Réalisé par un américano-israélien, le court-métrage The Innocence of Muslims - L'innocence des Musulmans - qui dépeint Mahomet comme un coureur de jupons, approuvant au passage la maltraitance des enfants - suscite de très violentes réactions en Egypte et en Libye, où la population le juge comme blasphématoire. Mardi, l'ambassadeur américain en Libye Chris Stevens a succombé à une attaque contre le consulat, situé à Benghazi.
Uniquement disponible sur Internet, cette vidéo est entre autre diffusée sur Youtube : face à la situation, le service, propriété de Google, a annoncé que la vidéo était désormais bloquée localement en Egypte et en Libye, sans pour autant être supprimée de la plateforme. « Nous travaillons dur pour créer une communauté dont tout le monde peut profiter et qui permet aussi aux gens d'exprimer des opinions différentes » a déclaré Youtube dans un communiqué. « C'est parfois un défi, car ce qui est acceptable dans un pays peut être offensant dans un autre. Cette vidéo, largement disponible sur le Web, est clairement en phase avec notre politique éditoriale, et restera donc sur Youtube. »
Ce genre d'action de la part de Youtube est très rare : à plusieurs reprises, le service de vidéo en streaming a préféré se voir bloquer totalement dans certains pays plutôt que de pratiquer un blocage local, prônant son statut d'hébergeur et non d'éditeur de contenu. Ce fut notamment le cas en Turquie, en 2008 puis en 2010. De fait, cette situation interpelle l'Electronic Frontier Foundation (EFF), qui estime que Google « semble avoir pris la décision d'autocensurer ce contenu, de sa propre initiative. »
Un changement de perspective qui choque l'EFF, qui considère qu'il s'agit là d'un frein à la liberté d'expression. La fondation estime que le choix de Youtube aurait été fait suite au blocage total de la plateforme en Afghanistan, où le gouvernement a pris cette décision pour calmer la population. Bloquer une vidéo plutôt qu'un site entier et ainsi limiter la casse n'est cependant pas, pour l'organisme, « une excuse suffisante pour que Youtube limite la liberté d'expression sur Internet. »
« Il est facile de comprendre pourquoi YouTube pouvait se sentir obligé d'agir vis-à-vis des émeutes qui découlent de cette vidéo, surtout après la mort de trois employés de l'ambassade des États-Unis à Benghazi, mais la violence ne découle pas de la vidéo, mais de ses auteurs » ajoute l'EFF. Pour la fondation, la décision de Youtube pourrait mettre le service sur une « pente glissante ». « Il est décevant de voir YouTube tourner le dos à des politiques qui lui ont permis de devenir une plate-forme solide pour la liberté d'expression. Nous espérons que ce nouvel enthousiasme pour la censure proactive est une aberration temporaire plutôt qu'un signe des temps à venir » conclut l'EFF.