Live Japon : les recherches continuent pendant la crise

Karyn Poupée
Publié le 11 octobre 2008 à 01h02
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La crise financière se propage, les bourses s'effondrent, l'indice Nikkei de la place tokyoïte a fondu (-3.000 points depuis le 1er octobre, -24% en une semaine), les entreprises s'inquiètent à juste titre, mais pour autant, les événements professionnels festifs s'enchaînent, les Prix Nobel aussi (4 scientifiques japonais primés cette année) et les chercheurs ou techniciens sont toujours aussi enthousiastes lorsqu'il s'agit de présenter leurs innovations. Heureusement. Par les temps qui courent, on savoure.

La semaine dernière (du 30 sept. au 04 octobre) avait lieu à Tokyo le Ceatec, plus gros salon de l'électronique japonais, événement annuel où l'on découvre d'une part les produits finis qui un jour prochain envahiront les rayons des magasins nippons et peut-être européens, et d'autre part les composants et technologies de base qu'enfermeront les appareils d'après-demain. Cette année était un bon cru. Titillés par des rivaux sud-coréens, taïwanais ou américains et apeurés par les ambitions des Chinois, les techniciens nippons se donnent du mal pour multiplier les trouvailles. Impossible bien sûr de dresser un catalogue des technologies présentées, mais facile en revanche de détecter des tendances. Ainsi ressentait-on cette année au Ceatec sur les développements en cours l'impact de certains produits qui ont cartonné récemment (iPod Touch, iPhone, Wii).

Les Japonais détestent se faire doubler dans leurs domaines de prédilection. Ils vivent cela comme une défaite, un déshonneur et redoublent alors de moyens pour recouvrer leur fierté. En l'espèce, ils ont compris que le baladeur iPod Touch et le téléphone mobile iPhone de l'américain Apple ont été qualifiés de révolutionnaires parce que leur mode d'interaction l'est du point de vue de l'utilisateur. Toutes les actions s'effectuent en souplesse, avec le doigt et en touchant délicatement l'écran tactile sans stylet ni touches. Qui plus est, l'utilisateur a énormément de liberté pour adapter ces produits à ses propres besoins, en toute simplicité.

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Instruits par cet exemple emblématique (surtout hors du Japon), les groupes d'électronique nippons et leurs fournisseurs de technologies ou composants, qui misent de plus en plus sur les marchés étrangers pour continuer de croître, essaient toutes sortes de techniques afin de faciliter et rendre plus agréable encore l'interaction entre l'homme moderne et son arsenal high-tech. Les chercheurs de Panasonic ont par exemple créé une télécommande de téléviseur et appareils vidéo presque dépourvue de boutons, mais bardée de capteurs sensibles. Dès que l'on saisit cette zappette, "son image s'affiche sur l'écran, car elle détecte la main", explique un des concepteurs de l'objet.

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L'utilisateur peut virtuellement appuyer sur une touche, pour changer de chaîne ou augmenter le son, en regardant la représentation de la télécommande sur l'écran et en positionnant son pouce approximativement au bon emplacement sur le pavé tactile. Avec cette astuce, seules les fonctionnalités réellement utiles sont montrées à l'écran, ce qui simplifie grandement l'utilisation. La même télécommande donne aussi la possibilité de naviguer dans des barres d'icônes, qui ressemblent étrangement à ceux des produits Apple, pour activer des menus, comme avec une souris, en l'agitant devant l'écran. Lors du visionnage d'une photo, cette « remokon » permet de zoomer en la tenant à l'horizontal avec les deux mains et en faisant des gestes d'essuie-glace avec les pouces sur la surface sensible.

Panasonic a également conçu un mode de dialogue avec la télévision via la reconnaissance des mouvements des bras, une idée qu'avait déjà présentée l'an passé son ancienne filiale Victor (JVC). Leur compatriote Hitachi commercialise pour sa part un PC portable qui peut être commandé à distance en pointant son pouce en face, en le bougeant pour parcourir l'écran et en le relevant pour cliquer. Cela exige quand même un peu d'entraînement. Il faut en outre éviter de porter des bracelets car la machine est alors vite paumée.

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Alps Electric, un fournisseur de composants, a lui développé un nouveau type de pavé de commandes pour ordinateur qui demande encore à être perfectionné mais qui nous paraît prometteur. "Au lieu de le toucher, on passe par exemple la tranche de sa main au-dessus pour faire défiler des photos ou les pages d'un document. Si l'on place sa paume en vis-à-vis, on peut lancer ou stopper la lecture d'une vidéo. Pour accélérer cette dernière, on effectue rapidement des cercles avec son doigt, toujours au-dessus du pavé sans le toucher", détaille un chercheur d'Alps, démonstration probante à l'appui.

Le deuxième opérateur mobile nippon, KDDI, devrait quant à lui prochainement intégrer dans ses téléphones un logiciel permettant d'écrire plus vite, sans taper des centaines de fois sur les touches numériques pour sélectionner les bons caractères. "On appuie une fois puis les 4 ou 5 lettres ou autres signes affectés à un bouton sont affichés à l'écran, en forme de croix. On penche alors le téléphone dans la bonne direction pour sélectionner", décrit une démonstratrice.

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Chez un autre fournisseur de composants, Nikkai, les vedettes étaient des boutons intégrant un mini-écran vidéo organique à matériau électroluminescent et dont l'affichage change selon la fonction qui est assignée audit bouton à un instant donné. Imaginez par exemple un interrupteur on/off. Généralement, les mots ON et OFF sont tous les deux inscrits dessus ou à côté. Mais le bouton n'a pourtant à un instant "t" qu'une seule fonction: si la machine est éteinte, il sert à l'allumer (ON), si elle l'est déjà, il sert à l'éteindre (OFF). Les boutons multifonctionnels à affichage interactif de Nikkai, eux, affichent seulement "ON" ou "OFF" selon l'état présent de la machine.

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Cela peut à première vue paraître superflu, mais songez au cas d'un appareil complexe où il faudrait des centaines de touches pour assurer toutes les fonctions. On pourrait alors en diviser par deux, quatre, ou cinq le nombre grâce à ces boutons polyvalents, tout en sachant précisément à chaque instant quelle fonction chacun remplit parmi les multiples possibles. Comme le mini-écran OLED sur le bouton offre un beau rendu en couleurs, il n'est pas limité à l'affichage de lettres. Il est donc aussi possible d'y loger des images variables, ce qui peut par exemple être très intéressant sur des claviers dédiés au montage vidéo ou associés à des logiciels de retouche photographique.

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On pourrait citer d'autres travaux, mais l'essentiel est surtout de retenir que les industriels japonais ont pris conscience de la nécessité de simplifier la manipulation d'objet tout en offrant des interfaces qui aient un petit côté magique au service d'un produit grand public à forte valeur symbolique, comme a très bien su le faire Apple, et ce depuis ses débuts (souris, molette tactile des premiers iPod, écran tactile des derniers en date). Si la leçon a bien été retenue, on devrait donc prochainement avoir de jolies surprises.

Un autre phénomène est particulièrement notable au Ceatec: l'art de présenter de façon spectaculaire, ou à tout le moins attrayante, des produits qui ne le sont pas. Exemple: un capteur n'a rien d'attirant: une puce comme il en existe des milliers d'autres. Murata Seisaku, spécialiste de ce genre de composants essentiels dans nombre de secteurs, a pourtant trouvé le moyen de drainer sur son stand depuis plusieurs années des milliers de visiteurs et toutes les caméras de TV. Comment? Eh bien en montrant comment ses capteurs permettent à un robot cycliste d'une cinquantaine de centimètres de haut d'effectuer des prouesses avec sa bicyclette miniature sans jamais se casser la figure. Le secret? Les capteurs et les micromoteurs qui permettent à l'acrobate de garder l'équilibre, même quand on lui fait des cachotteries afin de l'obliger à tourner brusquement la tête ou à regarder soudainement en haut avec la vilaine volonté de tromper son système de maintien debout, lequel s'avère décidément imbattable.

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Cette mise en scène des technologies difficiles à présenter n'a pas seulement vocation à amuser la galerie et à faire jaser les médias, mais aussi à permettre aux chercheurs d'expérimenter leurs développements de façon plus motivante dans des applications ludiques qui restent néanmoins réellement pertinentes et utiles pour progresser. La théâtralisation a aussi pour but d'attirer de jeunes diplômés, lesquels sont dragués par des milliers de sociétés un an ou plus avant la fin de leur cursus. Ce qui veut dire que chaque entreprise doit se parer de ses plus beaux atours pour séduire ces étudiants qui se raréfient d'année en année (les Japonais ne font plus assez d'enfants pour assurer le renouvellement des générations).

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Karyn Poupée
Par Karyn Poupée

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