques (…) et la généralisation de leur usage sont susceptibles de perpétuer, voire d’amplifier, pour certains groupes sociaux, les discriminations systémiques opérant au sein de la société » précise l'autorité.
La Défenseure des droits, Claire Hédon, s'inquiète du taux d'erreur des outils biométriques (mêmes si elle reconnaît que le taux de précision reste proche des 100 %) qui peut générer des discriminations aux conséquences fâcheuses, pouvant aller du refus d'accès physique à un événement ou à un lieu, à une arrestation abusive et erronée par les autorités de police. Une inquiétude partagée par la CNIL, notamment.
La Défenseur des droits milite pour l'interdiction de la reconnaissance faciale par les caméras piétons et de surveillance
Partant du principe que l'accès aux droits doit rester garanti pour tous, l'autorité administrative indépendante distille plusieurs recommandations pour tenter de sensibiliser sur les questions de reconnaissance faciale et de surveillance.
Elle milite ainsi pour écarter les méthodologies d'évaluation non pertinentes et pour mettre en place des garanties fortes et effectives pour s'assurer du respect des droits des individus. La Défenseure des droits voudrait que l'interdiction de l'utilisation des logiciels de reconnaissance faciale par les drones de police soit étendue aux systèmes de surveillance existants. Cela comprend les caméras de surveillance et les caméras piétons.
L'autorité souhaite que l'utilisation de dispositifs biométriques ne restent qu'une possibilité proposée à l'usager, et non une obligation, afin de limiter au maximum les conséquences discriminatoires.
Source : Défenseur des droits