© 2020 A contresens - Le Film
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Depuis le 4 novembre dernier, il est possible de découvrir en avant-première digitale « À contresens », un film documentaire qui se propose de battre en brèche les idées reçues sur la voiture électrique. Dans l’optique de sensibiliser sur les contre-vérités circulant au sujet de l’électrique, le documentaire nous emmène aux quatre coins du monde… quitte parfois à avoir un discours quelque peu partisan.

Exploitation des enfants, usage de terres rares, destruction de l'environnement, batteries impossibles à recycler ou encore balance énergétique défavorable : l’attrait environnemental et sociétal de la voiture électrique est souvent remis en cause, que ce soit par des lobbys, les constructeurs ou la presse. Pour démêler le vrai du faux, l'ingénieur Marc Muller et le journaliste Jonas Schneiter ont mené une enquête de terrain de 2 ans, dont ils dévoilent les conclusions à travers une vidéo disponible sur le site acontresens-lefilm.fr.

Non, le cobalt n’est pas (a priori) extrait par des enfants

Le cobalt, dont la moitié de la production est employée pour la fabrication de batterie lithium-ion1, fait régulièrement l’objet des gros titres. La cause ? Son extraction, notamment réalisée au Congo, impliquerait le travail de près de 40 000 enfants, comme l'estimait l'UNICEF en 20122.

Face aux photos chocs diffusées dans la presse, Marc Muller a donc décidé de débuter son périple au Congo, allant de mines artisanales en mines industrielles pour faire la vérité sur le sujet. L'occasion d'apprendre que « seuls » 10% de la production nationale proviendrait d'exploitations illégales, où des mineurs sont susceptibles d'être exploités. Le travail des enfants serait donc moins courant que ce que d’autres conclusions, plus alarmistes, indiquent — notamment celles d’Amnesty International publiées en 20163.

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Des terres rares dans les batteries ? Pas toujours

Lanthane, cérium, néodyme ou encore holmium : ces terres rares seraient largement employées dans la fabrication de batteries, notamment des voitures électriques. Et le problème vient de là : bien qu’elles ne soient pas « rares » en réalité, leur extraction s’avère extrêmement polluante à l’heure actuelle, comme le rappelle d'ailleurs un rapport de l'Ademe publié en octobre4.

Mais les voitures électriques contiennent-elles réellement des terres rares, et si oui en quelles quantités ? Pour répondre à la question, Marc Muller n’y est pas allé par 4 chemins : il a décidé de désosser une Renault Zoé et une Fiat Punto afin de faire analyser leurs composants. Résultat : l’électrique française ne contient pas de traces de terres rares, tandis qu'il y en aurait dans le pot catalytique de la citadine thermique. Une conclusion que nous avions d'ailleurs déjà évoquée à travers notre dossier consacré à la « propreté » des voitures électriques.

Rappelons toutefois que la Renault Zoé semble être l’exception à la règle, comme le souligne à juste titre Marc Muller en indiquant que parmi les 10 modèles électriques les plus vendus, 7 contiendraient, pour leur part, ces métaux si préjudiciables pour l’environnement.

Le lithium, une catastrophe environnementale ?

Incontournable pour la fabrication des batteries, le lithium est, lui aussi, souvent décrié en raison de l’impact environnemental induit par son extraction. En effet, le pompage de la saumure et son traitement – permettant d'obtenir le lithium – nécessiteraient une grande quantité de carburant et contamineraient les sols.

Cette fois, Marc Muller s’est envolé pour le Chili, et plus précisément dans le salar d’Attacama, un désert salé d'où les flamants roses auraient fui en raison de l'exploitation de la saumure. Interrogeant des responsables de l'extraction, des habitants ainsi que des ONG, il en arrive à la conclusion qu'aucune étude sérieuse n'a prouvé la nocivité du pompage sur l'environnement... mais qu'aucune n'a démontré le contraire non plus. Statu quo ? Pas forcément, puisque le documentaire indique que le lithium ne serait, en réalité, qu'un sous-produit de l'exploitation de potassium, largement utilisé pour les engrais. Mais bien que l’éclairage soit le bienvenu, on peut toutefois regretter que Marc Muller ne soit pas parti plutôt à la découverte des mines australiennes, concentrant à elles seules 55% de la production mondiale (contre 23% pour le Chili)5.

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Le recyclage, plus performant qu’il n’y paraît

Le recyclage des batteries de voiture électrique est souvent l’objet de désinformation. Indispensable pour réduire l'empreinte environnementale globale des VE, comme nous l'expliquions dans un récent dossier, ce poste semble encore peu investi par les industriels et les constructeurs à l’heure actuelle. Au point qu’une étude franchement douteuse va jusqu’à avancer le fait qu’un Hummer polluerait moins qu’une Toyota Prius, comme le met en avant le documentaire.

Au sein de l’EMPA, Marc Muller (accompagné du chercheur Marcel Gauch) démontre que le recyclage des composants des batteries est non seulement possible, mais également relativement simple à petite échelle. Interrogée sur le sujet, l'entreprise Umicore, spécialiste du recyclage, affirme que la société est en mesure de recycler 95% des composants des batteries (mais ne donne pas de détails sur les procédés mis en œuvre). Si le propos porté par le documentaire est, une fois encore, pertinent et nécessaire, on regrette que 2 éléments de contexte ne soient pas abordés :

  • La réglementation européenne n'impose de recycler que 50 % du poids moyen des batteries à l'heure actuelle6 ;
  • Les principaux acteurs du recyclage, à l'image de la SNAM (qui, elle, explique ses méthodes), ne revendiquent un niveau de recyclage que de l’ordre de 70%7.

Un mix énergétique vraiment désavantageux ?

Parmi les principales informations approximatives circulant sur le sujet, l’une est plus récurrente que d’autres : du puits à la roue, les véhicules électriques seraient plus polluants que les véhicules thermiques en-deçà d’un certain kilométrage. Plusieurs études ont d’ailleurs fait ce constat. En fonction du mix énergétique utilisé, nous avancions nous-mêmes – en nous basant sur plusieurs sources contradictoires – qu'il faudrait parcourir entre 25 000 et 150 000 kilomètres avant que le véhicule électrique soit moins polluant que son équivalent thermique, rappelant toutefois que la vérité se trouvait probablement entre ces deux nombres.

Pour se faire une idée sur le sujet, Marc Muller est allé à la rencontre de Christian Bauer. D'après le chercheur de la Haute École de Lucerne, quel que soit le mix énergétique employé, la voiture électrique serait systématiquement moins polluante que son homologue thermique, et ce dès le premier kilomètre.

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Que retenir de ce documentaire ?

En premier lieu, qu’il est vivement conseillé de le regarder afin de découvrir le sujet sous une nouvelle perspective. Certes, on peut reprocher à Marc Muller d’avoir omis (volontairement ou non) certains éléments de compréhension qui, pourtant, sont essentiels pour apprécier la problématique dans son ensemble.

Il n’en reste pas moins que le film démontre les travers de la désinformation et du lobbying. Ni tout blanc, ni tout noir, le véhicule électrique constitue simplement une solution plus pertinente, d’un point de vue écologique, que le véhicule thermique à long terme. Une vérité souvent remise en question, et que Marc Muller a le mérite de rappeler.

Une raison largement suffisante pour jeter un coup d’œil au documentaire, disponible à la location jusqu’au 14 novembre.