Nicolas Beau, Bakchich : "il n'y a pas de place pour l'enquête journalistique sur Internet"

Matthieu Dailly
Publié le 09 septembre 2009 à 16h50
Après trente ans de carrière dans le reportage, Nicolas Beau est aujourd'hui le directeur de la rédaction du journal en ligne Bakchich.info. Un « pure player » en difficulté qui, étonnamment, compte sur une version papier pour se sortir du gouffre. Le titre n'arrive à couvrir qu'à peine la moitié de ses dépenses. Une situation que Nicolas Beau justifie par les grands bouleversements qu'induit Internet, et sa réactivité, sur le secteur.

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Crédits: Reglain Frederic - Gamma
MD - Nicolas Beau, bonjour. En quoi consiste la tâche du journaliste?

NB - Il doit : hiérarchiser l'info. Rechercher des informations non ouvertes, des informations dissimulées. Et apporter un éclairage sur le débat public. Mais aujourd'hui, il doit aussi savoir organiser ses onglets. Sinon, il est perdu.

MD - Que changent les outils numériques à ce travail?


NB - Avec le Web, le métier se dissout dans une masse d'expertises et les écrits se mêlent à ceux des internautes. Un phénomène inquiétant, mais qui est aussi une libération formidable. Ce manque de contrôle déstabilise le système qui, en France, était de toute façon trop fermé. Dans notre cas, nous sommes très en retrait sur les techniques de référencement et l'ergonomie. Nous n'avons pas réellement fait de modifications éditoriales. Les articles commencent toujours par un titre, un chapeau... Je remarque même que l'on a tendance à écrire plus long sur Internet. Un paradoxe puisque l'internaute souhaite des contenus courts.

MD - Quelles sont les ressources de Bakchich?


NB - La publicité nous rapporte environ 7000 euros. Auquel il faut ajouter une dizaine de milliers d'euros provenant des abonnements à la lettre PDF et 3000 euros payés par le Télégramme de Brest pour qui nous produisons du contenu. Ce qui, au total, ne nous permet absolument pas de vivre. Nous allons, fin septembre, déposer un dossier pour obtenir une subvention publique. Mais nous ne sommes pas les seuls dans ce cas. Le Nouvel Obs, pourtant très lu, a perdu trois millions d'euros cette année.

MD - Quelle est l'ambition du titre?


NB - Avec peu de moyens, nous avons assez vite réussi à trouver notre place sur Internet. Le 23 septembre prochain, nous lancerons une version papier de bakchich. Le journal, du type satirique, un peu comme le Canard Enchaîné ou Charlie Hebdo, sortira le mercredi. Nous y traiterons de l'actualité politique, du sport, mais aussi de la consommation. D'autres parts, le journal spécialisé Vendredi nous fournira quatre pages de contenu. Au total, notre « superdesk » sera composé d'une quinzaine de personnes.

MD - Et demain, le journalisme?


NB - Il y a tellement de bouleversements. Pour moi, il lira toujours la presse papier, pour ses analyses, et écoutera la radio pour sa réactivité. Internet propose des contenus plus ludiques et beaucoup de vidéos, mais il y est difficile d'intéresser le lecteur comme sur le papier. Il n'y pas de place pour l'enquête journalistique, car l'info en ligne demande surtout de la réactivité. Ceci est dû, selon moi, à la culture de la gratuité sur Internet.

MD - Nicolas Beau, je vous remercie
Matthieu Dailly
Par Matthieu Dailly

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