Après un développement difficile, la sonde spatiale Psyche décolle ce 13 octobre 2023 en direction de l'astéroïde du même nom. Un voyage de 3,5 milliards de kilomètres pour une rencontre en 2029 avec ce qui fut probablement le « cœur inachevé » d'une planète. L'astéroïde métallique livrera-t-il ses secrets ?
Pour bien comprendre les débuts de notre Système solaire et la formation des planètes rocheuses en général, de nombreux indices sont issus des explorations de ces dernières décennies. Celles-ci se sont faites autour de la Terre, de Mercure, de Vénus, de Mars, mais aussi autour des astéroïdes et des planètes mineures.
La mission Dawn, qui a visité la protoplanète Vesta avant d'aller en orbite de Ceres il y a moins de dix ans, a apporté beaucoup de réponses…
Pourquoi Psyche ?
Les équipes scientifiques manquent encore de données, et l'astéroïde 16 Psyche est l'un des plus intéressants pour mieux comprendre la formation de planètes rocheuses. C'est l'un des plus grands (278 x 232 x 164 kilomètres environ), des plus lourds, et tout porte à croire que sa composition est très riche en métal.
S'agit-il d'un ancien cœur ou d'un morceau du cœur métallique d'une planète aujourd'hui disparue ? De quoi est-il composé exactement ? Était-il un jour du métal en fusion, a-t-il subi des impacts ? Quelle est son influence magnétique, et comment a-t-il évolué ces derniers milliards d'années ? Au-delà de quelques articles sensationnalistes sur sa prétendue valeur (aussi inutiles que contre-productifs et mal sourcés), on ne connaît grosso modo que sa forme et sa couleur qui tire sur le rouge. Mais tout cela va changer grâce à la mission Psyche.
Vers Psyche en sonde électrique
La NASA s'est en effet décidée en 2017 pour deux missions explorant des astéroïdes particuliers. La mission Lucy est déjà partie l'an dernier pour aller visiter les astéroïdes troyens et grecs de Jupiter, tandis que Psyche va partir pour visiter ce potentiel ancien « cœur de planète ». La sonde pèse 2,6 tonnes au décollage, et pour l'œil non averti, elle ressemble à un satellite classique. Néanmoins, il ne faut pas s'y tromper.
D'abord, elle dispose d'une très grande surface de panneaux solaires, pour deux raisons. La première, c'est qu'il lui faudra opérer sur une orbite distante du Soleil, entre Mars et Jupiter, durant plusieurs années. Ensuite, il faut considérer sa propulsion. Psyche utilisera quatre moteurs électriques-ioniques (à effet Hall), à faible poussée, mais très efficaces, pour se propulser jusqu'à l'astéroïde qu'elle va étudier ensuite durant deux ans.
Sans cela, il lui aurait fallu une taille et une masse bien plus imposante (probablement autour de 5 à 6 tonnes) pour emporter le carburant nécessaire ! Reste que la sonde Psyche embarque 922 kilos de Xenon, quasiment un record.
C'est pour la science !
Côté instruments scientifiques, ce n'est pas une mission incroyablement bien dotée, mais les équipes du JPL (Jet Propulsion Laboratory, en Californie) ont utilisé des matériels éprouvés et très bien documentés. Côté image, on retrouve donc, en plus des caméras de navigation, un capteur optique multispectral qui sera capable d'étudier les matériaux à la surface.
Pour étudier les propriétés métalliques et le champ magnétique, un magnétomètre est également de la partie, et pour la composition, un spectromètre gamma et neutron. Comme pour une majorité des autres missions planétaires, les communications en bande X avec la sonde serviront également à cartographier (avec de minuscules changements) le champ magnétique de Psyche et sa structure interne.
Enfin, ce n'est pas une expérience consacrée à l'étude des astéroïdes, mais la sonde Psyche possède un équipement pour l'instant rarissime de communication infrarouge laser avec la Terre. Il s'agit surtout d'une démonstration technologique, qui devrait durer seulement 2 ans après le décollage, mais la NASA compte dessus pour équiper ses futures missions. Les débits, notamment pour le transfert de grandes quantités de données (images, relevés, etc.) vers la Terre sont censés décupler les capacités limitées du DSN (Deep Space Network), le réseau des grandes antennes de l'agence américaine.
Les premières minutes de voyage sont les plus longues
Même si le trajet de Psyche doit durer environ 6 ans, il est nécessaire pour l'envoyer avec une bonne impulsion loin de l'orbite terrestre de lui fournir l'un des plus puissants lanceurs en activité au monde actuellement, le Falcon Heavy de SpaceX. Avec ses 27 moteurs et ses 3 boosters, la fusée est très facilement reconnaissable, d'autant que SpaceX et la NASA vont diffuser le décollage en direct avec une couverture sur X.com (Twitter), mais aussi sur la chaîne YouTube de l'agence américaine.
Le T-0 est prévu à 16 h 19 (heure de Paris) si la météo se maintient, et le tir est à ne pas manquer ! Dans les heures suivant le lancement, il faudra guetter l'annonce de l'extension correcte des deux panneaux solaires (sans lesquels la mission ne pourra pas prendre place). Après quoi, les équipes de la NASA et du JPL entreront dans une phase de vérification des différents systèmes de bord et des instruments avant de les mettre en sommeil.
Vers un astéroïde bien mystérieux
En effet, à part les communications et la propulsion (la technologie électrique-ionique nécessite de très longues impulsions continues) ainsi que les tests d'envoi de données par laser, la sonde Psyche aura un voyage sans véritable rencontre jusqu'à mai 2026. À cette date, elle survolera Mars pour une assistance gravitationnelle qui lui fera gagner plusieurs dizaines de kilogrammes de carburant, et elle commencera à se rapprocher de Psyche.
Il faudra encore attendre le printemps 2029 pour obtenir des clichés dépassant les résolutions des meilleurs télescopes disponibles aujourd'hui. Psyche (la sonde) rencontrera Psyche (l'astéroïde) pour entrer en orbite en août 2029. La NASA a déjà prévu plusieurs phases d'exploration et différentes orbites pour pouvoir s'approcher de Psyche en toute prudence avant un dernier freinage pour entrer en orbite, lorsqu'il sera certain par exemple qu'il n'a pas de petite lune, ou qu'il ne voyage pas avec un petit nuage de poussière ou de particules. L'astéroïde représente à lui seul 1 % de la masse totale de la ceinture d'astéroïdes entre Mars et Jupiter.
Au cours des deux années qui vont suivre jusqu'en 2031, les images devraient être tout à fait remarquables, de même que les données qui vont nous parvenir. Deux ans en opération (s'il n'y a pas d'extension de mission, ce qui est courant), c'est assez pour faire varier le programme des orbites et des survols en fonction des premiers relevés de surface, et pour mettre l'accent sur les surprises que ce véhicule va forcément soulever.
Plus la fin de mission approchera, plus l'agence américaine pourra se permettre de l'audace, en particulier pour identifier les différents composants de Psyche et sa structure interne. Un petit monde dont pour l'instant, on ne connaît rien…