Critique Utopia : l’originalité anglaise à son paroxysme

Antoine Roche
Publié le 16 novembre 2019 à 15h13
Dans un contexte où l'offre en matière de séries n'a jamais été aussi pléthorique, le Veilleur d'écran[s] se propose d'être votre guide à travers les saisons. Qu'il s'agisse d'une ancienne série aujourd'hui culte, d'un carton récent ou d'un show plus anonyme, cette nouvelle chronique vous aidera à ne perdre votre temps qu'en bonne compagnie.
Utopia

Très souvent, lorsque l'on évoque les séries anglaises, il est question de leur originalité, qui les démarque du reste de la production mondiale. Par moment, cette constatation est un peu exagérée. Mais pour Utopia, cela serait presque un euphémisme, tant cette série est l'un des shows les plus atypiques de ces dernières années.

Accompagnez la lecture de cet article avec la musique de la série :


Jessica Hyde and seek

Me voilà bien embêté. Jusqu'à présent cette chronique a présenté des séries qu'il est assez aisé de recommander, de part leur qualité bien entendu, mais aussi parce qu'elles sont proprement terminées ou encore en cours de diffusion, mais toujours solides sur leurs appuis. Or, voilà qu'arrive aujourd'hui une certaine Utopia, et avec elle, l'exercice de vous présenter ce pourquoi vous devriez absolument regarder cette série, malgré le fait que Channel 4 ait décidé de l'annuler sauvagement après deux saisons.


À l'issue de 12 petits épisodes et d'un cliffhanger final à fort potentiel, laissant en suspens quelques questions, la chaîne anglaise décidait en effet, en 2014, d'arrêter les frais d'un show jugé trop onéreux et pas assez regardé. Qu'à cela ne tienne : malgré la frustration générée par cette situation, tout le voyage halluciné et hallucinant qui mène à cette triste conclusion vaut plus que le détour.

Et voilà que point une autre difficulté dans cette chronique : lorsque l'on présente Utopia on ne peut pas dévoiler de trop le scénario, au risque de gâcher bien des surprises... Cela étant dit, voici le pitch de départ, dont je peux quand même parler : un petit groupe de personnes, plus ou moins jeunes, dont le seul point commun est de posséder la première partie d'un étrange comic book (ou plutôt, un « roman graphique ») baptisé The Utopia Experiment, va se retrouver poursuivi par une mystérieuse organisation, lorsque le manuscrit de la seconde partie jamais publiée de cette oeuvre fait surface...


Comic de répétition

Plus encore, et c'est spécialement sur ce point que je suis obligé de rester vague, la série aborde en son cœur un sujet de société aussi moderne que clivant. Et si ce dernier a régulièrement été évoqué ces dernières années, dans différentes œuvres, aucune, à mon sens, ne l'a fait aussi intelligemment qu'Utopia. Vous risquez ainsi de sérieusement cogiter devant votre écran pour établir votre position tant le traitement de ce sujet est fin, nuancé et non manichéen... Mais revenons à la partie thriller du show, avant que je n'en dise trop.


Au fil des épisodes, et à l'instar des spectateurs, les différents personnages vont devoir donner du sens à ce qui leur arrive et tenter de comprendre, indice après indice, ce qui se trame vraiment. Dans les premiers épisodes, l'intrigue est volontairement difficile à saisir et l'histoire, souvent décousue, ne donne de réponses concrètes qu'au compte goutte, n'hésitant pas à laisser protagonistes et public dans de grandes réflexions. Et si ce procédé d'écriture habituellement m'énerve et me frustre, dans le cas présent il m'a accroché, d'un bout à l'autre, me donnant envie de connaître, épisode après épisode, le fin mot de cette histoire.

« L'une des marques de fabrique de la série est de vouloir ressembler au maximum à un comic book ».


L'enveloppe sonore très travaillée, comme la musique originale (dans tous les sens du terme) signée du talentueux Cristobal Tapia de Veer (à qui l'on doit, notamment, les bandes son de Humans et Dirk Gently's Holistic Detective Agency - dont on parlera probablement dans de futures chroniques), habillent ce thriller conspirationniste de compositions équilibrées, entre harmonies et dissonances, mettant en exergue l'ambiance particulièrement étrange et décalée du show... Qui en joue d'ailleurs.

Cette étrangeté singulière prend notamment tout son sens avec les antagonistes d'Utopia, dont les premiers à ouvrir le bal sont brillamment incarnés par les très perturbants Neil Maskell et Paul Ready, dont la violence, impassible et méthodique, n'égale que le flou de leurs motivations et de leur passé.


Et puisque l'on parle de violence, sachez que si vous y êtes allergique vous pouvez passer votre chemin. L'une des marques de fabrique de la série est de vouloir ressembler au maximum à un comic book. Cela se traduit notamment par un show adulte et décomplexé, chargé en hémoglobine très graphique et sans le moindre filtre.

Quoique... Des filtres, il y en a beaucoup, mais d'un autre genre, plutôt du côté de la photographie exceptionnelle d'Utopia et ses jeux de couleurs.

Utopiart

Avec ses nombreux aplats de couleurs flashy et saturés, notamment dans les décors et les costumes, et de par sa réalisation impeccable qui donne régulièrement l'impression d'être sous acide, la série de Channel 4 est indéniablement visuellement unique. Aujourd'hui encore, dans sa partie, aucune série n'est arrivée à l'égaler ou simplement à lui ressembler. Utopia est un véritable régal pour les yeux et les oreilles, et rarement aurais-je eu autant envie de qualifier une série d'oeuvre d'art globale.


Impossible également de ne pas saluer les performances extrêmement solides de l'ensemble du casting de ce show, créé par Dennis Kelly. De Fiona O'Shaughnessy à Alexandra Roach (Black Mirror) en passant par Geraldine James, Nathan Stewart-Jarrett (Misfits), Adeel Akhtar (Counterpart, dont on parlait la semaine dernière) ou encore le jeune Oliver Woollford pour n'en citer que quelques-uns, tous participent au succès de cette série dans laquelle il peut pourtant sembler peu aisé d'entrer, de prime abord.

Leurs personnages, atypiques bien qu'ancrés dans le réel, et leurs évolutions, souvent inattendues, sont passionnants à suivre, au fil de péripéties incisives et surprenantes. Ce que je vais déclarer va peut-être vous paraître poncif, mais entre ces héros (et antagonistes) et tout ce qui a été décrit plus haut, il n'y a vraiment pas deux séries comme Utopia. Il s'agit véritablement d'une perle unique, qui mérite d'être savourée et qui propose certains des meilleurs épisodes qu'il m'ait été donné de voir, toutes séries confondues.

Déjà à l'époque, les mots me manquaient :



Mais, si le fait que la série se termine abruptement sans parfaitement boucler tous les éléments de son scénario est vraiment trop décourageant pour vous, sachez ceci : après un projet d'adaptation sur HBO par David Fincher finalement annulé, un autre remake est dans les cartons chez Amazon. Cette version avec John Cusack et Rainn Wilson n'a cependant pas encore de date de diffusion. En outre, il est difficile d'imaginer qu'elle parviendra à être à la hauteur et aussi mémorable que l'originale... Mais un accident est toujours possible.

Cette série est pour vous si :

- Vous recherchez une série qui fait cogiter
- Vous aimez les belles couleurs et les séries bien réalisées
- Vous voulez une histoire qui va vous surprendre plus d'une fois


Cette série n'est pas pour vous si :

- Vous n'aimez pas la violence gratuite
- Le malaise et la bizarrerie ce n'est vraiment pas votre tasse de thé
- Vous ne voulez pas d'une série qui se termine abruptement


Bon, mais où regarder Utopia ? À l'heure où sont rédigées ces lignes, malheureusement, aucune plateforme de streaming ne la propose. Il faudra donc se retourner vers la location numérique ou bien des DVD/Blu-Ray. Avec un peu de chance Amazon la proposera aux côtés de son futur remake, mais rien n'est moins certain, malheureusement...
Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ?
Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !
Commentaires (0)
Rejoignez la communauté Clubic
Rejoignez la communauté des passionnés de nouvelles technologies. Venez partager votre passion et débattre de l’actualité avec nos membres qui s’entraident et partagent leur expertise quotidiennement.
Commentaires (10)
wackyseb

Utopia fait partie de ces séries qu’on adore ou qu’on déteste apparemment.
Perso, j’ai trouvé que c’était d’une débilité profonde. Il ne se passe rien, les pseudos gags à répétition me donnaient envie de casser la TV. Mais vu la critique je me suis dit, c’est le début ça ira mieux après le temps que les personnages se mettent en place.
Et bien non, c’est de la grosse m…de.
Désolé mais là j’ai touché le fond.
Même les séries de TF1 et M6 font mieux que ça.
La musique est un supplice, les acteurs (si on peut dire) surjouent et très mal.
Bref je retiendrais que si un jour on me dit tiens il y a une série génial, ça ressemble à UTOPIA. Je dirais que ouais OK j’ai pas le temps, on verra ça JAMAIS…

GRITI

Série vue en VO ou en VF?

J’en ai vue une partie il y a longtemps. Dans mon souvenir cest particulier. Mais c’est pour cela que j’aime bien les séries anglaises. Elles sont moins lisses que beaucoup de séries US.

Maga83

C’est peu de le dire… série à regarder en fumant de l’herbe qui fait rire et un pack de 24 bières sous peine de balancer des pierres dans la TV. :rofl:

GRITI

Faut prendre un vidéo projecteur :wink:

julla0

J’ai personnellement adoré cette série.

wackyseb

En VF bien sur, pourquoi regarder en VO ??? Je parle anglais mais je suis pas fou au point de me taper des films et séries en VO, çà change pas l’histoire. J’ai essayé, c’est une très grosse perte de temps.

De mon point de vue, on devrait doubler en Français les films et séries Françaises.
Les acteurs devraient se doubler eux même.

GRITI

Si tu as regardé en VO, tu ne peux pas dire que les acteurs surjouent et sont mauvais. Tu ne peux critiquer que le doublage.
Et c’est tout l’intérêt des VOSTFR. Tu n’as pas un doublage qui peut tout gâcher.

GRITI

Oui et?

wackyseb

En VO et en VF, les acteurs surjouent. C’est pas naturel, même ridicule. Ils en font des caisses puis il y a un blanc. Toujours la même phrase, où est machin. L’humour anglais c’est déjà pas super drôle à la base mais là ça fait séries Z des années 80. C’est à dire de la daube.
Que certains aiment la série ou même ce genre, c’est leur droit et je le respecte.
Mais moi, je trouve que ça ne mérite même pas le temps d’une critique. Il y a tellement de pépites que là c’est gâcher du temps

Abonnez-vous à notre newsletter !

Recevez un résumé quotidien de l'actu technologique.

Désinscrivez-vous via le lien de désinscription présent sur nos newsletters ou écrivez à : [email protected]. en savoir plus sur le traitement de données personnelles