Incombe-t-il à un hébergeur de s'assurer qu'une infraction au droit d'auteur ne puisse pas être reproduite ? C'est que semble avoir conclu le tribunal de grande instance de Paris dans l'affaire opposant Dailymotion à la société Zadig Productions ainsi qu'aux auteurs-réalisateurs Jean-Robert Viallet et Mathieu Verboud, le 10 avril dernier. La plateforme vidéo a finalement été condamnée à leur verser un total de 80.000 euros au titre de dommages et intérêts.
En 2006 puis 2007, les plaignants constatent que certains de leurs documentaires sont diffusés sur Dailymotion, et demandent à la plateforme de supprimer les vidéos concernées. Conformément aux obligations qu'impose le statut d'hébergeur, cette dernière s'exécute. Défini par la LCEN de 2004, ce statut affirme que celui qui se contente d'héberger des contenus ne peut être tenu des infractions au droit d'auteur opérées par son intermédiaire dès lors qu'ils suppriment les contenus litigieux dès que les ayant-droits se manifestent.
Problème : les vidéos incriminées reviennent sur Dailymotion, ce qui conduit les plaignants à formuler une nouvelle plainte, pour contrefaçon cette fois, auprès du TGI de Paris. Afin d'obtenir gain de cause, ils tentent de démontrer que Dailymotion n'est pas qu'un simple hébergeur, mais un service de vidéo à la demande, sans succès.
Si Dailymotion reste un hébergeur, le TGI de Paris a toutefois rappelé que les dispositions introduites par la LCEN ne constituaient pas une exonération totale mais une « limitation de responsabilité ». A ce titre, il aurait appartenu à Dailymotion de s'assurer que l'infraction constatée ne puisse être répétée. En 2007, la société Zadig Productions avait déjà obtenu gain de cause pour des faits identiques, reprochés à Google Video.
Alors que les hébergeurs estiment que la détection des contenus illicites doit incomber aux ayant droits, la Cour confirme avec cette décision l'obligation pour eux de mettre en place des outils de détection leur permettant de se prémunir des récidives. Aujourd'hui, Dailymotion utilise la technologie « Signature » de l'INA, qui permet de comparer l'empreinte vidéo d'un fichier uploadé avec les bases de données mises à disposition par les ayant droits.