GAFAM © Koshiro K/Shutterstock.com
GAFAM © Koshiro K/Shutterstock.com

Les dirigeants d'une vingtaine d'opérateurs européens ont publié, ce lundi, une lettre ouverte appelant à la création d'une participation des plus grandes entreprises du numérique au financement des réseaux de télécom.

C'est loin d'être la première fois qu'une telle demande émerge. Depuis que plus de la moitié de la bande passante mondiale est réquisitionnée par une poignée d'entreprises, nombreux sont les opérateurs qui aimeraient que ces derniers participent financièrement à la création et à l'entretien des infrastructures qu'elles utilisent, pour l'instant, avec le même statut que n'importe quel autre site internet.

Le statut d'exception de ces entreprises est déjà reconnu dans certains pays hors de l'Europe, mais un tel système semble compliqué à appliquer sur le Vieux Continent. Il irait en effet à l'encontre des principes de la neutralité du Net, consacré par un arrêt de la Cour de Justice européenne sur le territoire des pays de l'Union, et qui oblige les opérateurs à fournir les mêmes services à tous. Devant l'insistance des opérateurs, ce principe pourrait bien perdre de sa substance, l'UE ayant déjà semblé reculer sur la question.

Faire contribuer les GAFAM à hauteur de leur utilisation des réseaux télécoms

Dans leur lettre ouverte, les dirigeants de ces opérateurs européens, parmi lesquels Bouygues et Orange, expliquent qu'il est plus que temps que les GAFAM participent au déploiement des infrastructures de télécommunication. Ils expliquent qu'à l'heure actuelle, ces derniers ne paient « presque rien pour le transport de données dans nos réseaux ». Pourtant, les seuls YouTube, Disney, Netflix, Microsoft et Amazon comptent pour plus de la moitié du trafic internet mondial. Ils estiment par ailleurs qu'au vu de la croissance exponentielle de ce trafic, des investissements à hauteur 174 milliards d'euros d'ici à 2030 seraient nécessaires pour tenir leurs objectifs de connectivité.

Le timing de cette lettre n'est pas dû au hasard : en effet, la Commission européenne est sur le point de publier les conclusions de son rapport sur le futur des communications électroniques et de leurs infrastructures, et les opérateurs en profitent donc pour lui mettre la pression.

Thierry Breton © Alexandros Michailidis/Shutterstock.com
Thierry Breton © Alexandros Michailidis/Shutterstock.com

La question de la participation des GAFAM, un marronnier en Europe

L'Union européenne, surtout ces dernières années, n'est pas franchement connue pour son indulgence à l'égard des GAFAM. Alors si elle n'a toujours pas accédé à cette demande des opérateurs, qui sont loin de la formuler pour la première fois, c'est pour une bonne raison : le respect du principe de la neutralité du Net. Ce principe implique de garantir l'égalité de traitement entre tous les flux de données sur internet, et interdit donc toute discrimination positive ou négative à l'égard de la source ou du destinataire de ces flux. Il interdit donc, en théorie, de faire payer les GAFAM à hauteur de leur trafic si une telle règle n'est pas appliquée à l'ensemble des sites internet. Ce principe est censé être appliqué partout dans l'UE depuis 2015 et l'adoption d'un règlement sur l'Internet ouvert.

Par ailleurs, si les GAFAM se voyaient forcés de participer à l'investissement des infrastructures télécom, ils pourraient demander un traitement de faveur quant à l'usage et la disponibilité de leurs données, ou encore augmenter leurs tarifs pour leurs clients européens.

Mais on pourrait bien se diriger vers ce scénario, les institutions européennes lui ouvrant progressivement la porte. Ainsi, en septembre 2022, le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, avait laissé entendre qu'il était temps de changer les règles sur la question…

Sources : Le Monde, Les Echos