Le gouvernement des Etats-Unis va-t-il se faire le chevalier blanc de la neutralité du net ? Le département d'Etat américain (équivalent du ministère des Affaires étrangères, dirigé par Hillary Clinton dans l'administration Obama) vient d'exprimer « ses préoccupations à ce sujet » au cours d'un entretien diplomatique. L'Australie entre officiellement dans la liste des pays visés par les Etats-Unis pour ses atteintes à la liberté d'expression en ligne, aux côtés de la Chine et de l'Iran.
La semaine dernière, des entreprises clés du Web ont déjà exprimé leur mécontentement contre la censure du net par le gouvernement australien. Mais pour le département d'Etat américain, ce n'est pas une attaque en règle contre l'Australie. Selon son porte-parole, Noel Clay, « les Etats-Unis et l'Australie sont de proches partenaires sur le numérique, y compris sur les questions économiques ou de sécurité nationale. La position du gouvernement américain est bien connue [...]. Nous sommes engagés en faveur de la libre circulation de l'information, vue comme vitale pour la prospérité économique et la préservation de sociétés ouvertes. »
C'est donc une mission pour Hillary Clinton, comme l'avait déjà souligné son discours contre la censure du web. Le département d'Etat semble simplement rappeler aujourd'hui que les Etats-Unis se battent « pour un Internet unique où toute l'humanité a un accès égal à la connaissance et aux idées. »
Reste que l'unité américaine face à la censure ne tient pas devant les faits. Si Google et les registrars Go Daddy et Network Solutions ont décidé d'arrêter leurs activités en Chine, d'autres entreprises comme Microsoft, Yahoo et Cisco (et Google il n'y a pas si longtemps) ont été accusées par des membres du Congrès américain de soutenir la machine à censurer le web surnommée « La Grande Muraille ». Il faut dire que la réponse de Yahoo au départ de Google de Chine, c'est que « ce n'est pas notre travail de réparer le gouvernement chinois ». Même son de cloche chez Microsoft, qui se dit « engagé pour la liberté d'expression », même si « nous devons nous conformer aux lois en vigueur dans les pays où nous exerçons nos activités ».
Pour autant, beaucoup relativisent la subite implication des Etats-Unis en faveur de la liberté d'expression sur Internet. Pour Jérémie Zimmermann, le porte-parole de la Quadrature du Net, « c'est sympa et rassurant de voir Hillary Clinton s'opposer à la censure gouvernementale de l'Internet, mais dans le même temps elle négocie la censure par les acteurs privés dans le cadre de l'accord Acta. » Pour mémoire, ce projet d'accord commercial vise à renforcer la lutte contre la contrefaçon. Si les propositions américaines étaient retenues en la matière, les ayants-droits auraient notamment la possibilité d'accéder aux données d'un utilisateur soupçonné de piratage. Un accord qui « pourrait rompre radicalement l'équilibre atteint par la législation européenne sur les opérateurs Internet », forcés à ouvrir leurs fichiers clients. Une façon de « protéger les acteurs économiques majoritairement américains », selon Jérémie Zimmermann, qui estime que dans ce domaine, « les Etats-Unis n'ont pas de leçon de morale à donner ».