Les soldats français jouissent d'une relative liberté d'expression depuis le 1er juillet 2005 mais restent tenus à la discrétion sur certains sujets sensibles. C'est le message que souhaite faire passer le chef d'état-major de l'armée de terre (Cemat) Elrik Irastorza, qui a, selon le quotidien Le Monde, adressé à ses troupes une directive « visant à sensibiliser l'ensemble du personnel de l'armée de terre aux dangers de la divulgation d'informations relatives aux opérations militaires » sur les réseaux sociaux, les blogs et les forums.
Et pour cause, « le dilemme entre liberté d'expression et sécurité est très ancien au sein des armées », expliquait, en 2007, un rapport intitulé « Les blogs militaires » et destiné au centre d'études en sciences sociales de la défense. Car « les informations pouvant êtres transmises par les blogs comportent un danger potentiel, à la fois pour l'image des soldats et pour leur sécurité en opération ». « Il est (donc) impératif, dans un contexte général de développement de la société de l'information et de durcissement de certains de nos engagements, de ne pas sous-estimer ces vulnérabilités et de savoir y faire face », complète pour sa part le service de presse des armées (Sirpa) pour les forces de terre, interrogé par Le Monde.
Un autre risque concerne la fuite d'informations à travers les images et les vidéos, notamment celles des tortures d'Abu Ghraib ou encore celles publiées cette semaine par backchich.info, montrant les bombardements français en Afghanistan, en sont une parfaite illustration.
En France, le phénomène des blogs militaires, comparés aux « milblogs » américains, est pourtant minoritaire, précise le rapport. Outre les milliers de Skyblogs abordant les sujets militaires, généralement anonymement, le forum de secretdefense.blogs.liberation.fr, tenu par Jean-Dominique Merchet, reste une des seules références dans ce domaine. Tandis qu'aux États-Unis où le phénomène est beaucoup plus répandu, « 1.500 violations de la sécurité des opérations ont été répertoriées en 2002 et 80% des informations dont se servent les ennemis terroristes ont été trouvées sur des sites à accès libre, sans utiliser de moyens illégaux », expliquait en 2003 le secrétaire américain de la défense Donald Rumsfeld.
Erreurs stratégiques, problèmes d'équipement, coupes dans les budgets, nombre de sujets sont propices aux dérapages et donc à la « démoralisation des troupes ». C'est aussi pourquoi l'autorité militaire chercherait à modérer toute tentative d'expression.
Pourtant, comme le rappelle le rapport, « un contrôle trop poussé des blogs militaires créerait des frustrations, surtout à l'heure où la communication électronique est poussée et démocratisée chez les civils ». Ainsi, l'autorégulation par les blogueurs eux-mêmes serait la solution la plus efficace et la moins lourde pour les ministères de la Défense. Reste à savoir si les personnes concernées seront de cet avis.