Serge Bussat, Navteq - "un an après le rachat de Navteq par Nokia, rien n'a changé pour nous"

Alexandre Habian
Publié le 10 août 2009 à 12h02
Serge Bussat est le vice-président de la division « Consumer & Wireless » pour l'Europe de Navteq. Près d'un an après le rachat de ce premier acteur mondial de la cartographie par Nokia, c'est l'occasion pour nous de faire le point sur le développement des activités de Navteq en Europe et sur les nouveaux services qui seront prochainement proposés. De la navigation piétonne à la réalité augmentée en passant par d'autres services mobiles.

Serge Bussat bonjour, un an après le rachat de Navteq par Nokia, des interactions entre les deux entités sont-elles déjà en place ?
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Un an après, rien n'a changé. Nous sommes gérés comme une société indépendante car nos métiers sont complètement différents. Les raisons de ce rachat sont stratégiques. Nous avons en revanche toujours des comptes à rendre à notre nouvelle maison-mère. Mais du fait que l'on ne reporte pas nos résultats financiers, nous n'avons plus la pression à court terme de Wall Street et nous pouvons investir sur le long terme. Et la tendance déjà prise depuis 2 ou 3 ans qui était d'investir dans des contenus indispensables pour la partie « wireless » a continué d'être développée.

On aurait pu penser qu'en faisant partie du groupe Nokia, nous aurions pu ralentir notre développement dans le monde du sans fil mais c'est l'inverse qui s'est produit. Chez les constructeurs de terminaux mobiles et chez les opérateurs, nous avons gagné des parts de marché. Elle est proche aujourd'hui des 80% dans la partie « wireless » car nous arrivons justement à démontrer que nous sommes réellement une entité indépendante, en travaillant en étroite collaboration avec nos partenaires sans dévoiler leurs informations précieuses. Ensuite, sur les deux fournisseurs de contenus cartographiques, nous sommes le seul à prendre clairement le virage du « wireless ». Pourtant historiquement, nous étions les plus forts sur la partie automobile.

Aujourd'hui, quel est le métier de Navteq ?
Nous sommes dans un marché extrêmement dynamique. En 2008, 60% de notre chiffre d'affaires provenait de nos contenus dans le monde de l'automobile embarquée, contre 40% du CA grâce aux GPS autonomes et à nos activités sans fil. Aujourd'hui, la situation est inversée avec une majorité de notre chiffre d'affaires qui provient des contenus pour GPS autonomes. Et je pense que le monde « wireless » prendra le dessus sur celui des GPS autonomes dans un avenir proche.

Quelles sont les grandes nouveautés qui seront disponibles dans les prochaines années chez Navteq en matière de cartographie pour mobiles ?
Elles sont au nombre de trois :

  • La couverture
Nous nous focalisions jusqu'à il y a 2 ans sur les pays où le marché automobile s'est développé. Nous avons donc laissé de côté l'Inde, la Chine, l'Indonésie et le Brésil. Du fait du développement de nos activités pour mobiles, nos critères de couverture cartographique ont changé. Nous étions focalisé sur l'Europe et les USA. Aujourd'hui, nous nous focalisons sur les pays émergents. En 2009, nous couvrons d'ailleurs l'Inde et le bloc Russie - Europe de l'Est. Dans chaque pays émergent, il y a de 1 à 3 sociétés locales qui proposaient déjà des bases de données cartographiques. Mais notre force est de livrer le même contenu dans les 77 pays dans lesquels nous avons des bases de données cartographiques.

  • La navigation piétonne
Le marché global des systèmes de navigation va évoluer vers une utilisation piétonne. Mais pour qu'elle devienne vraiment utilisable, il a fallu que nous adaptions nos contenus, ces derniers étant différents de ceux des GPS autonomes. Nous avons cette vision depuis 4 ans avec notre offre Discover Cities. Pourquoi tant de retard quant à sa commercialisation ? Car il y a différents types de contenus pour la partie piétonne : la géométrie ou les interactions avec les transports en commun (en fonction du trafic ou des horaires). Et en France l'approvisionnement de ce type d'informations est extrêmement complexe. Les sociétés de transports privés sont en phase de réflexion au sujet de la mise à disposition d'outils numériques de leurs bases de données. On a déjà des villes en Europe qui proposent une interaction multimodale (gestion de tous les réseaux de transport en commun) et notre objectif est qu'en 2010 on puisse couvrir la plupart des villes européennes.

  • Les contenus
Nous avons une couche cartographique, une couche piétonne et la couche de contenus. Il y a un vrai savoir-faire d'approvisionnement, de qualification et d'enrichissement de contenus. Nous développons par exemple des points d'intérêt dynamiques, promis à un bel avenir. Bien sûr, sur la partie PND, la connectivité n'en est qu'au démarrage avec une barrière des coûts, des contenus et du modèle économique (à quel prix le proposer aux consommateurs ?). Sur les mobiles, la situation est toute autre. On aura très prochainement un vrai boom de l'application de navigation mobile, la masse critique de mobiles GPS étant déjà importante avec environ 100 millions de mobiles GPS commercialisés en Europe. Et le confort des applications déjà développées vont aider à démocratiser le marché. Sur la fin d'année, nous tablons sur une forte mise en avant de solutions de navigation sur les portables. Apple aide beaucoup dans ce domaine avec l'App Store.

On parlait de l'information trafic comme d'une "killer app" de la navigation GPS. Est-ce toujours d'actualité ?
info trafic ?
Nous voyons ça comme la deuxième roue de notre carrosse. C'est naturellement le service important lié au contenu et à la cartographie. Nous aurons des solutions de trafic en temps réel dans la majorité sociétés européennes avec des remontées d'informations auprès des opérateurs mobiles. Pour cela, nous allons mettre au point des partenariats avec des sociétés chargées de la gestion de flotte et... avec Nokia. Le lancement de cette offre est prévue cette année. Cela demande des investissements conséquents mais nous pensons que le consommateur est prêt à payer pour un tel service.

Un dernier mot sur les « killer app » de la navigation GPS. Si elles sont nombreuses, nous croyons beaucoup aux offres de conduite écologique. Dans les 12 mois qui viennent, nous tablons sur la généralisation de solutions permettant de choisir la meilleure vitesse suivant les routes et dénivelés.

L'avenir de la navigation GPS passera-t-elle par la réalité augmentée ?
C'est notre métier de fournir des informations capables de permettre aux développeurs de concevoir de tels programmes. Est-ce que l'avenir de la navigation est d'arriver avec de la « réalité jeu vidéo » ? Dans une automobile, cela peut causer des problèmes de concentration, les images trop réelles pouvant risquer de distraire le conducteur. Sur les PND et les mobiles, c'est une direction irréversible. L'annonce de Navigon en ce sens est intéressante. Il y avait des contraintes matérielles qui semblent aujourd'hui levées. Ce n'est plus qu'une question de disponibilité des contenus et nous y travaillons.

Nous allons aller dans ce sens à travers plusieurs directions : les contenus connectés et la cartographie dynamique (affichage en temps réel des modifications sur le terrain), le tout avec une ouverture des applications sur la partie navigation, la carte allant devenir un élément central dans toutes les actions de navigation sur le mobile.

Avec LocationPoint Advertising, vous avez lancé une offre de publicité mobile pour vos GPS autonomes et mobiles. Quand sera-t-elle lancée en France ?
Nous sommes convaincus que la publicité localisée sera un élément essentiel de monétisation des contenus Premium. Nos études démontrent qu'il faut d'ailleurs que l'on change ce nom, étant aujourd'hui trop perçu comme de la simple publicité. Alors qu'il s'agit d'un service donnant par exemple des alertes de proximité de certains magasins. Navteq a avancé dans ce domaine : aux USA, nous avons racheté traffic.com, le numéro un de l'information trafic temps réel et nous avons développé un vrai service Premium d'information trafic financé par de la publicité. Et ce sur différents types de terminaux et d'environnements avec une partie en broadcast et une partie en unicast. Nous avons un projet qui tourne avec Garmin aux USA qui permet d'afficher le trafic en temps réel. Il est offert et en l'utilisant, on a dans certaines conditions des messages publicitaires. Garmin a pu mesurer qu'à prix égal, ils ont des taux de vente supérieurs à des produits qui n'ont pas cette option.

En Europe, on a développé l'offre « Direct Access », pour proposer à des annonceurs d'insérer leurs logos (chaines d'hôtels, restaurants, ...) dans nos bases de données cartographiques. Nous ne sommes pas encore dans un modèle de publicité mobile mais cela permet aux annonceurs de mettre à jour en temps réel la carte par eux-même. On a créé un réseau de chaines de valeur dans la publicité. Il n'y a pas encore de projet concret que l'on peut annoncer en Europe en rapport avec l'offre LocationPoint Advertising. Nous travaillons en revanche avec des opérateurs sur le sujet et nous voulons déployer notre structure en Europe dans un avenir proche.

Serge Bussat, je vous remercie.
Alexandre Habian
Par Alexandre Habian

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