Saisi par les acteurs du monde de l'électronique grand public, le Conseil d'Etat a procédé le 11 juillet dernier à l'annulation de la redevance pour copie privée appliquée aux supports d'enregistrement (du CD ou DVD vierge au baladeur multimédia en passant par les disques durs). La plus haute juridiction administrative française a en effet estimé que la commission en charge du calcul des montants de la rémunération pour copie privée n'avait pas opéré de distinction entre les usages licites et les pratiques illicites de l'enregistrement de contenus audio ou vidéo.
La redevance pour copie privée part du principe que l'on tolère la copie des oeuvres culturelles lorsque celle-ci se cantonne à la sphère privée, mais qu'il convient d'indemniser les ayant-droits pour le potentiel manque à gagner consécutif à cet acte. Les usages illicites, tels que le téléchargement sur les réseaux P2P, échappent quant à eux au périmètre de ce que l'on appelle « copie privée ».
Pour calculer le montant de la redevance appliquée à un baladeur ou un disque dur multimédia, la commission copie privée est censée prendre en compte aussi bien la capacité de stockage de l'appareil concerné que les usages qui seront faits de ce dernier. Par exemple, on considèrera qu'une carte mémoire destinée à un appareil photo a moins de chances de servir à des actes de copie privée qu'un disque dur multimédia, et l'on ajustera les barèmes en conséquence.
Calculs biaisés ? Pour les industriels de l'électronique grand public, traditionnellement opposés à cette redevance qu'ils sont obligés de répercuter sur le prix de vente final de leurs produits, les barèmes mis en place ne tiennent pas compte de cette distinction dans les usages, et englobent aussi bien le préjudice occasionné par les actes de copie privée que par les usages illicites.
Dans sa décision, le Conseil d'Etat leur donne raison, et affirme que la redevance copie privée « a pour unique objet de compenser, pour les auteurs, artistes-interprètes et producteurs, la perte de revenus engendrée par l'usage qui est fait licitement et sans leur autorisation de copies d'œuvres ». Autrement dit, elle compense les copies effectuées à partir d'oeuvres légalement acquises, et ne doit donc pas tenir compte du piratage.
Cette annulation, censée intervenir au 31 décembre 2008, tombe à pic pour justifier les récentes propositions d'Eric Besson, secrétaire d'Etat à l'Economie numérique, qui suggère une révision de cette redevance et du fonctionnement de la commission chargée d'en présider les destinées.
Doit-on s'attendre à une baisse du montant de cette redevance ? Rien n'est moins sûr. Dans un communiqué, les différentes organisations qui représentent les ayants droit déclarent qu'elles ont accepté de faire des « concessions extrêmement importantes » lors du calcul de ces barèmes n'opérant pas la distinction usages licites / illicites, et lancent un avertissement : « Dès lors que seule une partie des copies privées effectuées sera prise en compte, les ayants droit seront fondés à réexaminer l'importance de ces concessions, ce qui est susceptible, dans le respect de la décision du Conseil d'Etat, de préserver le niveau actuel des barèmes de rémunération ».