Reconnaissance faciale

Au Royaume-Uni, des militants ont remporté une bataille judiciaire face à la police du sud du pays de Galles (South Wales Police, ou SWP) concernant l'utilisation de la reconnaissance faciale.

Selon Liberty, un groupe de défense des droits civiques, la décision est une « première mondiale » dans la lutte contre un « outil de surveillance oppressif. »

Un logiciel de reconnaissance testé depuis 2017

Le contexte de l'affaire débute en 2017, lorsque la South Wales Police commence à tester une technologie de reconnaissance faciale automatisée (AFR) sous la forme d'un logiciel baptisé AFR Locate. Entre mai 2017 et avril 2019, la SWP aurait ainsi utilisé ce logiciel à une cinquantaine de reprises, dans divers événements publics du Pays de Galles.

Le logiciel a été utilisé conjointement avec un fichier listant entre 400 et 800 personnes recherchées. Des individus évadés ou soupçonnés d'avoir commis un crime, mais aussi des personnes sous protection ou susceptibles d'avoir des informations utiles aux services de police.

En décembre 2017, puis en mars 2018, Edward Bridges, un militant des droits civiques, a été filmé et enregistré alors que son nom n'apparaissait pas sur la liste des personnes recherchées. Bien que les images aient été effacées « immédiatement après », l'homme les a perçues comme une infraction, jugeant AFR Locate comme « non compatible avec l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme sur le droit au respect de la vie privée, de la législation sur la protection des données et du devoir d'égalité du secteur privé (Public Sector Equality Duty, ou PSED). »

Des soupçons de discrimination

Durant des mois, la cour divisionnaire a rejeté la démarche d'Edward Bridges. Mais l'homme, qui a par la suite reçu l'aide de l'organisation Liberty, a finalement obtenu gain de cause.

D'après un communiqué publié par le tribunal, celui-ci ne semble pas tant avoir condamné les vidéos d'Edward Bridges que le cadre d'utilisation d'AFR Locate et les données qu'il choisit d'enregistrer. Le cadre juridique ne fournirait pas d'indications suffisamment claires sur les lieux où le logiciel pouvait être utilisé, ni sur le type de personnes pouvant être placées sur la liste de surveillance.

Edward Bridges avait bâti son recours en appel sur cinq motifs. La cour de justice lui a donné raison sur trois d'entre eux. L'un d'eux accuse le logiciel de faire preuve de discrimination. Le texte précise ainsi : « M. Bridges a fait valoir que la SWP avait enfreint le PSED car elle n'avait pas considéré la possibilité qu'AFR Locate puisse produire des résultats discriminatoires en raison du sexe et/ou de la race, car il produit un taux plus élevé de correspondances positives pour les visages féminins et/ou pour les Noirs. »

Pour Megan Goulding, avocate de Liberty, « ce jugement est une victoire majeure dans la lutte contre la reconnaissance faciale discriminatoire et oppressive. » Elle ajoute : « Il est temps que le gouvernement reconnaisse les graves dangers de cette technologie intrusive. La reconnaissance faciale est une menace pour notre liberté - elle doit être interdite. » Si la SWP a déclaré qu'elle ne comptait pas faire appel de la décision, elle dit néanmoins rester déterminée à utiliser « prudemment » la technologie.