Dans la mesure où les familles n'ont pas forcément le réflexe d'installer des logiciels de contrôle parental sur leurs machines, devrait-il incomber aux fournisseurs d'accès à Internet d'interdire l'accès aux sites véhiculant des contenus relevant de la pédopornographie ? C'est la thèse que défend Nadine Morano, secrétaire d'État à la Famille, qui entreprend aujourd'hui de les rencontrer pour discuter avec eux des modalités d'application de techniques de protection de l'enfance face à la pédopornographie. Annoncée en avril dernier, cette réunion organisée dans le cadre du Comité de suivi de protection des enfants sur Internet présidé par Nadine Morano devrait donner lieu à une série de propositions qui seront présentées en juin.
« Plus de la moitié des parents sont inquiets et 36 % des 11 à 17 ans ont déjà été confrontés à des images choquantes et traumatisantes », affirme Nadine Morano dans un entretien au Figaro. Selon elle, plus d'un million de ces images seraient en circulation sur la Toile. De plus en plus abordables, les ordinateurs équipent souvent les chambres d'enfants qui s'aventureraient sans protection sur le Web.
Afin de réduire les méfaits de la cybercriminalité liée à l'enfance, Nadine Morano estime donc nécessaire de bloquer l'accès aux sites litigieux. « Je rencontre aujourd'hui les fournisseurs d'accès à Internet pour qu'ils interdisent l'accès à tous les sites pédopornographiques et illégaux recensés sur une liste noire établie par le ministère de l'Intérieur », explique la secrétaire d'Etat, sur le modèle de pratiques qui seraient déjà en vigueur en Grande-Bretagne, en Suède ou en Norvège. Elle suggère en outre l'instauration d'un label, qui signalerait et mettrait en valeur les logiciels de contrôle parental jugés efficaces.
Liste noire : un filet aux mailles trop lâches ?
Si toutes saluent l'engagement des pouvoirs publics en faveur de la luttre contre la pédocriminalité, les organisations de défense de l'enfant sur Internet doutent qu'une telle mesure permette de combattre efficacement le phénomène. « Toute mesure allant dans ce sens est bienvenue, mais les systèmes de liste noire présentent toujours des failles », nous explique Homayra Sellier, présidente de l'association Innocence en danger.
Bloquer l'accès aux sites aisément identifiables, au niveau d'un logiciel de contrôle parental ou d'un fournisseur d'accès, est une chose, mais mettre fin aux actes délictueux commis via les Skype, MSN, Facebook et autres forums de discussion en est une autre, insiste Homayra Sellier, qui souligne par ailleurs la nécessité d'une coordination au niveau international. « Internet n'a pas de frontière et de telles mesures n'auront aucun effet sur les pays où aucune législation n'existe », ajoute-t-elle avant d'expliquer sa vision des choses.
« Sans interdire aucunement à l'enfant d'accéder à Internet, la seule solution valable est de l'accompagner, de l'éduquer, de placer l'ordinateur dans un endroit où il y a du passage, de façon à pouvoir intervenir ou expliquer. Rien ne remplace la sensibilisation et la présence des parents », conclut Homayra Sellier. A défaut d'imposer aux parents de surveiller leurs enfants, Nadine Morano envisage tout de même de sensibiliser les futurs enseignants à ces problématiques lors de leur passage à l'IUFM, de façon à ce que ces derniers puissent à leur tour sensibiliser leurs élèves.