Cette immense boutique, qui a pris la place d'un des vénérables grands magasins nippons Mitsukoshi liquidé à cause d'une absence de rentabilité, propose une variété impressionnante de produits, allant des panneaux solaires aux crèmes anti-UV en passant par les téléphones portables, les TV, les baladeurs, les PC, les jouets, les consoles de jeu vidéo, les machines de sports, ou les livres et magazines. Sur 21.000 mètres carrés (9 niveaux, dont deux en sous-sol et un de restaurants), pas moins de 1,5 million de références sont présentées, soit environ 500.000 de plus que le Yodobashi Camera d'Akihabara, jusqu'à présent classé numéro un. Et dire que le français Surcouf prétendait il y a peu d'avoir ouvert à Paris la plus grande surface de vente de produits high-tech planétaire avec...30.000 références.
Yamada Denki est une chaîne de grands magasins (d'appareils techniques essentiellement) qui s'est d'abord développée en province avant d'investir la capitale et de mener la vie dure aux Yodobashi et Bic Camera déjà bien installés, en venant les narguer avec ses nouveaux temples implantés face à ceux de ces rivaux. Le groupe Yamada, qui compte actuellement plus de 400 boutiques Yamada Denki, plus ou moins importantes, réparties dans les 47 préfectures japonaises (et des centaines d'autres magasins de divers types et tailles), totalise un chiffre d'affaires qui a dépassé pour la première fois les 1.000 milliards de yens (environ 7,5 milliards d'euros) en 2005 pour se situer désormais à près du double (1.850 milliards de yen). Ce géant (18.000 salariés) vise les 3.000 milliards de yens de ventes (22,5 milliards d'euros) à une échéance non déterminée, soit l'équivalent du chiffre d'affaires mondial de Sharp à l'heure actuelle.
En 2000, le même Yamada n'encaissait que 320 milliards de yens de recettes annuelles. Bic Camera totalise pour sa part une trentaine de très grandes surfaces dans les mégapoles du Japon (sans compter ceux de sa filiale Softmap), pour un chiffre d'affaires de quelque 600 milliards de yens. Quant à Yodobashi Camera, il revendique une vingtaine de très gros points de vente et 700 milliards de yens de recettes (hors filiales). Évidemment, tous ces mastodontes, connus de tous les Japonais et qui se disputent des clients déjà suréquipée, proposent également leurs catalogues sur internet, jouant sur des arguments qui dépassent la seule surenchère tarifaire (délais de livraison, extension de garantie, etc.)
Que penser de ce Yamada Denki, venu s'implanter dans le fief de son rival Bic Camera, lequel compte rien que cinq magasins dans les parages, chacun spécialisé dans une gamme de produits et dont trois ont été réaménagés et ont rouvert une semaine avant le Yamada Denki? Eh bien il semblerait que ce dernier ait surtout voulu aligner un maximum de références, à tous les niveaux de prix et qualité, pour surpasser ses compétiteurs, entraînant une guerre a priori profitable aux acheteurs patients, soit par les prix en eux-mêmes, soit via les à-valoir offerts sous forme de points qui se transforment en yens à déduire sur un achat ultérieur. Toutefois, l'offre est si gigantesque qu'à l'arrivée, on a un peu de mal à s'y retrouver et que d'aucuns finissent logiquement par préférer des magasins plus petits et sélectifs.
Quelques bonnes idées sont toutefois mises en œuvre qui devraient logiquement être imitées par les concurrents. Ainsi en est-il du comptoir de conseil sur l'installation d'un dispositif électroménager "all denka" (tout électrique, sans gaz), ou bien du service de concierge pour qui doit intégralement s'équiper après avoir emménagé dans un nouveau logis, donné naissance à un enfant, s'être marié, etc. Autre prestation appréciable: l'offre d'installation clef en main d'un système de production local d'électricité photovoltaïque, du devis au service après-vente. Dans ce registre, les groupes rivaux de Yamada Denki suivent la même tendance, sachant que les subventions étatiques et régionales ainsi que l'obligation de rachat d'excès de production de courant par les compagnies rendent particulièrement attractifs les dispositifs solaires.
Plus anecdotique mais bien pratique quand même est la possibilité de tester sur plusieurs mètres carrés les aspirateurs proposés, ou de goûter le riz cuit dans les différents modèles d'autocuiseurs électriques dédiés dont les prix vont de 5.000 yens (35 euros) à plus de 100.000 yens (750 euros) pour les appareils les plus gros et les plus techniquement haut de gamme.
Plusieurs semaines après l'inauguration de ce nouveau Labi1 Yamada Denki, autrement modestement appelé "Grand magasin général du Japon", il était encore bien difficile de se frayer un passage dans les rayons de téléviseurs et autres produits audiovisuels vedettes exposés au rez-de-chaussée. Aux autres étages, la foule était moins dense. A vrai dire même, plus on grimpait, moins il y avait de monde. Lassitude? Déception? Fatigue? Un peu des trois sans doute. Car si le patron de Yamada Denki prétend que ce magasin est conçu pour que les familles y passent leur dimanche complet en se divertissant, s'informant et faisant des bonnes affaires, encore faut-il qu'elles aient des besoins matériels à satisfaire et les moyens pour ce faire. Reste que, crise ou pas crise, ce type d'événement commercial très médiatisé attire toujours du peuple. Les petits commerçants et restaurateurs du quartier ne s'en plaignent pas d'ailleurs, qui voient affluer un nouvelle clientèle.
En concentrant autant de boutiques high-tech, Ikebukuro pourrait bien tailler des croupières à la surnommée "ville électrique" qu'est (mais pour combien de temps encore?) Akihabara, un quartier moins diversifié qui dérive de plus en plus vers le piège à touristes, d'autant qu'un nombre croissant des commerces y sont tenus par des Chinois opportunistes qui y attirent en masse leurs compatriotes pleins aux as. Les Japonais lambda (on ne parle pas des mordus de composants et gadgets), eux, ne voient plus forcément l'intérêt de traverser Tokyo pour se rendre dans les artères pas toujours rassurantes d'Akihabara (sauf pour filer direct au Yodobashi Camera). Ils préfèrent, et on ne saurait leur donner tort, flâner en couple ou en famille dans les Bic Camera et Yamada Denki, souvent mieux situés et plus agréables à arpenter.
Quant aux prix, il n'est plus exact qu'ils soient plus intéressants à Akihabara, même pour des matériels d'occasion ou de deuxième choix. Bic Camera vient en effet à l'occasion de la réfection de ses boutiques d'Ikebukuro d'installer un "outlet", boutique où il vend à des tarifs défiant toute concurrence et avec une garantie d'un an des produits exposés dans ses autres magasins, en surplus ou ayant un léger défaut esthétique non handicapant sur le plan fonctionnel. Bien que le choix soit limité et très variable, on y fait d'excellentes affaires (sur les téléviseurs à écran plat notamment). De surcroît, comme les produits présentés changent fréquemment, les clients sont facilement incités à y revenir.