Si les Etats-Unis ont longtemps constitué un point de passage obligé pour les communications électroniques, la donne est en train de changer. Plaque tournante de 70% du trafic Internet mondial il y a dix ans, les Etats-Unis ne verraient aujourd'hui plus transiter que 25% des échanges, selon les résultats d'une étude menée par Andrew M. Odlyzko, professeur à l'université du Minnesota, et relayée par John Markoff, du New York Times. Selon Markoff, cette tendance serait lourde de conséquences pour les Etats-Unis, aussi bien sur le plan économique qu'au niveau stratégique et politique.
En termes de renseignement par exemple, un domaine dans lequel les Etats-Unis disposent d'atouts de poids suite au vote du Patriot Act, en octobre 2001. Cette loi, qui favorise la surveillance des réseaux par des services comme la CIA ou la NSA, serait d'ailleurs l'une des causes de la désaffection connue par le Web américain. Entreprises, universités et organisations auraient ainsi de plus en plus souvent tendance à déplacer leurs serveurs des Etats-Unis vers des pays voisins comme le Canada ou vers l'Europe, de façon à garantir la confidentialité de leurs informations. De ce fait, l'impact serait également économique, portant préjudice aux opérateurs et prestataires de service locaux.
Enfin, alors que de nombreuses organisations dénoncent la main-mise des Etats-Unis sur l'Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) - l'organisation censément indépendante qui gère l'adressage des différents noms de domaine de premier niveau et les serveurs racine de l'Internet - Markoff constate la dimension résolument géopolitique de la nouvelle architecture du réseau mondial, au sein de laquelle certaines forces tentent de garantir leur indépendance vis à vis des autres états. « Ce n'est guère différent des autres infrastructures dont un pays a besoin », commente K. C. Claffy, chercheur au sein de la Cooperative Association for Internet Data Analysis, « vous ne voudriez pas que quelqu'un détienne vos routes à votre place ».