Le logo MAIF, ici à Grenoble © ricochet64 / Shutterstock
Le logo MAIF, ici à Grenoble © ricochet64 / Shutterstock

[Article mis à jour le 3 novembre 2023 à 15h15] La MAIF a été condamnée par le conseil de prud'hommes de Compiègne pour avoir licencié une employée qui avait été contrôlée par un logiciel interne.

Assureur réputé, la MAIF a récemment été condamnée par le conseil de prud'hommes de Compiègne, après avoir écarté de ses effectifs Alice, licenciée pour « faute grave ». La compagnie avait justifié la séparation en se basant sur des relevés d'un logiciel interne qui surveillait les actions de la salariée dans son centre d'appels.

Cette surveillance, qui va à l'encontre des recommandations de la CNIL (qui s'étend d'ailleurs aux micros de surveillance), a poussé la justice à requalifier l'action en « licenciement sans cause réelle et sérieuse ». Voyons quel a été le raisonnement et le tort de la MAIF.

Surveillance au travail, quand un logiciel masque la réalité

L'affaire qui oppose la MAIF à Alice met en lumière une question cruciale : votre employeur a-t-il le droit de vous surveiller au moyen de logiciels sans vous en informer ? Alice a été licenciée pour « faute grave » après que la direction de la MAIF eut utilisé les données d'un logiciel interne pour prouver qu'elle avait raccroché au nez de clients appelant pour déclarer des sinistres ou suivre des dossiers d'indemnisation.

Bon, ce n'est jamais très sympa de raccrocher au nez de gens en détresse, mais l'avocate d'Alice a souligné que les employés n'avaient jamais été informés de la surveillance exercée par le logiciel, ce qui va à l'encontre des directives de la CNIL, le gendarme des données. Cette dernière exige que les employés soient clairement et complètement informés lorsque des données personnelles les concernant sont collectées. Dans notre cas d'espèce, la collecte de données nominatives sans consentement semble avoir été effectuée en toute opacité.

Aujourd'hui en reconversion professionnelle, la plaignante a détaillé son expérience. Elle a été informée de son licenciement pour « faute grave » par un représentant des ressources humaines, sans avoir reçu de préavis. Si elle admet avoir raccroché à plusieurs reprises sur une période de deux mois, elle ajoute avoir priorisé la gestion des dossiers dans une période de surcharge de travail. « Durant plusieurs semaines, cette personne n’a volontairement pas répondu à plusieurs dizaines d’appels de sociétaires (assurés) cherchant à joindre la MAIF pour demander une assistance ». Avant cet incident, Alice avait pourtant la confiance de ses supérieurs et avait même été désignée responsable du centre. Comme nous l'indique la MAIF, elle avait « en charge la gestion d’appels et de courriers de sociétaires (assurés) victimes de dommages corporels (blessures, accidents, décès de proches...) au centre de gestion de Compiègne ».

Une femme dans un centre d'appels © PeopleImages.com - Yuri A / Shutterstock
Une femme dans un centre d'appels © PeopleImages.com - Yuri A / Shutterstock

La MAIF et la relation client (droit de réponse accordé par Clubic) :

« MAIF accorde une place centrale à la qualité du service rendu à ses sociétaires. Comme mutuelle d’assurance, il est de notre devoir d’apporter à nos sociétaires une réponse rapide, de qualité et attentionnée, d’autant plus dans un contexte potentiel de détresse. Nous faisons confiance à nos collaborateurs pour être garants de cette exigence de qualité, au quotidien, et ce, quel que soit le canal de communication utilisé. Dans ce cas précis, les manquements constatés étaient totalement contraires aux fondamentaux de la relation de la MAIF avec ses sociétaires ».

Une victoire pour l'employée, le droit à la vie privée au travail respecté

Même si elle a « reconnu les faits », comme le précise la MAIF, Alice a pris l'initiative de contester son licenciement en portant l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Compiègne. Le 20 octobre 2023, la décision est tombée, et elle fut en sa faveur. Les conseillers prud'homaux ont requalifié le licenciement en « licenciement sans cause réelle et sérieuse », obligeant la MAIF à verser à Alice 40 000 euros d'indemnités. La décision s'appuie sur le Code du travail, qui stipule bien que les employés doivent être informés de toute collecte d'informations personnelles les concernant.

Les précisions de la MAIF sur l'enregistrement des échanges :

« Comme dans toutes les entreprises disposant d’un service client, les échanges que nos salariés peuvent avoir avec nos sociétaires peuvent être enregistrés et faire l’objet de mesures (fréquences, durées...) à des fins d’amélioration du service. Ces procédures sont connues des salariés ainsi que des sociétaires avertis à l’occasion d’un appel téléphonique d’un possible enregistrement de leur conversation.

Ce sont ces enregistrements qui ont conduit la MAIF à constater un comportement anormal et préjudiciable à l’entreprise comme aux sociétaire ».

Il a été révélé que le logiciel de surveillance utilisé par la MAIF avait été mis en place sans informer les employés de sa capacité à collecter des données nominatives. Le comité d'entreprise de la société avait exprimé son désaccord sur l'utilisation de telles données, et ce dès 2007. Mais l'assureur s'est néanmoins réservé le droit de faire appel et a déclaré ne pas souhaiter commenter la décision du conseil des prud'hommes, ni d'autres aspects du dossier.

Sur la condamnation prononcée, que dit la MAIF ?

« Le conseil prudhommal qui a statué sur le cas de cette salariée a considéré que toutes les conditions n’étaient pas réunies pour que ces enregistrements soient utilisés dans le cadre d’un licenciement. Soucieuse de s’aligner sur les standards de conformité les plus exigeants, la MAIF prend acte de ce point et a d’ores et déjà entamé des travaux d’amélioration de ses procédures pour rendre ses outils encore plus transparents et plus explicites dans leur utilisation vis-à-vis de ses salariés ».

Mais alors que la MAIF prône des valeurs de transparence et de respect des droits de ses membres, l'utilisation d'un logiciel de surveillance sans information préalable suscite des préoccupations. Cette décision pourrait avoir des implications sur la manière dont les entreprises surveillent et gèrent leurs employés, notamment lorsque ces mêmes sociétés utilisent des technologies de surveillance avancées.

Source : Le Parisien