L'Assemblée nationale a adopté mardi 17 octobre au soir à une large majorité le projet de loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique. Ce texte fourmillant de mesures phares doit s'avérer fondateur.
Cinq mois après son dépôt sur le bureau du Sénat, le projet de loi visant à sécuriser l'espace numérique a cette fois été adopté par les députés, qui examinaient le texte et débattaient à son propos ces dernières semaines. Filtre anti-arnaque, encadrement des jeux en ligne, lutte contre les contenus pédopornographiques et les deepfakes, régulation de l'accès à la pornographie, sévérité envers les cyberharceleurs et alignement sur les nouveaux règlements européens…
Cette loi, si elle est suivie d'effets, pourrait à terme changer le paysage numérique français. Pour chaque article majeur du texte, nous vous livrons les détails et les sanctions encourues.
Les sites pornographiques vont bel et bien devoir demander à leurs visiteurs de prouver qu'ils sont majeurs
Parmi les 561 votants (rares sont les scrutins à fédérer autant d'élus du côté du palais Bourbon), ils sont 360 à avoir voté pour l'adoption (élus Renaissance, Les Républicains, Groupe Démocrate, Socialistes et apparentés, Horizons), 77 contre (La France insoumise, Écologiste), et 124 (Rassemblement national) à avoir fait le choix de l'abstention. Voici les grandes mesures :
¤ Un système de vérification de l'âge à l'entrée des sites aux contenus pornographiques (articles 1er et 2). La loi prévoit le blocage et le déréférencement (ainsi que des amendes) des sites qui ne vérifient pas l'âge des utilisateurs essayant d'y accéder. C'est l'ARCOM, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, qui en aura la charge.
Quelles sanctions encourues ?
- Si après expiration d'un délai de 15 jours suivant une mise en demeure de l'ARCOM, le site n'est toujours pas en conformité, il s'exposera à une amende de 250 000 euros ou de 4 % de son chiffre d'affaires mondial hors taxes. En cas de manquements répétés sous 10 ans, les sanctions pourront être portées à 500 000 euros ou à 6 % du chiffre d'affaires.
Les fournisseurs d'accès et fournisseurs d'hébergements (pour les DNS), autrement dit les opérateurs télécoms et des acteurs comme Cloudflare, Google et autres, auront 48 heures pour empêcher l'accès aux adresses fautives.
¤ Les hébergeurs de sites proposant des contenus pédopornographiques seront sanctionnés (article 3). Les sites qui font le choix de ne pas retirer les contenus pédopornographiques signalés et devant être retirés dans un délai de 24 heures risquent aussi de lourdes peines.
Quelles sanctions encourues ?
- La loi prévoit une amende jusqu'à 250 000 euros ainsi qu'une peine d'un an d'emprisonnement. Si l'infraction est commise de manière habituelle, la sanction pourra grimper jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires mondial.
¤ L'article 4, lui, vient sanctionner les États et organisations qui mènent des actions de désinformation en ligne.
Pour les deepfakes et le harcèlement en ligne, enfin de lourdes sanctions
D'autres mesures fortes ont également été validées dans le cadre de ce projet de loi fondamental.
¤ La publication sans consentement de deepfakes (article 4 bis) et d'hypertrucages à caractère sexuel (article 5 ter) sera sévèrement sanctionnée. Notons que l'article 5 bis A étend l'interdiction au chantage fait à l'aide d'un contenu à caractère sexuel.
Quelles sanctions encourues ?
- Deux ans de prison et 45 000 euros d'amende si les délits ont été réalisés en utilisant un service de communication au public en ligne (réseau social ou autre), dans le cas de l'article 4 bis ;
- Trois ans de prison et 75 000 euros d'amende si la publication du montage par traitement algorithmique a été réalisée en utilisant un service de communication en ligne, dans le cas de l'article 5 ter ;
- Sept ans de prison et 150 000 euros d'amende en cas de chantage sexuel, vu à l'article 5 bis A.
¤ La création d'une peine de bannissement en cas de harcèlement en ligne (article 5). Il s'agit ici d'une nouvelle peine complémentaire qui exigera de la plateforme en ligne ayant hébergé les contenus tombant sous le coup du harcèlement ou de la haine en ligne de mettre à l'écart les individus malveillants. L'idée est de prévenir la récidive de l'internaute.
Quelles sanctions encourues ?
- La suspension atteindra 6 mois au plus, et jusqu'à un an si la personne est en état de récidive légale ;
- Les autres comptes éventuellement détenus par une personne fautive pourront aussi être bloqués ;
- Tout fournisseur (Facebook, X.com ou autres) qui ne procède pas au blocage encourra une amende de 75 000 euros.
Le filtre anti-arnaque : LA mesure qui vous changera la vie ?
Poursuivons notre tour d'horizon des mesures contenues dans le projet de loi adopté.
¤ L'instauration d'un dispositif de filtrage dit « anti-arnaque » (article 6). Mesure de cybersécurité, ce filtre prendra la forme d'une notification que chaque utilisateur recevra s'il clique, depuis un SMS ou un e-mail, sur un lien ayant préalablement été identifié comme à potentiel cybermalveillant. Le site malveillant sera alors signalé, parfois preuve à l'appui (une décision de justice ou autre), comme étant dangereux.
¤ L'encadrement des jeux de hasard en ligne (article 15). Dès que la loi sera promulguée, elle permettra d'autoriser les adultes, pour une durée expérimentale de trois ans, à participer à des services mettant en jeu des NFT.
¤ Les frais de transfert en cas de changement de fournisseur dans le cloud seront encadrés (article 7). Les frais de changement de fournisseur de services en nuage seront plafonnés aux coûts directs supportés par le fournisseur. Une tarification maximale devra être définie prochainement par arrêté.
Voilà, vous savez tout ou presque sur le texte adopté et amendé par l'Assemblée nationale ce 17 octobre 2023. Celui-ci vient transposer plusieurs mesures rendues obligatoires par le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA), les nouveaux règlements européens destinés à réguler les marchés numériques.
Finalement, le projet de loi ne touchera pas aux VPN et ne remettra pas en cause l'anonymat en ligne, amendements rejetés ou retirés qui avaient fait polémique ces dernières semaines sur les bancs de l'Assemblée et dans l'opinion.
Sources : Clubic, Assemblée nationale